Par Pauline Odhiambo
Les mauvais jours capillaires ne sont pas une affliction contemporaine – l'histoire montre que l'insatisfaction capillaire plongeait les anciens Égyptiens dans le désespoir tout autant qu’elle affecte les citadins du XXIe siècle.
Il y a plus de 5 000 ans, les perruques et extensions faisaient fureur parmi l'élite en Égypte, berceau des accessoires capillaires. Pensez aux pharaons, aux reines et à la haute société.
Plus tard à l'époque du commerce transatlantique des esclaves, le récit change. Les femmes réduites en esclavage étaient contraintes de porter des perruques pour se conformer à l'esthétique occidentale, une tendance qui s'est progressivement infiltrée dans les communautés noires à travers le monde.
Aujourd'hui, les femmes d'origine africaine constituent la plus grande catégorie d’utilisatrices de perruques et d’extensions capillaires dans le monde.
GlobeNewswire, un service de distribution de communiqués de presse, rapporte que plus de 50 % des femmes africaines portent des tissages capillaires, et que beaucoup utilisent des perruques pour protéger leurs cheveux naturels des dommages, en particulier lorsque leur texture est sujette à la sécheresse et à la casse.
Le Nigeria et l'Afrique du Sud représentent les plus grands marchés de consommation d’extensions et de perruques capillaires en Afrique. Selon les données de la plateforme Business Market Insights, la valeur du marché africain de ces produits était de 272 millions de dollars américains en 2022, avec une projection de croissance à 412,53 millions de dollars d’ici 2030.
Nouveau paradigme
Les perruques et extensions sont depuis longtemps des incontournables de l'industrie de la beauté, offrant une solution rapide pour coiffer tout type de cheveux et les faire correspondre à un certain stéréotype.
Ceci est particulièrement vrai dans les concours de beauté, où les candidates de toutes origines ethniques optent souvent pour des perruques longues et lisses, renforçant la préférence occidentale pour les cheveux raides au détriment des boucles et frisures naturelles.
Une récente interdiction des perruques au concours Miss Côte d'Ivoire a bouleversé ces idées reçues.
Le 28 janvier, les organisateurs ont décidé de bouleverser les règles en imposant aux candidates d’arborer leurs cheveux naturels, qu’ils soient longs, courts, tressés, coupés ou rasés.
En mettant en avant l'importance de célébrer la beauté africaine naturelle et l’authenticité, le président du comité d’organisation de Miss Côte d'Ivoire, Victor Yapobi, a évoqué les précédentes gagnantes du concours Miss Univers qui portaient des cheveux courts et naturels.
"Toutes les candidates souhaitant participer au concours Miss Côte d'Ivoire doivent venir avec leurs cheveux naturels", a déclaré Yapobi à Abidjan avant le coup d’envoi de la 29ᵉ édition du concours.
"Ce changement découle du fait que nous sommes souvent interpellés sur l’utilisation des perruques et extensions capillaires, dont le style et la fabrication ne font pas partie de la culture ivoirienne."
Cette nouvelle règle a été principalement influencée par Marlène Kouassi, couronnée Miss Côte d’Ivoire en 2022. Elle avait participé au concours cette année-là en arborant des cheveux courts.
Acceptation de soi
Cette initiative vise à encourager les femmes à se sentir confiantes sans avoir recours à des artifices.
Yapobi a affirmé que cette nouvelle règle du concours visait à promouvoir l’acceptation de soi et la confiance en soi chez les candidates, tout en incitant davantage de femmes à assumer leurs cheveux naturels.
Bien que certains amateurs de concours de beauté estiment que cette décision est une avancée positive, le sociologue Gnelbin Nicaise Hlil considère que l’évolution des critères de beauté est souvent lente.
"Il est vrai que ce mouvement de promotion des cheveux naturels prend de l'ampleur depuis longtemps. Mais en observant la société, on voit que certaines tendances persistent. Le phénomène de dépigmentation de la peau ne recule pas vraiment, tout comme le port des perruques n’a pas diminué", explique Hlil.
Réactions partagées
La décision d'interdire les perruques et extensions capillaires au concours Miss Côte d'Ivoire a été qualifiée d’"historique" par de nombreuses personnes, bien que certains estiment qu’elle porte atteinte à la liberté individuelle.
"La Côte d'Ivoire a donné le ton et je pense que d'autres nations suivront bientôt son exemple", affirme Linda Karanja, une Kényane qui suit de près le concours Miss Univers, à TRT Afrika.
Marguerite Koutouan, une coiffeuse à Abidjan, souligne que ne pas utiliser de perruques élimine également le risque d’endommager son cuir chevelu.
"Certaines perruques et tissages provoquent l’alopécie et d'autres dommages irréversibles du cuir chevelu en raison d’une mauvaise pose et de l’utilisation de colles agressives. Désormais, nos reines de beauté pourront porter leurs cheveux dans des styles naturels et éviter la chute de cheveux", argumente-t-elle.
L’homme d’affaires nigérian Karim Aboubakar préfère cependant que les candidates aient le choix concernant leur coiffure.
"La coiffure d'une personne devrait être un choix, pas une obligation. Les candidates blanches, asiatiques et latinas portent des perruques et des extensions capillaires, donc leur retirer cette liberté de choix revient à opprimer une fois de plus les femmes noires", suggère-t-il à TRT Afrika.
Parmi les autres changements apportés aux règles du concours en Côte d’Ivoire, on note la modification de la taille minimale requise, qui passe de 1,68 m à 1,67 m. La limite d’âge supérieure a également été révisée, passant de 25 à 28 ans.
Les pré-sélections pour Miss Côte d'Ivoire 2025 se dérouleront jusqu'au 10 mai, et la cérémonie de couronnement est prévue pour le 26 juin.