Le Fespaco 2025 sous le signe d’une Afrique décomplexée qui s’affirme
Société et Culture
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Le Fespaco 2025 sous le signe d’une Afrique décomplexée qui s’affirmeLa 29e festival panafricain de cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco) a porté sur la thématique "cinéma d’Afrique et identités culturelles" au moment où partout sur le continent les préoccupations d’affirmation de soi.
Un spectacle du Fespaco 2025
4 mars 2025

L’édition 2025 s’est achevé le samedi 1er mars avec le sacre du réalisateur burkinabè Dani Kouyaté a qui remporté l'Etalon d'Or de Yennenga, le meilleur prix, pour son long-métrage "Katanga, la danse des scorpions". Les organisateurs ont sélectionné 235 films sur plus de 1500 venant de 48 pays dans le monde. Durant toute une semaine, des centaines de projections ont eu lieu devant plus de 20 000 spectateurs.

Le délégué général du Fespaco Alex Moussa Sawadogo confié à TRT Afrika français que ce nombre important de films montre la capacité du continent à produire des créations qui parlent à l’Afrique et au monde. "Ce sont des créations qui sont aujourd’hui en phase avec les nouvelles dynamiques lancées au niveau du continent africain."

Tchad, berceau de l’humanité, comme pays invité

Le président tchadien Mahamat Idriss Déby et son homologue le Capitaine Ibrahim Traoré ont donné le clap d’ouverture.

"Moi en tant que technicien, je pense que c’est un très bon choix. Sur le plan historique, avec le Tchad même si le Burkina ne partage pas les mêmes frontières, nous avons des identités communes. Nous avons ces ressemblances. Le lac Tchad c’est le berceau de l’humanité", a apprécié Alex Moussa Sawadogo.

Et sur le plan politique, le délégué général estime que le Tchad et le Burkina sont dans de "nouvelles dynamiques".

Du printemps arabe à la nouvelle reconfiguration géopolitique en Afrique, les soulèvements populaires, les tripatouillages de constitution aboutissant aux coups d’État, le retrait des soldats français presque partout en Afrique, le retrait des pays du Sahel (Burkina, Mali, Niger) de la Cedeao, la création de nouvelles organisations l’Alliance des États du Sahel (…), l’Afrique est en pleine mutation. Une soif de liberté et d’indépendance ainsi que l’affirmation des identités, des valeurs et des cultures est de plus en plus prononcée. Quid du cinéma dans tout ça ?

Une arme pour une pleine émancipation

Le cinéma est une arme redoutable, très efficace pour aller à la conquête des imaginaires, c’est un outil admirable d’éducation populaire, des masses et qui permet à une nation de construire une identité nationale, des rêves, des aspirations et de protéger les intérêts stratégiques suprêmes internes et extérieurs d’un peuple.

Serge Bayala dit Lianhoué Imhotep, doctorant en étude culturelle africaine et acteur de la société civile au Burkina Faso estime que le cinéma tel que « nous l’avons reçu des puissances coloniales, ça été une arme très magnifique entre les mains de nos oppresseurs, de nos esclavagistes et plus tard des colonisateurs pour provoquer ce qu’une bombe atomique peut provoquer chez un peuple ».

"Le cinéma occidental a dévasté nos cultes, nos spiritualités, nos identités et nos langues. On ne pense plus dans nos langues, on pense en langue coloniale. Par le financement, on a volé à l’Afrique son imaginaire linguistique, son authenticité pour la remplacer par les désirs d’hégémonies culturelles de celui qui finance le cinéma africain et les réalisateurs africains", déclare Bayala.

Ce cinéma a passé l’essentiel de son projet cinématographique à singer le narratif, le scénarii occidental.

"Avec l’avènement du Fespaco, qui est le festival mondial du cinéma africain, il porte les ambitions de montrer l’Afrique pensée par les Africains telle que conçue par eux et qui se projette au-delà de l’Afrique. C’est au monde entier qu’on fait découvrir cette Afrique que le cinéma occidental, que le cinéma de la singerie n’a jamais permis de découvrir", a affirmé le doctorant en étude culturelle africaine.

L’Afrique aussi peut inspirer le monde

Le film du réalisateur burkinabè Michel Zongo, dénommé "l’homme qui plante les baobabs" qui a reçu des prix spéciaux et mentions spéciales des jurys en est une illustration. Il raconte l’histoire d’un monsieur qui par des techniques simples a refusé de se soumettre à la fatalité de l’aide pour trouver des solutions alternatives locales et propres. Il a ainsi planté plus de 6 000 plants de baobabs qui ont permis de retarder la progression du désert.

« Ce récit tellement puissant parle de nous, de nos progrès, de nos initiatives mais fait aussi échos au monde… Il peut inspirer des Vietnamiens, des Turcs, n’importe qui dans le monde peut être insensible à ce récit. C’est ce à quoi on est en train de travailler et notamment cette 29e édition du Fespaco" ajoute Bayala.

Le Fespaco, qui a été créé en 1969 et qui est devenu l'un des plus grands festivals de cinémas en Afrique, contribue à faire émerger une forme d’expression et de production qui porte les imaginaires, revendications, rêves, réalités du continent ; il aide à effacer les séquelles d’un cinéma victime, amorti, dominé par un récit extérieur.

Comme le disait le ministre tchadien de la Culture, Abakar Rozzi Teguil à l’ouverture "Nos pays sont résolument engagés pour la prise en main de leur destin et cela passe par la culture".

C’est à juste titre que cette édition 2025 a institué le prix Thomas Sankara qui récompense les réalisateurs ou "des films engagés portant sur le panafricanisme, l’Afrique d’aujourd’hui et de demain."

SOURCE:TRT Afrika Français
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