Par Betül Uygur
Le 9 février, dans une chambre modeste de l’hôpital universitaire de Banjul, un minuscule bébé prématuré pousse son premier cri.
En Gambie, le plus petit pays du continent africain avec à peine trois millions d’habitants, ces “premiers bonjours” fragiles se muent trop souvent en adieux précoces.
Faute d’infrastructures médicales suffisantes, de nombreux nouveau-nés ne survivent pas, et trop de mères perdent la vie pendant ou peu après l’accouchement, sans avoir pu serrer leur enfant contre elles.
Lors d’une visite sur place, une délégation de l’Université d’Ankara a mesuré, une fois encore, l’ampleur de cette tragédie: les taux de mortalité maternelle et infantile y dépassent largement la moyenne mondiale.
La réponse a été immédiate. En partenariat avec la TİKA (Agence turque de coopération et de développement), l’Université d’Ankara a décidé de soutenir le seul hôpital universitaire du pays, l’Edward Francis Small Teaching Hospital, en lançant le Projet de protection de la santé maternelle et infantile en Gambie.
Des médecins turcs chevronnés se sont rendus à Banjul pour former leurs homologues gambiens, participer aux visites médicales et partager leurs vécus sur le terrain.
En retour, des médecins et infirmiers locaux ont été accueillis dans les hôpitaux universitaires d’Ankara pour des stages d’observation.
«Sauver la vie des enfants et des bébés gambiens» : telle est, selon le recteur Prof. Necdet Ünüvar, la mission qui unit désormais ces deux pays amis.
Dans ce cadre, le petit prématuré du 9 février est devenu un symbole.
Premier bébé en Gambie réanimé grâce à un respirateur, il a reçu de son père un prénom en guise de gratitude: Selim Türkiye.
Aujourd’hui âgé de six mois, il grandit en pleine santé et illumine chaque journée de ses sourires. Il est le premier à s’accrocher à la vie grâce à cette coopération, mais il ne sera pas le dernier. Chaque jour, d’autres bébés survivent, des mères rentrent chez elles avec leur enfant dans les bras. Là où hier la vie se brisait, elle reprend souffle.
La Turquie, avec la force du cœur, tend la main aux mères et à leurs enfants.
Une réalité qui touche tout le continent
La Gambie n’est qu’un visage parmi tant d’autres d’un problème bien plus vaste.
En Afrique subsaharienne, près d’un adulte sur cinq âgé de 15 à 49 ans vit avec le VIH/SIDA dans certains pays, un fardeau qui réduit considérablement l’espérance de vie.
Chaque année, plus de 200 000 femmes meurent pendant leur grossesse ou leur accouchement. Environ 1,1 million de bébés s’éteignent au cours de leur premier mois de vie.
Pourtant, les recherches montrent qu’une grande partie de ces drames pourraient être évités grâce à des soins simples et abordables.
Les deux tiers des personnes séropositives dans le monde vivent en Afrique, et chaque jour, des milliers d’enfants succombent encore à des maladies que l’on sait prévenir.
C’est pourquoi la réduction de la mortalité maternelle et infantile reste l’un des objectifs les plus urgents du programme de développement des Nations unies.
La Turquie, un partenaire de santé pour l’Afrique
Face à cette réalité, la Turquie a choisi de s’engager pleinement. Premier donateur humanitaire mondial en proportion de son revenu national, elle construit, en partenariat avec la TİKA et le ministère de la Santé, des hôpitaux dans plusieurs pays africains, offrant chaque année des soins à des milliers de patients.
Dès les années 2000, des ONG turques ont lancé des projets humanitaires sur le continent. Parmi eux: des campagnes de dépistage et des opérations chirurgicales gratuites menées par des médecins bénévoles jusque dans les zones les plus isolées.
Depuis 2006, ces efforts sont coordonnés et soutenus par la TİKA, le ministère de la Santé et le Croissant-Rouge turc.
Des projets emblématiques jalonnent cette coopération : l’Hôpital Recep Tayyip Erdoğan en Somalie, l’Hôpital de l’amitié Niger-Turquie, l’Hôpital Nyala Soudan-Turquie ou encore un hôpital de physiothérapie en Libye.
À Mogadiscio, un hôpital soigne environ 6 000 patients chaque mois et réalise une centaine d’opérations.
Au Soudan, un autre centre accueille chaque année plus de 120 000 patients venus du pays et des États voisins.
Ces projets sont suivis de près par le président Recep Tayyip Erdoğan, qui inaugure parfois lui-même ces établissements.
À côté des infrastructures, des programmes de formation renforcent les compétences des professionnels locaux et des projets de protection de la faune encouragent l’éco-tourisme.
Pendant la pandémie de COVID-19, la Turquie a mené, par l’intermédiaire de la TİKA, près de cinquante projets dans plus de trente pays africains : envoi de matériel médical, installation d’unités d’hygiène, création d’ateliers de fabrication de masques, distribution de denrées alimentaires.
La prévention, un pilier de la coopération
L’action de la Turquie en matière de santé en Afrique ne se limite pas aux infrastructures et aux interventions d’urgence : elle inclut aussi la prévention et la sensibilisation.
Le 17 mai 2024, Abuja (Nigéria) a accueilli le Programme de sensibilisation et de soutien à la lutte contre le cancer pour les États africains membres de l’Organisation de la coopération islamique.
L’événement a rassemblé les épouses de dirigeants africains, des ministres et des représentants officiels, ainsi qu’Emine Erdoğan, épouse du président turc, et Fahrettin Koca, alors ministre de la Santé.
Invitée d’honneur, Emine Erdoğan a partagé l’expérience de la Turquie dans la lutte contre le cancer et les progrès accomplis ces dernières années dans le domaine de la santé.
Ces rencontres contribuent à élever le niveau de sensibilisation aux enjeux de santé et à renforcer les liens d’amitié entre la Turquie et les pays africains, grâce au partage de savoir-faire et d’expérience.
Le pouvoir de la solidarité dans le domaine de la santé
Partout en Afrique, des histoires de santé s’écrivent : certaines se terminent dans l’espoir, d’autres dans la tristesse.
La Turquie continue d’être présente, sur le terrain comme dans les enceintes internationales, pour que ces histoires trouvent l’issue la plus porteuse d’espoir possible.
Selim Türkiye, en Gambie, n’est pas seulement un bébé : il incarne le dévouement des médecins, le sacrifice des bénévoles et la force inépuisable de l’amitié.
Des hôpitaux aux programmes de formation, des campagnes de sensibilisation à l’aide d’urgence, ces efforts témoignent de la sincérité et de la constance de l’engagement turc envers l’Afrique.
Il ne s’agit pas seulement d’apporter une aide, mais de travailler ensemble, d’apprendre ensemble et de guérir ensemble.
Le premier souffle de vie de Selim Türkiye symbolise les pas franchis pour que des milliers de mères et de bébés puissent regarder l’avenir avec confiance.
Et chaque jour, ces pas ouvrent la voie à un autre enfant africain qui, à son tour, s’accroche à la vie.
En tant que membres d’une foi qui enseigne que “sauver une vie, c’est sauver toute l’humanité”, nous agissons avec cette conscience lorsque nous tendons la main à l’Afrique.
L’auteure Betül Uygur est analyste des dynamiques post-coloniales entre la France et les pays africains francophones. Ses travaux portent sur les interactions entre les médias, les politiques publiques et les représentations des diasporas africaines dans l’espace européen.
Clause de non-responsabilité : Les opinions exprimées par l’auteure ne reflètent pas nécessairement celles de TRT Afrika.