Un crayon et du papier, voici tout ce dont Dwa, Eric Andriantsialonina, de son vrai nom et prénom, a besoin pour créer des œuvres qui sont à la fois des pièces d'art et des sortes de portails spatiaux temporels sur la société malgache.
Grâce à une dextérité innée et un sens du détail propre à lui, ce maître du crayon sait figer sur une toile ou sur du papier des moments de son quotidien afin de le rendre intemporel.
''Back to Al Bak'', une de ses bandes dessinées dont il est l'auteur, donne un aperçu, sous des traits réalistes et animés, de son répertoire de techniques et de son sens narratif.
Avec couleurs et vie, le roman graphique et autobiographique incarne en effet la signature artistique de Dwa.
Comme tout artiste ou auteur conscient de son don, Dwa a des thèmes et des registres d'expression qui lui tiennent à cœur. La palette comprend l'environnement, le social ou encore l'économie pour ne citer que cela.
''Je dessine en atelier ou des BD. Le dessin en BD me fascine, car on l’utilise pour raconter une histoire. L’art séquentiel m’a toujours attiré, le fait de voir du mouvement là où rien ne bouge m’a toujours plu. Ce qui me plait le plus dans la BD, c’est le lien entre ce qui se passe avant ou après un dessin.
Ensuite, je dessine sur le vif, je fais des dessins d’observation. J’aime cela, car j’arrive à figer un moment, à prendre une ambiance. Cela me permet de me souvenir davantage d’un moment. Car si on peut voler une photo, on ne peut pas voler un dessin'' confie Dwa à TRT Afrika.
Afin d'être le plus fidèle et le plus précis dans ses représentations, l'artiste a dû développer son sens de l'observation et forger la patience parmi ses vertus.
Ayant vu le jour et grandi dans les années 80, Dwa est convaincu d'avoir été d’une certaine façon influencée par cette époque où, selon lui, la bande dessinée malgache était florissante.
''C'est en lisant des bandes dessinées que j’ai eu le virus du dessin, de la narration. Cela ne m’a plus jamais quitté. Et tant mieux.'' lance-t-il avec un sourire en coin.
Tout plaquer pour l'amour du dessin
Comme beaucoup d'artistes en Afrique, Eric a eu un peu de mal à faire accepter sa vocation dans sa famille, d'autant plus qu'il a eu un parcours scolaire et académique plutôt accompli.
Eric a fait des études supérieures sanctionnées par un diplôme en économie. Mieux encore. Eric a exercé comme fonctionnaire au ministère des Finances de son pays avant de décider, il y a 14 ans, de se donner corps et âme et exclusivement au dessin.
''Au début, mes parents m’ont laissé faire, quand j’étais petit. Ils ont vu que je pouvais marier cela avec mes études. Mais quand j’ai tout quitté en 2011, à 29 ans, pour me lancer à fond dans cela, ils ont “ paniqué ”. Mais j’étais déjà un adulte, j’avais déjà ma famille, donc c’était un choix réfléchi'' précise Dwa.
Il est courant pour les acteurs des arts plastiques et graphiques africains de faire face à des préjugés considérant les métiers issus de ces secteurs comme précaires.
En effet, si un tableau de Banksy, le ''Crude Oil’' a pu se vendre à 5 millions $ récemment et le Salvator Mundi de Léonard de Vinci à 450 millions $ en 2017, il est cependant rare de voir des œuvres d'auteurs africains d'égal talent ou presque, être achetées à prix d'or.
Des artistes comme Omar EL Nagdi d'Égypte ou encore Julie Mehretu originaire d'Éthiopie font partie de l'exception qui confirme une tendance mondiale. Ces cas rares permettent aux artistes comme Dwa d'entretenir la flamme de l'espoir.
À Antananarivo, la capitale où les tableaux et les autoportraits de Dwa attirent plus d'un regard, y compris ceux des touristes, les acheteurs payent pour du grand art à prix modeste. Pour le moment du moins.
Et à la galerie Art Maniak à Paris où certaines de ses œuvres sont vendues, les prix restent accessibles à toutes les bourses.
Quand on abandonne un statut de fonctionnaire ainsi que les avantages pécuniaires et la stabilité qui vont avec, pour ensuite choisir le dessin, il faut s'assurer de maîtriser les exigences du nouveau domaine dans lequel on se lance. Et c'est ce que Dwa s'évertue à faire.
''Je lis beaucoup, je regarde ce que les autres font de bien (ou de mal), je tente de nouvelles choses. Il faut toujours être curieux et prendre le temps d’absorber les travaux des autres'' explique Dwa, qui est parfois sollicité pour des travaux de recherche hors d'Afrique.
De temps à autre, Eric choisit de dessiner dehors, au vu de tous, car dans ce domaine, notamment avec la floraison des applications numériques, même avec l'arrivée de l'intelligence artificielle, les œuvres authentiques sont rares et leurs auteurs font face à une concurrence déloyale.
"J'aime quand il y a des gens qui approchent et avec qui j’échange le temps d’un dessin".
L'approche consiste pour Dwa à amener le public à vivre en direct la naissance d'œuvres d'art ; à avoir un regard juste et authentique sur les créateurs.
Avec Dawnig sa structure, Eric a entre autres eu l'occasion de traduire, à travers des bandes dessinées, des résultats de recherche menés en Moldavie et au Sri Lanka.
En dehors de commandes spéciales obtenues après des appels à candidatures, Dwa laisse libre cours à son talent à travers des œuvres qui parlent de la vie à Madagascar.
À travers son art à plusieurs facettes, Eric propose un voyage qui permet de découvrir les paysages riches et variés et les réalités de la grande-île, mais pas que. Il lui arrive également d'exercer son talent en contant des histoires qui se passent à Mayotte, au Kenya et dans d'autres pays d'Afrique.
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