AFFAIRES ET TECHNOLOGIE
5 min de lecture
Comment les enfants de Madagascar sont exploités pour l'électronique et la cosmétique mondiales
Les secteurs cosmétique, automobile et électronique sont de grands utilisateurs du mica, minéral prisé pour son éclat et sa résistance. Mais des milliers d’enfants travaillent dans les mines de mica de Madagascar, dans l’indifférence générale.
Comment les enfants de Madagascar sont exploités pour l'électronique et la cosmétique mondiales
Une enquête a révélé qu'environ 11 000 enfants, dont certains âgés de moins de cinq ans, travaillent dans les mines de mica de Madagascar / Getty Images
16 juin 2025

Chaque fois que nous utilisons notre smartphone, appliquons une touche de maquillage ou admirons la finition brillante d'une voiture neuve, nous alimentons sans le savoir une industrie principalement bâtie sur le dos d'enfants impliqués dans l'extraction de mica, un minéral prisé pour son éclat et sa résistance.

Mais derrière cette façade scintillante se cache une réalité troublante d'exploitation infantile, où des milliers d'enfants travaillent dans des conditions difficiles pour extraire le mica.

Dans le sud de Madagascar, la situation est particulièrement alarmante. Une enquête conjointe menée par Terre des Hommes Pays-Bas et le Centre de Recherche sur les Multinationales a révélé qu'environ 11 000 enfants, dont certains âgés de seulement cinq ans, travaillent dans les mines de mica.

Contraints à une vie d'exploitation en raison de la pauvreté, du manque d'éducation et des attentes sociales, ces enfants se lèvent chaque jour pour effectuer un travail physique épuisant, sous la menace constante de blessures et d'une exposition dangereuse à la poussière de mica, pour un salaire de moins de cinq dollars par mois.

Des familles dans la pauvreté

Cette rémunération dérisoire ne suffit pas à nourrir leurs rêves de sortir leurs familles de la pauvreté.

Le résultat est que ces enfants sont piégés dans un cycle perpétuel d'exploitation, alimenté par la demande des principaux acheteurs de mica, principalement issus des industries électroniques et automobiles en Europe, en Asie et en Amérique.

Ce problème ne concerne pas uniquement Madagascar, mais nous concerne tous.

Les grandes marques de cosmétiques, les fabricants de véhicules et les entreprises d'électronique sont parmi les plus gros utilisateurs de mica et ont un rôle à jouer.

Le mica est extrait grâce au travail des enfants pour ces marques. La question demeure : s'en soucient-elles vraiment ?

Aller vers des pratiques minières responsables

Malheureusement, les consommateurs de ces produits ignorent souvent d'où provient le mica, essentiel dans le processus de fabrication, contribuant ainsi involontairement à l'exploitation des enfants.

Lorsqu'elles sont confrontées à des preuves de travail des enfants, certaines entreprises rompent leurs liens avec les fournisseurs problématiques.

Bien que cette approche puisse protéger temporairement la réputation des entreprises, elle ne fait que dissimuler davantage l'exploitation des enfants au lieu de s'attaquer aux problèmes fondamentaux.

Le gouvernement malgache joue un rôle crucial dans la régulation et le suivi des activités d'extraction de mica.

Des efforts ont été entrepris pour éliminer le travail des enfants et promouvoir des pratiques minières responsables.

Cependant, des défis subsistent en raison de la nature informelle de nombreuses opérations minières et des ressources limitées pour leur application.

Adapter les cadres juridiques

La marginalisation historique et le manque de moyens de subsistance alternatifs pour les familles minières dans le sud de Madagascar compliquent encore la situation.

Renforcer les cadres juridiques, augmenter les financements pour les inspections et collaborer avec des organisations internationales sont des étapes essentielles vers un changement systémique.

Même au niveau international, malgré des progrès tels que la directive européenne sur le devoir de vigilance en matière de durabilité des entreprises prévue pour 2024, les réglementations restent insuffisantes pour garantir une véritable responsabilité des entreprises.

Bien que des organisations non gouvernementales soient intervenues pour s'attaquer directement à ce problème en autonomisant les communautés, en assurant l'éducation des enfants, en offrant des opportunités économiques alternatives et en plaidant pour un renforcement de l'application des lois, cela reste insuffisant.

Des partenariats plus stratégiques doivent être établis pour réduire de manière significative le nombre d'enfants contraints de travailler dans les mines, en créant un changement significatif et durable. Cependant, cette intervention se heurte également à des obstacles.

Un changement réel nécessite un effort collectif. Les entreprises doivent s'engager à tracer et auditer entièrement leurs chaînes d'approvisionnement, en corrigeant activement les abus au lieu de s'en éloigner.

Les gouvernements doivent renforcer leurs mécanismes d'application, allouer des ressources adéquates pour lutter efficacement contre l'exploitation des enfants et offrir des alternatives aux moyens de subsistance perçus comme soutenus par ce vice.

Les communautés doivent également être sensibilisées pour cesser de normaliser le travail des enfants et encourager les enfants à vivre pleinement leur enfance pour mieux préparer leur avenir.

S’unir contre le travail des enfants

Pour que ces interventions réussissent, les consommateurs doivent utiliser de manière responsable le pouvoir immense qu'ils détiennent en exigeant collectivement la transparence des fournisseurs, une transparence qui garantira que toutes les matières premières sont éthiquement sourcées et exemptes de travail des enfants.

La Journée mondiale contre le travail des enfants, célébrée chaque 12 juin, vise à inciter les gouvernements, les agences non gouvernementales et le secteur privé à affronter collectivement la réalité inconfortable du travail des enfants.

Nous avons tous un rôle à jouer pour mettre fin à la souffrance des enfants cachée derrière nos produits du quotidien, y compris l'éclat du mica.

Le problème du travail des enfants dans l'extraction de mica est bien documenté. Pourtant, l'inaction mondiale laisse ce fléau persister.

Les entreprises, les gouvernements et les consommateurs doivent assumer une responsabilité collective pour mettre fin à l'exploitation des enfants vulnérables.

Sans intervention urgente, l'industrie continuera de prospérer au détriment des enfants dans certaines des régions les plus pauvres du monde.

Auteurs : Jean-Louis Rault, Directeur Pays, Madagascar, Terre des Hommes Pays-Bas et Raphael Kariuki, Directeur Régional Afrique, Terre des Hommes Pays-Bas.

Avertissement : Les opinions exprimées par les auteurs ne reflètent pas nécessairement les opinions, points de vue et politiques éditoriales de TRT Afrika.

Jetez un coup d'œil sur TRT Global. Partagez vos retours !
Contact us