Frantz Fanon, un biopic sur une icône de l’anti-colonialisme
FRANCE
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Frantz Fanon, un biopic sur une icône de l’anti-colonialisme“Fanon”, le film de Jean-Claude Barny, est sorti en salle en France ce 2 avril. L’occasion de découvrir un Martiniquais qui marque encore aujourd’hui la pensée décoloniale même s' il a été effacé de la mémoire collective française.
Frantz Fanon dans une conférence des écrivains à Tunis en 1959 / Public domain
4 avril 2025

Frantz Fanon est un peu une énigme. L’homme est adulé en Afrique, révéré aux Etats-Unis, mais cette icône de la lutte contre le colonialisme est complètement passé sous silence en France. 

Né le 20 juillet 1925 à Fort-de-France, en Martinique, il devient médecin psychiatre après des études à Lyon. Il publie “Peaux noires et masques blancs”, un résumé de sa thèse où il décrit les effets de la colonisation sur la psyché des peuples colonisés, explique comment le racisme est intériorisé par le colonisé et comment cette violence sociale existe dans les relations humaines même amoureuses.

Mais son crime le plus grave, aux yeux des autorités françaises, ce sera sans aucun doute son soutien et son travail aux côtés des révolutionnaires algériens et du FLN. 

En 1953, il est nommé médecin-chef de la clinique psychiatrique de Blida-Joinville, en Algérie, et il prend conscience de la réalité coloniale dans toute sa violence. Très vite, il va prendre parti pour le mouvement du FLN (Front de libération national). Il aidera les combattants blessés et soignera les indépendantistes, rejoindra le mouvement puis écrira un livre sur le combat des Algériens, “L’an V de la révolution algérienne”. 

Frantz Fanon était un révolutionnaire algérien, disait de lui le poète Aimé Césaire. “Il ne lui suffit pas de prendre fait et cause pour le peuple algérien, de se solidariser avec l’Algérien opprimé, humilié, torturé, abattu, il choisit. Il devint Algérien. Vécut, combattit, mourut Algérien.”Ce n’est donc pas un hasard si un réalisateur algérien Abdenour Zahzah a également produit un film "Frantz Fanon" en 2024.

Frantz Fanon et le panafricanisme

Amzat Boukari Yabara, historien franco-béninois et pan-africaniste espère que ce film grand-public va faire connaître cet homme et son combat. Frantz Fanon a été la référence de la plupart des gens engagés dans la décolonisation dans les années 60 et 70 et est également une figure emblématique des mouvements anti-racisme.
“Il n’est pas aussi connu que Martin Luther King et Nelson Mandela. Je dirais que c’est dû au contexte franco-français dans lequel il a évolué et dans lequel il a été effacé. Mais il a été traduit assez rapidement et a beaucoup influencé le mouvement des Black Panthers de Malcolm X aux Etats-Unis. Il faut ajouter qu’il est décédé avant la fin de la guerre d’Algérie, il a alors été invisibilisé en France et n’a pas eu de postérité politique et militante.”


Frantz Fanon est toujours une référence en Afrique, “il est vivant aujourd’hui en Afrique”, soutient Amzat Boukari Yabara. “Il n’est pas mort en Afrique mais il a lutté en Afrique.” Le psychiatre martiniquais a été ambassadeur du gouvernement provisoire de la République algérienne au Ghana et a participé à deux conférences panafricaines importantes en 1958 à Accra au Ghana et en juillet 1960 à Kinshasa au Congo. Il était très proche du congolais Patrice Lumumba et était ami avec le camerounais Félix Moumié. “C’était une figure du panafricanisme, il appelait vraiment à cette unité africaine.”

Dénoncer l’aliénation du colonialisme

Aujourd’hui le nom de Frantz Fanon n’est pas totalement tombé aux oubliettes en France. Nombre de rappeurs francophones citent son nom dans leurs chansons. Amzat Boukari Yabara estime que c’est logique. “C’est une figure de révolutionnaire, il était intègre, c’est une figure de révolte, c’est pourquoi les rappeurs le citent, l’admirent.” 

Le psychiatre martiniquais a en effet agi selon ses idées, il a ainsi démissionné de son poste de médecin-chef à Blida car en désaccord avec les thèses racistes qui étaient la norme et il a renoncé à sa nationalité française.

Mais comment un jeune Martiniquais s’est retrouvé en Algérie à combattre avec le FLN ? L’historien Amzat Boukari Yabara explique ce parcours par la confrontation du jeune homme des Caraïbes avec la réalité française. Frantz Fanon s’est engagé pour libérer la France de l’occupation allemande et il a été frappé par le racisme ambiant. “Il a vu que la France ne méritait pas son engagement et son sacrifice. En Algérie, il a démissionné de son poste pour rejoindre les indépendantistes du FLN contre la France et il a combattu contre la France.” Le jeune psychiatre avait été choqué par l’utilisation de la torture et par les exactions commises par les troupes françaises en Algérie.

Le chercheur franco-béninois insiste qu’il est temps de faire connaître la figure de Fanon et de lui donner une place parmi les grandes figures de l’Histoire d’autant que cette année est le centenaire de la naissance de Fanon. “Il fait partie des quatre ou cinq grandes figures dans l’histoire des luttes de libération.”

L’auteur a découvert Frantz Fanon à 14 ans, il a été bluffé par le personnage révolutionnaire, et si beaucoup citent en référence les livres “Peaux noires et masques blancs”, ainsi que “les damnés de la terre”, Amzat Boukari Yabara considère que l’ouvrage le plus important de Fanon, c’est “Pour la révolution africaine.” Il s’agit du recueil des articles que Fanon a écrits lors de ses séjours africains pour le journal El Moudjahid, le journal algérien du FLN, un livre qui va l’accompagner dans son parcours de futur historien

SOURCE:TRT Français
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