Le fardeau du Burundi : les réfugiés de la RDC pris entre la guerre et la misère
AFRIQUE
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Le fardeau du Burundi : les réfugiés de la RDC pris entre la guerre et la misèreLa crise humanitaire déclenchée par les combats en RDC s'est accentuée alors que des milliers de Congolais réfugiés au Burundi sont confrontés à la surpopulation dans les camps, aux maladies et à la baisse de l'aide.
L'escalade de la violence dans l'est de la RDC a contraint de nombreuses personnes à fuir vers les camps de la province du Nord-Kivu et, au-delà, vers le Burundi. / Others
8 mai 2025

Par Pauline Odhiambo

Le visage de Marie Kanyere reflète l'angoisse d'une mère alors que le plus jeune de ses quatre enfants, fiévreux et faible, tremble dans leur tente inondée.

Elle reconnaît les signes – cela pourrait être une nouvelle crise de paludisme. Le désespoir s'aggrave en sachant que la clinique n'a plus de médicaments.

« J'ai fui mon village quand les combattants ont éclaté. Ils ont tué mon frère et incendié notre maison », raconte Marie à TRT Afrika.

« Ici, nous dormons dans la boue, les enfants sont malades, et il n'y a pas de nourriture. Je ne sais pas si rester là-bas et mourir aurait été un meilleur choix que venir ici et souffrir chaque jour. »

Le site de réfugiés de Musenyi, dans l'est du Burundi, censé être un abri temporaire, est devenu un lieu de choix impossibles.

Le camp, situé à cinq heures de route de la frontière instable du Burundi avec la République démocratique du Congo (RDC), est surpeuplé, inondé après chaque pluie et privé d'aide.

Marie fait partie des quelque 71 000 réfugiés congolais qui ont fui vers le Burundi depuis janvier, échappant à la violence croissante dans l'est de la RDC.

La réponse humanitaire, déjà mise à rude épreuve par une crise de financement mondiale, ploie sous le poids des nouvelles arrivées.

Origine de la crise

La violence dans l'est de la RDC est alimentée par des rivalités entre groupes armés et une guerre de territoire pour le contrôle des vastes richesses minières de la région.

Plus de 130 factions armées opèrent dans la région, y compris le groupe M23, qui a annexé des territoires ces derniers mois avec le soutien présumé du Rwanda voisin. Kigali nie ces accusations.

« Le conflit est un mélange toxique de guerres par procuration géopolitiques, de luttes de pouvoir locales et d'exploitation étrangère », explique Emmanuel Masamba, analyste politique en RDC.

« Les civils sont pris entre les milices, les forces gouvernementales et les intérêts étrangers, tandis que le monde détourne le regard », ajoute-t-il

Le gouvernement congolais, soutenu par les Casques bleus de l'ONU et les troupes régionales, peine à stabiliser la région. Les massacres, les violences sexuelles et les déplacements forcés sont devenus monnaie courante.

Une crise en engendre une autre

Le site de réfugiés de Musenyi, qui abrite désormais 16 000 personnes, n'a jamais été conçu pour accueillir autant de monde.

L'étendue des tentes d'urgence sur des terres basses inondées, initialement réservées à l'agriculture, illustre le chaos. Avec la saison des pluies en cours, les mares stagnantes favorisent les maladies, et les abris de fortune s'effondrent parfois sous la force des averses.

« Nous constatons une augmentation des cas de paludisme, de choléra et d'infections respiratoires », déclare le Dr Jean-Christophe Niyonzima, médecin travaillant pour une ONG de santé.

« Les cliniques sont débordées, les médicaments s'épuisent, et des femmes enceintes accouchent dans des tentes inondées. Sans plus de soutien, des gens mourront de causes évitables », prévient-il

Les écoles sont inexistantes, les installations sanitaires sont saturées depuis longtemps, et les tensions montent entre les réfugiés et les communautés hôtes qui peinent à partager des ressources limitées.

Un choix cornélien

Les conditions de vie désastreuses et les approvisionnements en baisse ont poussé certains réfugiés à retourner dans la zone de guerre.

Le HCR rapporte que certaines familles ont déjà traversé à nouveau la RDC, risquant la violence pour retrouver des proches ou sauver ce qui reste de leurs maisons.

« Mon mari est retourné en RDC la semaine dernière pour voir si notre terre était toujours là », confie Sifa Ntamwenge, une mère de 27 ans avec deux enfants, à TRT Afrika. « Je lui ai dit de ne pas y aller, mais que pouvons-nous faire ? Ici, nous mangeons un repas par jour si nous avons de la chance. »

Pourtant, alors que certains réfugiés quittent le camp de Musenyi, des centaines d'autres arrivent chaque semaine, pris dans un cycle de déplacement.

Le manque de financement a contraint le HCR et ses partenaires à réduire les services essentiels.

Les kits de dignité pour les femmes et les filles – contenant du savon, des serviettes hygiéniques et des sous-vêtements – ne sont plus distribués, laissant 11 000 personnes sans fournitures d'hygiène de base.

Les programmes de réunification des enfants séparés de leurs familles ont été réduits, et les espaces sûrs pour les femmes et les enfants ont pratiquement disparu.

« Avant, nous avions un centre pour femmes où les survivantes de viol recevaient des conseils et des soins médicaux », renseigne Florence Niyonkuru, qui travaille avec des victimes de violences basées sur le genre au Burundi. « Maintenant, elles viennent nous voir, mais nous n'avons rien à leur offrir. Beaucoup souffrent en silence. »

Les signalements de femmes fuyant la RDC et victimes de viol ont augmenté, avec une hausse de 60 % des déclarations aux travailleurs humanitaires.

Le fardeau du Burundi

Le gouvernement burundais a montré ce que le HCR qualifie de « leadership exemplaire » en accordant le statut de réfugié aux Congolais déplacés et en allouant des terres. Mais la capacité du pays est épuisée avec l'instabilité régionale, l'inflation et ses propres difficultés économiques.

« Les communautés hôtes partagent le peu qu'elles ont, mais la patience s'épuise », observe Pierre Ndayishimiye, un responsable local de la province de Cankuzo. « Si le monde n'aide pas, cette crise débordera », avertit-il

L'appel du HCR pour 76,5 millions de dollars américains afin de répondre à l'urgence au Burundi fait partie d'une demande régionale plus large pour les réfugiés congolais dans sept pays africains. Sans cela, les experts avertissent des conséquences catastrophiques.

« Nous sommes en mode triage, choisissant qui reçoit de l'aide et qui n'en reçoit pas », souffle un volontaire du HCR au Burundi. « Ce n'est plus du travail humanitaire ; c'est de la gestion de crise dans sa forme la plus brutale ».

SOURCE:TRT Afrika
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