Par Coletta Wanjohi
Deux fois par an, le minuscule Bécasseau maubèche entreprend un voyage extraordinaire de 16 000 km entre la Sibérie et la côte ouest de l'Afrique, dépassant ainsi la distance du plus long vol commercial sans escale au monde (15 349 km) entre New York et Singapour.
Cet oiseau migrateur de 140g réalise l'un des exploits d'endurance les plus impressionnants de la nature, accompli par une créature à peine plus grande qu'une paume d'adulte, sans les moteurs jumelés d'un avion de ligne.
Cependant, cette migration épique, ainsi que des milliards d'autres voyages d'oiseaux le long de la voie de migration afro-eurasienne, fait face à une crise croissante.
Le monde a perdu 22 % de ses zones humides depuis les années 1970, soit l'équivalent de plus d'un demi-milliard de terrains de football.
Alors que des experts en faune se sont réunis au parc national des chutes Victoria au Zimbabwe pour la 15e Conférence des Parties contractantes à la Convention sur les zones humides (COP15) du 23 au 31 juillet, ils ont été confrontés à une réalité préoccupante décrite dans le Rapport mondial sur les zones humides 2025.
Au moins 400 millions d'hectares de zones humides ont disparu depuis 1970, et près d'un quart de celles qui subsistent sont dans un état dégradé.
Voie migratoire des oiseaux
La voie de migration afro-eurasienne représente l'une des huit grandes routes mondiales que les oiseaux suivent naturellement, reliant des habitats à travers l'Afrique, l'Europe et l'Asie.
Selon l'African Wildlife Foundation, le Bécasseau maubèche parcourt une longue distance pour se reproduire en Sibérie et passer l'hiver sur les côtes ouest de l'Afrique.
La Fauvette des jardins, pesant seulement 10 g, vole deux fois par an entre le nord-est de la Sibérie et l'Afrique australe, soit un voyage de 11 300 km aller simple.
La Cigogne blanche, elle aussi, revient chaque année au même nid le long de cette route.
Trois catégories distinctes composent cette caravane migratoire : les oiseaux d'eau comme les pélicans, hérons, cigognes, flamants roses et même les manchots africains ; les oiseaux terrestres comme l'outarde à ventre noir, commune dans le Maasai Mara au Kenya, et la pintade casquée trouvée au Sahara.
Les voyageurs incluent également des rapaces – oiseaux de proie comme les vautours, aigles, faucons et buses qui occupent le sommet de la chaîne alimentaire.
Plus de 100 espèces d'oiseaux migrateurs ont été recensées rien qu'en Afrique australe, avec 35 espèces migratrices intra-africaines documentées en Afrique du Sud.
Pourtant, selon BirdLife International, un partenariat mondial d'organisations non gouvernementales œuvrant pour la conservation des oiseaux et de leurs habitats, "les oiseaux de cette voie migratoire sont parmi les plus persécutés de la planète, avec au moins 10 % menacés d'extinction".
Étapes en péril
Les zones humides, qui représentent 6 % de la surface terrestre, soutiennent 40 % de la biodiversité mondiale et les moyens de subsistance de quatre milliards de personnes à travers le monde.
"Pour des milliards d'oiseaux migrateurs, les zones humides sont des étapes vitales, offrant des lieux pour se nourrir et se reproduire pendant leurs longues et ardues migrations", explique Martin Harper, directeur général de BirdLife International, à TRT Afrika.
Leur dégradation provient de multiples sources : le changement climatique réduisant les niveaux d'eau, les activités humaines telles que les décharges illégales et les implantations, la pollution et la disparition de la végétation des zones humides.
"Lorsque nous perdons une zone humide, nous brisons un maillon de la chaîne qui maintient la vie – de la Barge rousse en vol aux personnes qui dépendent des zones humides pour l'eau, la nourriture et la protection. Le monde ne peut pas se permettre de laisser cette chaîne s'effondrer", déclare le Dr Musonda Mumba, secrétaire général de la Convention de Ramsar, à TRT Afrika.
Appel à l'action
Quarante-huit pays africains figurent parmi les 172 Parties à la Convention de Ramsar, le pacte mondial pour protéger les zones humides signé en 1971 à Ramsar, en Iran.
"C'est une opportunité d'élever nos ambitions et de renforcer les engagements politiques existants pour protéger nos zones humides", explique le Dr Mumba.
"Cela inclut, entre autres, l'adoption du Cinquième Plan stratégique de la Convention (2025-2034) pour guider l'utilisation des zones humides, intégrer leur conservation dans les plans nationaux et combler le déficit de financement pour soutenir la conservation."
Défi de financement
Bien que les zones humides contribuent à hauteur de 39 000 milliards de dollars de bénéfices annuels estimés, le financement de leur conservation reste cruellement insuffisant.
Selon diverses estimations, le déficit de financement annuel s'élève à 700 milliards de dollars, la conservation ne représentant que 0,25 % du PIB mondial.
"Les dirigeants mondiaux se sont engagés à combler ce déficit, et certains pays montrent l'exemple. D'autres peuvent les rejoindre", constate Harper à TRT Afrika.
Il propose des mécanismes de financement innovants, notamment des échanges dette-nature, où un allègement de la dette est accordé en échange d'engagements pour la conservation des zones humides.
Les autres options incluent les obligations vertes et bleues, les marchés du carbone, les paiements pour les services écosystémiques et les crédits biodiversité.
Alors que l'expansion agricole, la pollution, l'urbanisation, le développement industriel et le changement climatique continuent de provoquer la perte des zones humides, le sort de milliards d'oiseaux migrateurs est en jeu.
Le voyage transcontinental épique de la Fauvette des saules n'est plus seulement un spectacle à admirer.
La survie de cet oiseau dépend désormais de la préservation des zones humides qui relient les points le long de sa voie migratoire.