(Agence Ecofin) - Dans le cadre des éliminatoires pour la coupe du monde de football 2026, les Barea de Madagascar sont censés accueillir à domicile l’équipe des Black Stars du Ghana ce lundi 24 mars.
Le match se déroulera pourtant au Maroc et non dans le stade Barea Mahamasina d’Antananarivo. En cause, le refus persistant de la Confédération africaine de football (CAF) d’homologuer cette enceinte sportive pourtant construite selon les standards internationaux et inauguré en 2021.
Loin d’être un cas isolé, Madagascar est en effet confrontée à une problématique commune à une vingtaine d’Etats africains, celle de stades qui peinent à obtenir des agréments à cause de normes en constante évolution.
Au-delà des considérations sportives, cette situation a également des implications économiques non négligeables et interroge sur les mesures que peuvent prendre les instances dirigeantes du sport pour mieux accompagner les Etats dans la construction et la maintenance de ce type d’infrastructures.
Homologué, pas homologué…
En septembre 2021, Madagascar a inauguré dans la liesse populaire le stade Kianja Barea Mahamasina (KBM), une enceinte de 40 000 places destinée à accueillir les matchs de la sélection nationale de football.
C’est l’œuvre de la China State Construction (CSCEC), une entreprise chinoise qui a construit et réhabilité plusieurs stades de renom en Afrique, dont le stade Léopold Sédar Senghor, dont la rénovation s’achève en 2025 et qui devrait accueillir les Jeux olympiques de la jeunesse en 2026.
Le jour de son inauguration, un premier match international est disputé au KBM, avec l’aval de la CAF. La rencontre oppose alors la sélection nationale à l’équipe du Bénin, dans le cadre des qualifications pour la Coupe du Monde 2022.
Cependant, l’autorisation de la CAF n’est en réalité qu’une dérogation qui ne sera pas prolongée.
L’année suivante, l’institution met à jour ses exigences pour les stades habilités à accueillir les matchs internationaux. Elle demande alors à chacun de ses pays membres de proposer un stade officiel qui accueillerait tous leurs matchs à domicile. C’est le début d’un long processus pour Madagascar, qui se compliquera encore plus avec le drame auquel la Grande île fera face en 2023. Lors de la cérémonie d’ouverture des Jeux des îles de l’océan Indien organisés dans le stade Barea Mahamasina, une bousculade entraine la mort d’une dizaine de personnes.
Tout espoir de revoir alors les matchs de la sélection nationale s’y dérouler à court terme s’évanouit, et le stade se retrouve sur la liste rouge de la CAF. Lors de leur précédente inspection en 2021, les experts de la CAF ont listé 20 recommandations à mettre en œuvre pour obtenir l’homologation définitive.
L’inspection réalisée en avril 2024 n’aboutit pas au résultat espéré par les autorités malgaches et le stade perd son homologation. En cause, des problèmes de sécurité, avec les tourniquets électroniques destinés à réguler les flux des visiteurs défectueux, et un confort insuffisant avec des vestiaires trop étroits et un espace VIP inapproprié selon la CAF.
Des efforts à poursuivre
En 2025, après des mois de réajustements et de travaux, les critères imposés par la CAF ont été validés, allant de la sécurité des tribunes à l’accueil des médias et des joueurs. Un dernier élément reste cependant problématique : la pelouse. Après l’échec d’un premier gazon importé, une rénovation complète a été confiée à une entreprise locale, Garden & Design, qui a choisi le Cynodon Dactylon, une variété de gazon plus adaptée au climat malgache.
Lors de la dernière inspection menée par la CAF en février 2025, les experts ont reconnu les progrès réalisés, mais ont aussi souligné que la pelouse, fraîchement implantée, nécessitait encore quelques mois de maturation pour atteindre les standards internationaux. De plus, les experts de l’institution ont recommandé l’achat d’équipements spécifiques adaptés à ce type de gazon, les précédents outils achetés pour l’ancien gazon chinois n’étant plus adaptés.
En attendant, les supporters malgaches doivent continuer à se déplacer au Maroc pour suivre les performances de la sélection. Actuellement troisième de son groupe de qualification avant la rencontre face aux Black Stars, les Barea devront donc compter sans le soutien d’une grande partie de leur public.
Un problème international
L’absence d’un public significatif à domicile est le lot des autres adversaires de Madagascar dans sa poule, notamment la Centrafrique, battu mercredi 19 mars sur le score de 1 but à 4 par Madagascar. Dans cette poule, seul le Mali dispute effectivement ses matchs à domicile, en l’occurrence sur la pelouse du Stade du 26 mars à Bamako.
Quant au Tchad, à la République centrafricaine et aux Comores, ils disputent tous leurs matchs dans d’autres pays. Leurs différents stades n’ont pas passé les dernières campagnes d’homologation de la CAF, pour des raisons similaires : défaut d’entretien des pelouses, sécurité insuffisante, infrastructures défectueuses.
Le problème concerne aussi les autres poules de cette campagne de qualification à la coupe du monde 2026 et s’étend même à d’autres nations sportives hors d’Afrique.
Au Bénin, le stade de l'Amitié de Cotonou rénové en 2021 et homologué dans la foulée s’est vu déclassé trois ans plus tard par la CAF. En cause, « des questions de pelouse et d’équipements de terrain », selon Jean-Marie Adjovi-Boko, conseiller spécial du ministre béninois des Sports.
De l'Amérique du Sud à l'Asie du Sud-Est, en passant par certains pays d'Europe de l'Est, nombreuses sont les nations qui luttent pour maintenir leurs infrastructures sportives au niveau des standards internationaux sans cesse réévalués. Au Brésil et en Afrique du Sud, plusieurs stades construits pour les Coupes du Monde 2014 et 2010 ont depuis perdu leur homologation pour des compétitions de haut niveau. Si la standardisation des infrastructures sportives vise légitimement à garantir la qualité et la sécurité des compétitions, elle entraine pour les pays des coûts élevés en entretien et réhabilitation.
Un coût financier non négligeable
Avec un nombre croissant de stades non homologués sur le continent, les matchs internationaux du football africain se disputent de plus en plus sur des terrains neutres, privant les millions de supporters de leurs équipes nationales. Au-delà des causes susmentionnées, ce phénomène entraine un double défi pour les Etats. Ils doivent non seulement assumer le coût du déplacement des supporters et des équipes sur des terrains hors du territoire national, tout en finançant la remise aux normes de leurs infrastructures sportives. La construction du stade Kianja Barea Mahamasina a coûté environ 80 millions de dollars, sans compter les frais supplémentaires engagés ces dernières années pour le rendre conforme aux normes.
Ils doivent assumer le coût du déplacement des supporters et des équipes sur des terrains hors du territoire national, tout en finançant la remise aux normes de leurs infrastructures sportives.
Si l’homologation attendue dans les prochains mois est obtenue, Madagascar devra de nouveau consacrer des fonds significatifs pour assurer l’entretien des installations. Sans compter que de nouvelles réglementations pourraient à nouveau entrainer un nouveau cycle de travaux, soit un cycle infernal. S’il est difficile d’évaluer les coûts de ces différents travaux et leur impact éventuel pour les caisses des Etats, on peut s’interroger sur la viabilité à long terme de ce processus.
Un meilleur accompagnement
Face à cette situation où les standards progressent continuellement, quel rôle la CAF et la FIFA peuvent-elles jouer pour atténuer ces contraintes ? L’enjeu est à la fois économique, politique et social. Un accompagnement financier des fédérations nationales pourrait être envisagé, mais d’autres formes de soutien sont également à explorer, notamment en matière d’entretien et de maintenance. Une meilleure planification des normes sur le long terme permettrait aussi d’éviter des révisions trop fréquentes qui fragilisent les budgets des États.
La CAF et la FIFA, qui bénéficient elles aussi de la multiplication des infrastructures sportives modernes, pourraient également jouer un rôle dans la formation des gestionnaires de stades ou l’optimisation des modèles économiques permettant d’amortir ces investissements. Reste à voir si ces instances envisagent une telle évolution de leur approche.
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