Par Dr. Peter Asare-Nuamah
Lutter contre la corruption a toujours été l’un des plus grands défis auxquels chaque gouvernement ghanéen a dû faire face, malgré la relative stabilité politique du pays. Le récent indice de perception de la corruption a montré une performance médiocre du pays dans la lutte contre ce fléau.
En effet, les gouvernements successifs ont tenté à plusieurs reprises d’instaurer des réformes, notamment avec la création du Bureau du Procureur Spécial, pour combattre la corruption.
Cependant, les résultats obtenus sont souvent en deçà des attentes du public, qui exige davantage de transparence et de responsabilité de la part du gouvernement et des employés du secteur public.
Lorsqu’il était dans l’opposition, le Congrès National Démocratique (NDC) avait qualifié le président de l’époque, Akufo Addo, d’« agent de blanchiment », arguant qu’il disculpait souvent ses collaborateurs présumés impliqués dans des pratiques de corruption.
Aujourd’hui, le NDC est de retour au pouvoir, avec John Mahama comme président, après avoir remporté les élections de 2024.
Avant les élections, le président Mahama et le NDC avaient promis de faire de la lutte contre la corruption une priorité, notamment dans le cadre de leur programme intitulé « opération récupérer tous les biens volés » (ORAL), qui constituait l’un des principaux slogans de campagne.
Le président a mis en place le Comité ORAL pour recueillir des renseignements et des preuves sur les pratiques de corruption des membres de l’administration précédente.
Un cycle de chasse aux sorcières ?
Si le slogan ORAL a été perçu par certains acteurs politiques ghanéens comme une tactique de chasse aux sorcières contre les responsables de l’ancien gouvernement du Nouveau Parti Patriotique (NPP), le NDC l’a défendu comme un moyen de lutter contre la corruption dans le pays.
En réalité, la lutte contre la corruption doit aller au-delà des simples discours pour se traduire par des actions concrètes. L’attitude du chef du gouvernement est toujours cruciale pour progresser dans ce domaine.
Souvent, les dirigeants ont tendance à combattre la corruption en ciblant leurs opposants politiques, sans nécessairement s’attaquer aux membres de leur propre gouvernement ou parti politique, ce qui rend la lutte inefficace. Cela crée un cycle où le gouvernement en place cible les collaborateurs de l’administration précédente, mais pas les siens.
Lors de son investiture le 7 janvier 2025, le président Mahama a déclaré son intention de lutter contre la corruption. En assermentant ses ministres et collaborateurs, il a également souligné l’importance d’un leadership responsable et averti que toute personne impliquée dans des actes de corruption serait exclue du gouvernement.
Le code de conduite de Mahama
Cette position du président pourrait être due aux leçons tirées de son premier mandat, où certains de ses collaborateurs avaient été poursuivis par le précédent gouvernement du NPP pour avoir causé des pertes financières à l’État, comme dans le scandale du projet de logements de Saglemi.
Bien que l’administration Mahama ait abandonné certaines affaires de corruption impliquant ses anciens collaborateurs, qui étaient en instance devant les tribunaux sous le gouvernement précédent, comme le projet controversé de logements de Saglemi, le président a adressé un avertissement ferme à sson administration pour prévenir toute forme de corruption, sous peine de subir les rigueurs de la loi.
Pour renforcer sa position, le 6 mai 2025, il a lancé un code de conduite comme document de référence pour réguler le comportement de ses collaborateurs. Ce n’est pas la première fois qu’il introduit un tel code ; il avait fait de même en 2013 lors de son premier mandat.
Cependant, le code de conduite de 2025 adopte une position plus ferme contre la corruption durant son second mandat non consécutif. Il prévoit des sanctions punitives pour les collaborateurs impliqués dans des actes de corruption, y compris leur révocation automatique. Le président ghanéen a clairement indiqué qu’il appliquerait rigoureusement les mesures prévues dans ce code.
De plus, le procureur général du Ghana a souligné sa volonté de prendre des mesures juridiques contre tout fonctionnaire qui enfreindrait le code de conduite.
Ces mesures semblent inaugurer une nouvelle ère de gouvernance responsable, où le chef de l’exécutif affiche clairement sa position devant le peuple comme une forme de contrat social, obligeant ses collaborateurs à travailler de manière transparente, à montrer l’exemple et à rendre des comptes aux citoyens. Cependant, il est encore trop tôt pour évaluer le succès de ces mesures dans la lutte contre la corruption sous le gouvernement Mahama.
Les Ghanéens attendent de voir comment les choses évolueront au cours des quatre prochaines années de l’administration Mahama. Néanmoins, ces mesures méritent d’être saluées, car l’attitude du chef de l’Etat est cruciale pour combattre la corruption au Ghana, en particulier au sein de l’appareil gouvernemental.
L’auteur, Dr. Peter Asare-Nuamah, est maître de conférences à l’École de Développement Durable de l’Université de l’Environnement et du Développement Durable, au Ghana, et chercheur principal au Centre de Recherche sur le Développement de l’Université de Bonn, en Allemagne.
Avertissement : Les opinions exprimées par l’auteur ne reflètent pas nécessairement celles de TRT Afrika.