En tant que médiateur entre l'Éthiopie et la Somalie, la Turquie accueille un deuxième cycle de discussions entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays africains à Ankara.
Le ministre turc des Affaires étrangères, Hakan Fidan, a rencontré son homologue éthiopien, Taye Atske Selassie, puis le ministre somalien des Affaires étrangères, Ahmed Moallim Fiqi, indique le ministère turc des Affaires étrangères sur X.
Les tensions entre ces deux pays d'Afrique de l'Est ont éclaté en janvier dernier après que l'Éthiopie a accepté de louer 20 km de littoral au Somaliland –région autoproclamée indépendante de la Somalie– en échange de la reconnaissance par Addis-Abeba de son indépendance.
En juin dernier, Fidan avait déjà accueilli ses homologues éthiopien et somalien à Ankara, où il avait dirigé des discussions pour résoudre leurs différends "dans un cadre mutuellement acceptable".
Au cours de la dernière décennie, la diplomatie turque a réalisé des avancées significatives dans plusieurs régions du monde, notamment en Afrique, grâce à une approche stratégique ambitieuse.
Le rétablissement des relations diplomatiques entre la Turquie et de nombreux pays africains a conduit à une augmentation du nombre d’ambassades turques à plus de 40, tandis que près de 40 États africains ont ouvert des missions diplomatiques à Ankara.
La Turquie a donné la priorité à l'ouverture de missions diplomatiques dans tous les pays africains afin de renforcer davantage ses relations avec le continent. En 2002, la Turquie ne comptait que 12 ambassades en Afrique ; en 2022, ce chiffre est passé à 44.
"Cette approche est extrêmement bénéfique tant pour la Turquie que pour ses alliés à travers le monde", explique Federico Donelli, professeur de relations internationales à l'Université de Trieste, en Italie. Il salue la capacité d'Ankara à se positionner comme un partenaire neutre en Afrique.
Un médiateur de confiance
La Turquie a invité les représentants d’Addis-Abeba et de Mogadiscio à Ankara le 1er juillet, offrant un cadre propice au dialogue.
Au cœur du différend se trouve la signature d’un mémorandum d’accord controversé entre l’Éthiopie et le Somaliland, accordant à l’Éthiopie –pays enclavé– un accès à la mer Rouge.
Cet accord a intensifié les tensions entre Mogadiscio et Addis-Abeba. La Somalie a protesté contre cet accord maritime, le qualifiant d’«atteinte à sa souveraineté», ayant été conclu sans l’implication de son gouvernement.
L’Éthiopie a défendu cet accord en soulignant que d’autres pays avaient également conclu des accords avec le Somaliland. La Somalie a, quant à elle, reçu le soutien de plusieurs organisations internationales et régionales, dont la Ligue arabe, et plusieurs nations.
Pour l’Éthiopie, cet accord est crucial pour ses intérêts économiques, notamment l’accès au port stratégique de Berbera, qui constitue une alternative essentielle aux ports de Djibouti et d’Érythrée pour ses échanges commerciaux et sa logistique.
Les experts estiment que la diplomatie turque adopte une approche amicale et légitime, bien accueillie par ses partenaires bilatéraux.
“La Turquie entretient d’excellentes relations avec les deux pays. De plus, ces relations impliquent directement leurs dirigeants. Abiy Ahmed et Hassan Sheikh entretiennent une relation personnelle avec le président Erdogan. Tous ces éléments contribuent à créer un environnement favorable aux négociations”, analyse le professeur Donelli.
La diplomatie turque met en avant ses priorités en matière de politique étrangère : "Contribuer à la paix et à la sécurité dans la région et créer de nouveaux modèles de coopération". Ankara privilégie ainsi le maintien de la paix, l’amélioration de la sécurité et la promotion de la stabilité régionale pour instaurer la confiance et favoriser un dialogue diplomatique réussi.
"Notre engagement en faveur de la paix, de la diplomatie et de la bonne volonté nous pousse à établir un dialogue et à trouver un terrain d’entente", a déclaré Hakan Fidan aux journalistes à Ankara.
Le professeur Mehmet Özkan, expert en politique étrangère à l'Université turque de la Défense nationale, explique à TRT World que l'approche globale de la Turquie a eu un impact significatif. Fidan lui-même a réaffirmé que son objectif est de renforcer la stabilité régionale et la coopération mutuelle pour assurer le succès de la diplomatie et du dialogue.
Des liens de longue date porteurs d'espoir
La Somalie et la Turquie ont noué une amitié solide en 2011, lorsque le président turc Recep Tayyip Erdogan s'est rendu à Mogadiscio en pleine crise humanitaire, marquée par une sécheresse dévastatrice et une guerre civile interminable. La Turquie a depuis joué un rôle clé dans plusieurs projets d’infrastructure, allant du chemin de fer en Tanzanie au stade de Dakar au Sénégal, en passant par la gestion d’infrastructures essentielles.
Les relations entre la Turquie et la Somalie reposent sur un principe gagnant-gagnant, avec plus de 150 projets d’aide au développement réalisés par l’Agence turque de coopération et de coordination (TİKA) depuis 2011.
Ankara dispose de sa plus grande ambassade à Mogadiscio et y a construit sa plus grande base militaire à l’étranger pour former l'armée nationale somalienne.
Les deux pays ont signé un pacte de défense en février, aux termes duquel Ankara s'engage à fournir un soutien en matière de sécurité maritime à la Somalie afin d’aider le pays africain à défendre ses eaux territoriales.
"La Turquie a eu le mérite de réunir l'Éthiopie et la Somalie", affirme Donelli à TRT World.
Son rôle dans l’amélioration des relations entre ces deux nations alimente un espoir croissant et des attentes positives, la Turquie s'impliquant activement dans ces nouvelles négociations.
L'impact d’Erdogan
Le président turc Recep Tayyip Erdogan a multiplié les échanges avec ses homologues somalien et éthiopien pour apaiser les tensions entre leurs pays.
Dimanche, Erdogan s’est entretenu séparément avec le président somalien Hassan Sheikh Mohamud et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed Ali.
Lors de son échange avec le Premier ministre éthiopien, Erdogan a souligné que la Turquie poursuivait ses efforts pour résoudre les tensions entre la Somalie et l'Éthiopie, selon la Direction de communication de la présidence turque.
Le président turc a également insisté sur le fait que les actions de l’Éthiopie visant à répondre aux préoccupations somaliennes sur l’unité, la souveraineté et l’intégrité territoriale faciliteraient le processus de réconciliation.
Lors de son entretien avec son homologue somalien, Erdogan a déclaré que des résultats concrets étaient attendus à l’issue de ce deuxième cycle de discussions en Turquie, visant à favoriser une entente entre les deux pays.