Par Melike Hocaoglu
À une époque où les efforts traditionnels de médiation stagnent souvent, la Turquie défend l'idée que le dialogue, même dans les contextes les plus conflictuels, reste un outil indispensable pour la stabilité mondiale.
Cet engagement se manifeste à travers le Forum d’Antalya sur la diplomatie (ADF), un rassemblement annuel qui, désormais dans sa quatrième édition, s'impose comme une plateforme cruciale pour le dialogue mondial.
Organisé par le ministère des Affaires étrangères de la Turquie, ce forum offre un espace rare où adversaires, alliés et acteurs marginalisés peuvent engager des discussions de haut niveau.
Le thème de cette année, « Réinventer la diplomatie dans un monde fragmenté », reflète le contexte actuel. Alors que les divisions internationales s'accentuent — qu'il s'agisse de guerres ou de fractures idéologiques — l'impératif de privilégier l'engagement plutôt que l'isolement n'a jamais été aussi évident.
Avec son accent mis sur le dialogue plutôt que sur la division, le forum vise à reconstruire la confiance dans la diplomatie et à explorer des solutions aux problèmes mondiaux les plus urgents, renforçant ainsi le rôle de la Turquie en tant que médiateur proactif dans un monde de plus en plus fragmenté.
L'événement réunit des participants de 148 pays, dont 19 chefs d'État et de gouvernement, 52 ministres des Affaires étrangères et de nombreux autres hauts responsables. Il se tient du 11 au 13 avril à Antalya.
Les forums précédents ont souligné son importance :
2021 : Au plus fort des tensions post-conflit entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan, la Turquie a invité les deux nations à l'ADF, jetant les bases pour que le ministre des Affaires étrangères arménien participe en 2022 — un premier signe de rapprochement.
2022 : Le forum a accueilli la première rencontre de haut niveau entre les ministres des Affaires étrangères russe et ukrainien depuis le début de la guerre, prélude à l'accord sur les céréales qui a permis d'éviter une crise alimentaire mondiale.
2024 : L'ADF a renforcé les partenariats économiques et sécuritaires de la Turquie avec les nations africaines, approfondissant son influence sur le continent. Cette même année, il a également offert une rare tribune diplomatique au Venezuela, à Cuba et à l'Iran — des nations souvent exclues des discours mondiaux dominants.
En offrant un terrain neutre pour les échanges, l'ADF a renforcé la crédibilité diplomatique de la Turquie.
Un médiateur pragmatique
Située au carrefour de l'Europe, de l'Asie et du Moyen-Orient, la Turquie occupe une région constamment marquée par les conflits. Plutôt que de céder à la précarité de son environnement, Ankara a tiré parti de sa position pour se forger un rôle d'acteur diplomatique. Elle s'est imposée comme un médiateur crucial dans les conflits mondiaux.
Ce rôle a été réaffirmé le 30 janvier, lorsque l'Organisation nationale du renseignement de la Turquie (MIT), sous la direction du président Recep Tayyip Erdoğan, a joué un rôle clé dans la libération des otages thaïlandais détenus par le Hamas à Gaza.
Agissant à la demande du gouvernement thaïlandais, la Turquie a une fois de plus démontré sa capacité à manœuvrer dans des scénarios à enjeux élevés et sous tension. Cela illustre davantage son engagement envers la diplomatie humanitaire et renforce sa réputation d'intermédiaire de confiance dans les crises internationales.
Si les efforts diplomatiques de la Turquie contribuent à résoudre des crises immédiates, ils servent également un objectif stratégique plus large : positionner la Turquie comme un acteur indispensable dans la politique mondiale.
Là où les interventions traditionnelles menées par l'Occident ont échoué — en raison de leur passif politique ou d'un manque de confiance locale — la Turquie a proposé un modèle alternatif, fondé sur l'engagement plutôt que sur la coercition.
Un exemple de cet équilibre est le rôle de la Turquie dans l'accord de 2022 sur le corridor céréalier entre la Russie et l'Ukraine. Négocié en collaboration avec les Nations Unies, cet accord a permis la poursuite des exportations de céréales ukrainiennes via la mer Noire, évitant ainsi une pénurie alimentaire mondiale.
De même, la Turquie a étendu ses efforts de médiation à la Corne de l'Afrique, intervenant lorsque les tensions ont augmenté entre l'Éthiopie et la Somalie au sujet de l'accord de l'Éthiopie avec le Somaliland pour l'accès à la mer Rouge.

L’événement, qui se déroule du 11 au 13 avril, devrait accueillir plus de 20 chefs d’État et de gouvernement, plus de 50 ministres des Affaires étrangères ainsi qu’un grand nombre de participants d’horizons divers.
En réponse aux demandes des deux nations, la Turquie a lancé la Déclaration d'Ankara, qui a abouti à un accord de paix fin 2024. Ce jalon diplomatique marque une nouvelle ère de paix et de coopération entre les deux pays, car il a également ouvert la voie à une collaboration plus étroite entre des nations auparavant en conflit.
Grâce à des engagements spécifiques, tels que l'établissement de zones de libre-échange et la coopération sur des projets énergétiques communs, la Turquie a réussi à transformer un environnement hostile en une opportunité de coopération.
Le président somalien Hassan Sheikh Mohamud et le Premier ministre éthiopien Abiy Ahmed ont exprimé leur gratitude pour l'intervention diplomatique de la Turquie et ont souligné leur engagement envers la stabilité régionale.
Au-delà de la stabilité régionale, les efforts de médiation de la Turquie renforcent son propre poids géopolitique. En maintenant des canaux ouverts avec des parties en conflit, Ankara s'assure que sa voix soit entendue dans les discussions qui façonneront l'équilibre des pouvoirs à venir.