Mordue par un serpent et rescapée d'un séisme, elle devient l'espoir turc de la boxe
SPORTS
8 min de lecture
Mordue par un serpent et rescapée d'un séisme, elle devient l'espoir turc de la boxeÀ 24 ans, la boxeuse turque Rabia Topuz a surmonté toutes sortes d'obstacles. Aujourd'hui, elle rêve de hisser le drapeau de son pays aux Jeux Olympiques de 2028. Son histoire révèle comment les tragédies peuvent être une source de motivation.
Rabia a commencé son parcours dans les arts martiaux, débutant avec le Muay Thai et le Wushu. / Others
20 juillet 2025

À Akcadag, un village du sud-est de la Turquie entouré de montagnes, Rabia Topuz, grande promesse de la boxe dans son pays, a découvert que l’amertume peut se transformer en la douceur de la force.

Aujourd’hui âgée de 24 ans, avec des titres prestigieux en boxe, des entraînements rigoureux et des études universitaires, Rabia est convaincue que les obstacles lui ont donné les anticorps nécessaires pour monter sur le ring et affronter, sans peur, n’importe quel adversaire.

Son enfance s’est déroulée entre de longues journées de récolte de fruits avec sa famille, dans une région reconnue pour sa tradition agricole. « Travailler sous le soleil, pendant des heures, m’a donné une force intérieure et une résistance qu’aucune salle de sport ne pourrait offrir », raconte Rabia à TRT Español. Mais ce ne serait pas le seul défi d’où elle tirerait sa force. Et, comparé à ce qui viendrait plus tard, cela semblerait insignifiant.

Des arts martiaux à l’amour pour la boxe

Rabia a commencé son parcours dans les arts martiaux, débutant avec le Muay Thai et le Wushu. Dès son adolescence, elle a obtenu la troisième place nationale dans ces deux disciplines, montrant son potentiel compétitif.

Mais en 2016, elle a trouvé sa véritable vocation dans la boxe, inspirée par une amie proche et entraîneuse, Hatice Akbas, qui avait remporté le Championnat d’Europe de boxe junior. « Voir la victoire de Hatice m’a fait réaliser que ce chemin n’était pas aussi inaccessible que je le pensais », affirme Rabia, aujourd’hui membre du Fenerbahce Sports Club, l’une des institutions sportives les plus prestigieuses de la Turquie. « La boxe m’a attirée par sa discipline, son intensité, et parce qu’elle exige autant de concentration mentale que de force physique. »

Depuis, elle s’entraîne sans relâche sous la direction de l’entraîneur turc Kerem Akbas, qui est devenu non seulement son mentor mais aussi un « second père ». Leur alliance de huit ans l’a accompagnée à travers d’innombrables défis et triomphes, toujours avec une confiance inébranlable en elle.

« Akbas m’a aidée avec la technique, mais surtout, il a été un soutien mental et émotionnel fort », confie Rabia. « Dans les moments de fatigue ou de doute, il me rappelait de quoi j’étais capable et me disait qu’il voyait en moi une véritable championne, quelqu’un qui pourrait atteindre non seulement l’Europe mais aussi la scène olympique. »

Défis et médailles

Malgré un soutien solide et des progrès, le chemin de Rabia a été semé d’embûches. En tant que femme dans un sport dominé par les hommes, elle a affronté de nombreux défis, même au sein de sa communauté.

« J’entendais des choses comme ‘La boxe n’est pas pour les filles’ », commente-t-elle. « Je sentais que je devais prouver ma valeur chaque jour. Je m’entraînais plus dur, je me donnais davantage et je restais concentrée. Je ne voulais pas être juste une fille qui aime le sport, je voulais être une combattante que les gens respectent. »

Lire aussi : Combler les lacunes vaccinales : pourquoi la variole du singe est le dernier signal d'alarme pour l'Afrique

Sa détermination a porté ses fruits. Rabia a remporté plusieurs titres nationaux en Turquie entre 2020 et 2022. Elle a également décroché la médaille de bronze au Championnat turc des moins de 22 ans en 2021, dans la catégorie des 48 kilos. « C’était la première fois que je sentais que mes efforts portaient vraiment leurs fruits. Être sur le podium m’a remplie de fierté. Il ne s’agissait pas de la médaille, mais de me prouver quelque chose à moi-même », explique-t-elle. « C’était inoubliable. »

Le point culminant de sa jeune carrière est arrivé en 2023, lorsqu’elle a remporté la médaille de bronze aux Jeux européens à Cracovie, en Pologne. Ce podium a été une victoire personnelle et lui a assuré une qualification pour les Jeux olympiques de Paris 2024.

« Lorsque j’ai obtenu ma première qualification pour les Jeux olympiques, j’ai senti qu’un rêve prenait enfin forme », se souvient-elle.

Adversité

Ces « premières étapes » ont cimenté sa base en tant que boxeuse. Mais le destin avait d’autres plans.

Juste au moment où Rabia se préparait pour la plus grande scène de sa carrière, l’adversité a frappé. Le 8 mai 2024, une vipère venimeuse l’a mordue lors d’un camp d’entraînement en altitude à Malatya, dans le sud-est de la Turquie. « C’était terrifiant », admet-elle. « J’ai crié : ‘Entraîneur, une vipère m’a mordue !’ La douleur a été immédiate et intense, et quand mon entraîneur a commencé à crier aussi, j’ai compris à quel point c’était grave. »

L’entraîneur Akbas a réagi rapidement en utilisant un cordon pour stopper la propagation du venin avant de l’emmener à l’hôpital. Elle y a passé une semaine en soins intensifs, sous surveillance constante, avec une inflammation sévère et des douleurs, tandis que ses organes vitaux étaient en danger.

« Grâce au traitement avec un antidote et des antibiotiques, j’ai commencé à me rétablir et j’ai été autorisée à sortir après deux semaines », se souvient-elle.

L’incident l’a obligée à renoncer aux Jeux olympiques, mais elle ne s’est pas laissée abattre. Après s’être rétablie chez elle, Rabia est retournée à la salle d’entraînement, bien qu’elle admette que cette expérience l’a transformée. « Cela m’a rappelé à quel point la vie peut changer en un instant et l’importance de s’accrocher à ses rêves », confie-t-elle. « Maintenant, chaque coup que je donne sur le ring vient d’un endroit plus profond en moi. »

Ce n’était pas la seule grande épreuve qu’a affrontée la jeune boxeuse. Le 6 février 2023, un tremblement de terre dévastateur de magnitude 7,8 a secoué le sud-est de la Turquie, y compris sa ville natale, Malatya. Le séisme a détruit la maison de sa famille et la salle où elle s’entraînait, les laissant sans abri et les forçant à vivre sous des tentes pendant un hiver rigoureux.

« Nous avons failli être ensevelis sous les décombres. C’était une expérience bouleversante qui a changé ma vie », dit-t-elle. Cela a même conduit Rabia à envisager d’abandonner la boxe, mais avec le soutien de son entraîneur, de ses coéquipiers et de son club sportif, elle a trouvé la force de continuer.

« Nous n’avions nulle part où aller. Le Fenerbahce Sports Club est intervenu et nous a fourni deux conteneurs habitables pour ma famille. Nous sommes six, donc ce soutien a été essentiel », renseigne la boxeuse. « Pendant ces premiers jours, j’étais émotionnellement dévastée. J’ai vu des corps, des bâtiments détruits. »

La boxe comme salut

Malgré tout, elle ne s’est pas rendue. « Quand j’ai senti que j’avais tout perdu, la boxe m’a donné quelque chose à quoi m’accrocher. Elle m’a donné un objectif et m’a aidée à viser quelque chose de plus grand que la douleur », dit-elle. « Les souvenirs restent, mais j’ai appris que la douleur peut se transformer en carburant et nous propulser vers le succès. »

Elle s’est ensuite entraînée dans des bâtiments endommagés et en plein air, sous le soleil ou la pluie, ce qui, selon elle, lui a donné de la concentration et, en même temps, de l’espoir. « Cela m’a appris à surmonter la douleur et l’incertitude », réitère -t-elle.

Aujourd’hui, Rabia est de retour en action, avec deux fois plus de détermination qu’avant : elle étudie l’éducation physique à l’Université de Malatya, en Turquie, et se prépare pour le Championnat mondial de boxe féminine à Liverpool, en Angleterre, en septembre.

Actuellement, sa routine d’entraînement comprend cinq séances hebdomadaires de deux heures, axées sur la résistance, la vitesse, l’agilité et la force, tous essentiels sur le ring.

L’objectif : les Jeux olympiques de 2028

Aujourd’hui, Rabia a les yeux rivés sur les Jeux olympiques de Los Angeles 2028, où elle espère « représenter la Turquie dans les championnats européens et mondiaux et remporter des médailles internationales. Je rêve de hisser haut le drapeau turc sur la scène mondiale. »

Au-delà des médailles et des championnats, elle espère inspirer les jeunes filles des zones rurales comme la sienne à poursuivre leurs rêves.

« Beaucoup de personnes qui doutaient de moi auparavant sont aujourd’hui parmi mes supporters. Toute fille qui entre dans un domaine difficile comme celui-ci fera face à des résistances similaires », suggère Rabia. « Mais ce qui fait la différence dans la vie, c’est la façon dont on répond. »

Cet article a été rédigé par Bala Chambers et rapporté par Mohammad Bashir Aldaher.

SOURCE:TRT Afrika and agencies
Jetez un coup d'œil sur TRT Global. Partagez vos retours !
Contact us