La piste terroriste est privilégiée dans le rapt de la ressortissante suisse dimanche soir à Agadez dans le nord du Niger, pays sahélien qui lutte contre des groupes armés affiliés à Daesh ou à Al-Qaïda, selon des experts interrogés par l'AFP.
"Le mode opératoire est presque le même: des inconnus surgissent, procèdent à l'enlèvement, mettent l'otage dans un véhicule" et sortent de la ville, explique à l'AFP Seidik Abba, président du Centre international d'études et de réflexions sur le Sahel.
"Ce mode opératoire amène à penser que ce sont des groupes intermédiaires qui procèdent à l'enlèvement, qui revendent ensuite l'otage à un groupe terroriste, en l'occurrence Daesh, ou que les groupes eux-mêmes s'infiltrent dans la ville et procèdent à l'enlèvement", ajoute le chercheur.
Le rapt de la Suissesse, âgée de 67 ans et présentée comme Claudia, n'a pour l'heure pas été revendiqué.
Mais plusieurs observateurs estiment que la branche de Daesh au Sahel serait derrière les récents kidnappings dans la zone, notamment celui de l'Autrichienne Eva Gretzmacher (73 ans), enlevée à son domicile dans la même ville d'Agadez le 11 janvier, et des quatre camionneurs marocains enlevés le 18 janvier sur la route entre Dori (nord-est du Burkina) et Téra (ouest du Niger).

Quatre personnes ont été enlevées et plusieurs soldats nigériens tués lors de l’incident. L'un des otages, Oleg Gret, serait un citoyen russe et l'autre, Yuri Yurov, aurait la nationalité ukrainienne, précise Moscou.
"Appel d'offres"
L'enlèvement de "Claudia", qui vit depuis plusieurs années à Agadez et est mariée à un Nigérien, "vient dans la ligne de ces dernières prises d'otages au Sahel, dit à l'AFP Wassim Nasr, chercheur au Soufan Center et journaliste spécialiste des mouvements terroristes, en rappelant que "(Daesh) a fait une sorte d'appel d'offres pour l'enlèvement d'Occidentaux pour son compte".
Agadez "n'est pas une région sous l'influence de (Daesh)", les enlèvements de "Claudia" et de l'Autrichienne Eva Gretzmacher "sont l'oeuvre de sous-traitants des groupes terroristes", estime le journaliste Ibrahim Manzo Diallo, directeur du média Aïr-Info, basé à Agadez.
Le même mode opératoire a été utilisé mi-janvier lors du rapt d'un ressortissant espagnol à la frontière algéro-malienne, libéré le 22 janvier, rappelle Wassim Nasr.
Les kidnappeurs, un groupe criminel composé d'Algériens et de Maliens âgés d'une vingtaine d'années, n'avaient pas finalement pu transférer les otages à Daesh en raison d''"une grosse pression de l'Algérie" et de l'intervention de rebelles et chefs de tribus touaregs du nord du Mali, ajoute t-il.
"Ville garnison"
Le groupe terroriste JNIM (affilié à Al-Qaïda) avait pour sa part nié toute implication concernant les enlèvements de l'Autrichienne et de l'Espagnol.
Le JNIM, depuis la libération en février 2024 de trois otages italiens, "a abandonné dans les faits l'enlèvement de ressortissants occidentaux", rappelle Nasr, ajoutant que le groupe détient toutefois encore "deux ressortissants russes liés à Wagner, enlevés au Niger" en juillet 2024.
"Si c'est (Daesh), ça veut dire qu'il y a eu un changement dans l'approche, car le groupe n'était pas véritablement dans le business des otages. C'était surtout le JNIM qui était dans ça", explique Yvan Guichaoua, chercheur au Bonn International Centre for Conflict Studies.
Selon Seidik Abba, l'enlèvement de "Claudia" remet aussi en question la sécurité à Agadez, "une ville garnison".
L'armée nigérienne a récemment renforcé ses positions dans la ville.
Inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco depuis 2013, la grande ville du Nord fait face à une forte baisse du nombre de touristes depuis les années 90 en raison de l'insécurité dans la région.