Amir Zia
Lorsque l’avion du président Recep Tayyip Erdogan a atterri à la base aérienne de Nur Khan à Islamabad, bien après minuit, les hauts responsables du Pakistan, du président Asif Ali Zardari au Premier ministre Shehbaz Sharif, s'étaient alignés pour l’accueillir, illustrant ainsi l'importance qu'ils accordent à leurs relations avec la Turquie et à son président.
L’accueil réservé au président Erdogan ne saurait surprendre, la Turquie étant l’un des rares pays à bénéficier d’une bienveillance unanime au sein de toutes les strates de la société pakistanaise.
Ce lien d’amitié et de fraternité transcende les clivages politiques. Que ce soit les partis au pouvoir, l’opposition ou le citoyen lambda, tous s’accordent à célébrer les relations étroites entre leurs deux nations.
Cette forte connexion remonte à l’époque où les musulmans du sous-continent lancèrent le Mouvement du Califat (1919-1924) pour soutenir la Turquie après la Première Guerre mondiale, dans le but de préserver l’autorité du sultan ottoman en tant que calife de l’Islam.
Les Turcs n’ont jamais oublié ce geste, tandis que les Pakistanais continuent de nourrir un profond attachement à leurs liens religieux, culturels et linguistiques avec la Turquie, dans le tumulte des bouleversements de la diplomatie internationale.
Le fait que le mot “Urdu”, langue nationale du Pakistan, soit dérivé du turc illustre la proximité historique et culturelle entre les deux peuples.
Leader de la Turquie depuis près de deux décennies et demie, d'abord en tant que Premier ministre de 2003 à 2014, puis en tant que président depuis 2014, Recep Tayyip Erdogan est perçu au Pakistan comme un allié fidèle et un dirigeant fort, soutenant de nombreuses causes musulmanes à l’échelle mondiale.
Le soutien indéfectible accordé par la Turquie, sous la direction du président Erdogan, à la cause du Cachemire, après la décision controversée de l'Inde d’abroger le statut spécial de la région en août 2019, n'est qu'une facette parmi d'autres des relations privilégiées qu’entretiennent les deux nations.
De même, le Pakistan apporte son soutien à la Turquie face à tous les enjeux régionaux, y compris la question de la République turque de Chypre du Nord. Les deux pays ont été les principaux alliés de l’Azerbaïdjan durant la guerre du Haut-Karabakh.
Un coup de pouce pour une économie en difficulté
Les deux pays entretiennent également des liens de coopération étroite en matière de défense, de commerce et de contacts entre les populations, des domaines qui se sont renforcés au fil des années.
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Au cours de ces dernières années, la Turquie est devenue la destination touristique numéro 1 pour de nombreux Pakistanais.
Cette relation solide a été davantage consolidée par la dernière visite du président Erdogan à Islamabad. Dès le premier jour de ce déplacement de deux jours, plusieurs accords destinés à renforcer leurs liens bilatéraux ont été signés dans divers secteurs. .
Le moment fort de la visite a été la septième session du Conseil de coopération stratégique de haut niveau Turquie-Pakistan, le plus important forum décisionnel pour les questions économiques bilatérales.
Après la cérémonie de signature, le président Erdogan a annoncé que les deux pays avaient conclu au total 24 accords et mémorandums d’entente (MoU) dans les secteurs du commerce, des ressources hydrauliques, de l’agriculture, de l’énergie, de la culture, de la famille, et des services sociaux, ainsi que les domaines de la science, de la banque, de l’éducation, de la défense et de la santé.
“Lors de cette septième session de notre conseil que nous venons de conclure, nous avons convenu de renforcer davantage nos relations”, a-t-il déclaré.
Le Premier ministre Shehbaz Sharif, en accueillant l'hôte de marque, a rappelé que la Turquie a toujours été présente aux côtés du Pakistan “dans les moments difficiles, que ce soit lors des tremblements de terre ou des inondations”.
“Au nom du peuple pakistanais, de mon gouvernement et en mon propre nom, je vous accueille chaleureusement dans votre seconde patrie. C’est un véritable honneur de vous recevoir après cinq ans”, a-t-il ajouté.
Lors de cette visite, les deux parties ont également mis l’accent sur le renforcement du commerce bilatéral qui s’élève actuellement à environ 1,4 milliard de dollars, avec un excédent pour la Turquie.
Le Pakistan et la Turquie, qui ont signé l'Accord de commerce préférentiel (PTA) en 2023, ont désormais pour objectif d’élargir la liste de leurs échanges commerciaux en éliminant les obstacles qui freinent la croissance du commerce.
Dans le but d'atteindre 5 milliards de dollars d’échanges, les deux pays examinent leurs barrières non tarifaires, la structure des subventions et les procédures douanières.
Le Pakistan cherche également à attirer des investissements étrangers pour relancer sa croissance, alors que de grands investisseurs, tant nationaux qu’internationaux, restent en retrait face à l'incertitude politique et aux menaces terroristes dans certaines régions du pays.
Les investissements turcs, promis par le président Erdogan, constitueraient un véritable coup de pouce pour l’économie fragile du Pakistan.
Selon les experts diplomatiques, la visite d’Erdogan témoigne de l’intérêt stratégique de la Turquie à renforcer ses relations avec Islamabad en développant la coopération dans divers secteurs.
Frères d’armes
Les deux pays ont des liens étroits dans le domaine de la défense, la Turquie étant le deuxième plus grand fournisseur d’armements du Pakistan après la Chine.
Selon le rapport 2023 de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), 11 % des importations d’armements du Pakistan proviennent de la Turquie.
Cette coopération dans le domaine de la défense entre les deux pays s’est consolidée avec des projets communs tels que les corvettes Milgem, la modernisation de la flotte aérienne et l’acquisition de drones.
Le Pakistan et la Turquie qui ont souvent été confrontés à des restrictions sur la vente d’armes de la part des fournisseurs occidentaux se sont attelés à développer leur propre production de défense et à chercher des partenariats en dehors du bloc occidental.
Selon des sources militaires, les échanges de haut niveau, les programmes d'entraînement conjoints et les accords de défense sont désormais au cœur des relations bilatérales.
Cependant, ce n’est pas seulement la puissance militaire, le commerce et les investissements qui rapprochent les deux nations.
Ces dernières années, la Turquie a vu son soft power se renforcer grâce à la popularité croissante de ses séries télévisées, allant des sagas romantiques contemporaines aux drames historiques comme Dirilis: Ertugrul et Magnificent Century, qui ont rencontré un immense succès au Pakistan.
Des artistes des deux pays collaborent déjà sur des projets communs dans la production de contenu, un secteur prometteur au potentiel de croissance impressionnant.
La visite d’envergure du président Erdogan au Pakistan marquera un tournant dans le renforcement des liens fraternels entre les deux nations, ouvrant la voie à une coopération bénéfique.
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