Il avait appâté le téléspectateur avec sa promesse de lancer des référendums sur plusieurs grandes réformes. Plus de 5 millions de Français ont suivi cette interview fleuve, animée par les interventions de plusieurs invités dont Sophie Binet, la patronne de la CGT.
Cette interview marquait aussi le retour du chef de l’Etat sur la scène nationale après sa dissolution ratée de l’Assemblée du 9 juin dernier.
A l’arrivée, Emmanuel Macron a bien évoqué la question du référendum, un outil démocratique ultime qu’il agite régulièrement mais il n’est pas question, semble-t-il, de l'utiliser pour la réforme des retraites ou au sujet du dossier de l’immigration.
Le président pourrait utiliser cet outil pour la loi sur la fin de vie actuellement discutée au Parlement mais uniquement si le texte est bloqué par le Sénat par exemple.
Alors ce matin les réactions flirtent toutes avec “tout ça pour ça”. La presse n’est pas tendre. Le Figaro trouve paradoxal de brandir le référendum et de ne jamais l’utiliser. Le journal l’Opinion titre sobrement sur “une rupture de diète médiatique”, alors que le journal La Provence résume l’interview avec un “Ni horizon, ni solution.” Globalement, les médias constatent qu’il n’y a eu aucune annonce concrète et que le chef de l’Etat s’est surtout attelé à défendre son bilan de huit ans à l’Elysée.

Invité d’un entretien mardi soir sur TF1, le chef d'Etat français a déploré que “toute l'aide que la France et d'autres pays acheminent” soit “bloquée par les Israéliens”.
“Une prestation inutile” dit le RN
Les partis politiques ne sont guère plus convaincus. La France Insoumise s’amuse des deux heures d’interview concluant, “il est temps d’en finir avec la monarchie présidentielle.” Jordan Bardella, président du Rassemblement national, y voit une prestation inutile qui illustre l'impuissance généralisée du chef de l’Etat.
Emmanuel Macron a frustré ceux qui attendaient une annonce forte sur les dossiers récents. A titre d’exemple, le chef de l’Etat refuse de nationaliser Arcelor Mittal même si l’aciérie envisage de supprimer 600 emplois en France. Il promet juste de sauver les sites de Dunkerque et Fos-sur-Mer, sans donner aucune précision.
Le député Rassemblement national, Laurent Jacobelli, député de Moselle, a moyennement apprécié. Ce matin sur l’antenne locale de Radio France, il déclare: “Après la trahison de Nicolas Sarkozy à Gandrange, celle de François Hollande à Florange, c'est au tour de Macron de trahir l'industrie en Moselle. Je me battrai pour défendre l'emploi chez ArcelorMittal à Florange.”
Dans le dossier des hôpitaux publics, Macron propose d’augmenter l’impôt pour financer la santé. Il n’y aura pas de retour en arrière sur le paiement à l’acte qui, de l’avis de tous les professionnels du secteur, met le secteur public en difficulté, le président sort de son chapeau l’idée d’une TVA sociale pour financer le déficit chronique des établissements de santé.
Aucune remise en question des réformes Macron
Eric Coquerel, député LFI s’étrangle sur son compte X: “La seule chose qu'Emmanuel Macron a annoncé envisager c'est l'augmentation de la TVA, l'impôt le plus injuste et qui attaque la consommation populaire. Une mesure stupide ! Il exclut encore d'aller taxer ceux qu'il a enrichis depuis 2017 sans effet pour le pays”. Mathilde Panot, la cheffe de file des députés insoumis n’est pas plus satisfaite de l’interview, aucune parole sur la Kanaky- Nouvelle-Calédonie, rien sur Arcelor-Mittal, “Macron reste le pire de Macron” conclut-elle.
Emmanuel Macron ne s’est en fait pas engagé. Ce fut un exercice de demi-teinte pour surtout ne pas remettre en question son bilan ou ses réformes. Le président s’est tout de même déclaré en faveur des l’augmentation des pouvoirs des polices municipales qui aujourd’hui ont des attributions limitées et ne peuvent être armées, ce qui a ravi le maire de Béziers, Robert Ménard, un maire d’extrême-droite qui titillait le chef de l’état sur la sécurité. Cette mesure coûterait peu à l’Etat tout en câlinant les maires qui doivent faire face aux incivilités ou violences quotidiennes.
En revanche, le camp présidentiel ne commente pas la prestation de leur chef. Les Républicains sont prudents, y aurait-il de la gêne après un exercice qu’on annonçait déterminant pour le retour de Macron sur la scène politique nationale ?
Dans son édito dans le journal Libération, le journaliste Thomas Legrand écrit en fin de son article. “Le monde est en ébullition, la politique française, elle, est sur pause. C’est le principal enseignement que l’on peut tirer de cette émission.”
L’éditorial du Figaro tire les mêmes conclusions, le journaliste Vincent Trémolet de Villers commente ainsi la prestation présidentielle: “Au terme de cet exercice médiatique censé clore le désordre provoqué par la dissolution, le résultat est inverse : la fatigue démocratique paraît plus profonde que jamais. Un chef de l’État que l’on croit omnipotent a exposé publiquement son impuissance”.