Par Pauline Odhiambo
Des douleurs de l'accouchement traversent le corps de Grace Mwale alors qu'elle serre son ventre, chaque contraction devenant plus intense que la précédente.
Cette future mère malawienne de 24 ans est inquiète pour elle-même et pour son bébé à naître car le temps s'écoule sans aucun signe d'assistance médicale.
L'hôpital le plus proche se trouve à des heures de route, une ambulance à disposition est inimaginable, et personne ne sait si Grace peut accoucher normalement.
Cette situation, bien que fréquente dans des villages comme le sien, ne prépare jamais vraiment une famille à l'incertitude médicale.
C'est alors qu'intervient Esther Banda, une sage-femme locale forte de plusieurs décennies d'expérience et dotée de mains expertes.
Esther a pu accompagner Grace tout au long du travail pendant les heures suivantes, lui prodiguant des paroles apaisantes, massant son dos et veillant à ce qu'elle reste hydratée.
Lorsque la tête du bébé est enfin apparue, ses mains expertes ont aidé à mettre au monde un garçon en bonne santé.
Grace, épuisée mais comblée de joie, murmure sa gratitude.
« Sans Esther, je ne sais pas ce qui serait arrivé », confie-t-elle à TRT Afrika en berçant son nouveau-né.
Des scènes similaires se répètent chaque jour à travers l'Afrique, où des sages-femmes comme Esther forment l'épine dorsale des soins maternels, travaillant dans des conditions difficiles pour assurer des accouchements en toute sécurité.
Aujourd'hui, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) appelle à une expansion mondiale des modèles de soins basés sur les sages-femmes, une initiative que les experts considèrent comme pouvant sauver des millions de vies.
Tradition de confiance
Une sage-femme compétente instaure la confiance, offre un soutien émotionnel et donne aux femmes les moyens de traverser l'une des expériences les plus vulnérables de leur vie.
Des études montrent que les femmes prises en charge par des sages-femmes ont plus de chances d'avoir des accouchements vaginaux en bonne santé et sont plus satisfaites des soins reçus.
« Les sages-femmes ne se contentent pas d'accueillir les bébés ; nous écoutons, nous éduquons et nous défendons les femmes », explique Fatoumata Diallo, sage-femme au Sénégal.
« Dans de nombreux villages, nous sommes les seules prestataires de soins sur lesquelles les mères peuvent compter. »
Jane Wambui, sage-femme kenyane, sait comment être une présence rassurante auprès d'une femme enceinte.
« Lorsqu'une femme voit la même sage-femme tout au long de sa grossesse, elle se sent en sécurité. Elle sait que quelqu'un comprend ses peurs et son corps. Cette connexion sauve des vies », confie Jane à TRT Afrika.
Les chiffres parlent d'eux-mêmes
Les décès maternels et néonatals restent alarmants, en particulier dans les pays à faible revenu.
L'OMS estime qu'un accès universel à des sages-femmes qualifiées pourrait prévenir plus de 60 % de ces décès, sauvant ainsi 4,3 millions de vies chaque année d'ici 2035.
« L'expansion des modèles de soins basés sur les sages-femmes est l'une des stratégies les plus efficaces pour améliorer la santé maternelle et néonatale à l'échelle mondiale », déclare le Dr Anshu Banerjee, directeur de la santé maternelle, néonatale, infantile et adolescente à l'OMS.
« Ces approches améliorent les résultats, optimisent les ressources et peuvent être adaptées à tous les pays. »
Les sages-femmes permettent également de contrer la médicalisation croissante de l'accouchement.
Bien que des interventions comme les césariennes réduisent la mortalité dans certaines conditions, elles comportent aussi des risques.
Certains pays affichent des taux de césarienne dépassant 50 %, bien au-delà des 10-15 % recommandés par l'OMS pour des raisons médicales.
« Les sages-femmes qualifiées aident les femmes à avoir confiance en leur corps et en leurs capacités ; elles veillent à ce que les femmes aient accès à un soutien émotionnel vital », affirme Ulrika Rehnström Loi, experte en obstétrique à l'OMS.
Construire de meilleurs systèmes
Les sages-femmes travaillent souvent dans des conditions difficiles, aggravées par un sous-financement, un manque d'équipement et des défaillances administratives dans leur intégration aux systèmes de santé.
Beaucoup travaillent seules, sans soutien de médecins en cas de complications.
Les nouvelles directives de l'OMS proposent des outils pratiques pour renforcer les soins obstétricaux à travers trois approches clés.
La première est la continuité des soins, qui garantit qu'une même sage-femme ou une petite équipe accompagne une femme enceinte tout au long de la grossesse, de l'accouchement et de la récupération.
Un autre modèle clé est la création de centres d'accouchement dirigés par des sages-femmes pour faciliter des accouchements sûrs et avec un minimum d'interventions pour les femmes à faible risque de complications.
Une approche communautaire permet également d'apporter des soins de maternité directement dans les villages via des unités mobiles ou des centres de santé locaux, atteignant même les zones les plus reculées.

« Les modèles obstétricaux ne sont pas seulement intelligents ; ils sont une nécessité », indique Anna Ugglas, PDG de la Confédération internationale des sages-femmes.
« Ils redonnent de la dignité à l'accouchement et assurent la sécurité des mères et des bébés partout. »
Alors que les leaders mondiaux de la santé poussent pour une expansion des soins obstétricaux, le message sous-jacent est que soutenir les sages-femmes revient à sauver des vies.
Dans son village malawien, Esther persévère avec la détermination tranquille d'une guerrière de la santé de proximité qui sait qu'elle fait une différence.
« Chaque mère mérite un accouchement sûr », confie-t-elle à TRT Afrika. « Et chaque sage-femme mérite les outils pour que cela soit possible. »