Les épisodes de douleur atroce, l'anémie sévère et les semaines d'hospitalisation durant sa première grossesse sont encore dans les pensées d'Aminata Coulibaly.
Atteinte de drépanocytose, cette Ivoirienne de 28 ans connaissait trop bien les risques lorsqu'elle a découvert qu'elle était de nouveau enceinte.
« J'avais peur de ne pas survivre pour voir mon bébé », confie-t-elle à TRT Afrika.
Aminata n'est pas seule dans cette crainte.
Des milliers de femmes atteintes de drépanocytose à travers l'Afrique et au-delà vivent le traumatisme de ne pas savoir si elles survivront à leur grossesse.
Selon les données mondiales, les femmes atteintes de drépanocytose ont un risque de mortalité maternelle 4 à 11 fois plus élevé que celles sans cette maladie. Leurs bébés risquent également d'être mort-nés, prématurés ou de faible poids à la naissance.
Le 19 juin, l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a publié le premier ensemble de directives mondiales visant à améliorer les soins de grossesse pour les femmes comme Aminata, en proposant des recommandations fondées sur des preuves pour garantir des accouchements plus sûrs.

Un écart mortel
La drépanocytose se caractérise par des globules rouges anormaux en forme de croissant qui obstruent les vaisseaux sanguins, entraînant des complications potentiellement mortelles. Ces risques se multiplient pendant la grossesse.
La maladie touche environ 7,7 millions de personnes dans le monde, dont 80 % des cas se trouvent en Afrique subsaharienne, selon les nouvelles directives.
Les orientations cliniques ont longtemps été fragmentées, reposant sur des protocoles issus de pays à revenu élevé qui ne sont pas toujours applicables dans des contextes à faibles ressources.
« Les nouvelles directives changent la donne », déclare le Dr Pascale Allotey, directrice de la santé sexuelle et reproductive à l'OMS.
« Avec des soins appropriés, les femmes atteintes de drépanocytose peuvent avoir des grossesses en bonne santé. Mais nous avons besoin d'investissements urgents pour rendre ces traitements accessibles partout. »
Des choix déchirants
Pour de nombreuses femmes, les risques les obligent à prendre des décisions déchirantes.
« On m'a dit que le fait d'avoir des enfants pourrait me tuer », raconte Fatoumata Diallo, une Sénégalaise diagnostiquée avec la maladie dans son enfance, à TRT Afrika.
« Quand je me suis mariée, mon mari et moi avons dû décider : prenons-nous le risque ou devrais-je éviter complètement la grossesse ? »
Après avoir consulté des spécialistes, elle a eu deux enfants, bien que les deux grossesses aient nécessité une supervision médicale intensive.
« J'ai eu de la chance. Beaucoup de femmes n'ont pas cette option », raconte la femme de 32 ans.
Les nouvelles directives de l'OMS visent à mieux gérer la drépanocytose pendant la grossesse avec des recommandations claires et adaptables, notamment une supplémentation en acide folique et en fer ajustée pour les régions endémiques du paludisme.
La gestion de la douleur associée à la drépanocytose est un autre aspect crucial.
Les directives prévoient également des mesures préventives contre les infections et les caillots sanguins, recommandent des transfusions sanguines prophylactiques dans les cas à haut risque et insistent sur une surveillance accrue pour la mère et le bébé tout au long de la grossesse.
Des soins personnalisés
Bien que ces directives marquent une avancée significative, la drépanocytose reste sous-étudiée, en particulier dans ses manifestations pendant la grossesse.
Les experts en santé affirment que les efforts pour combattre cette maladie sont également sous-financés.
De nombreux traitements manquent de données de sécurité pour les femmes enceintes, qui ont historiquement été exclues des essais cliniques.
« Ce n'est que le début », déclare le Dr Doris Chou, médecin à l'OMS et auteur principal des directives, à propos de cette nouvelle initiative.
« Les femmes atteintes de drépanocytose ont besoin de discussions précoces et éclairées avec leurs prestataires de soins de santé pour prendre les meilleures décisions pour leur santé et celle de leurs bébés. »
D’autres directives pour les maladies non transmissibles
Ces directives sont les premières d'une série de l'OMS traitant des maladies non transmissibles pendant la grossesse, avec des publications futures prévues sur le diabète, les maladies cardiovasculaires et la santé mentale.
Alors que les maladies chroniques contribuent de plus en plus à la mortalité maternelle, le besoin d'une action mondiale n'a jamais été aussi évident.
Pour des millions de femmes atteintes de drépanocytose, ces directives pourraient faire la différence entre la vie et la mort, et leur donner la chance de tenir leurs enfants dans leurs bras.
Dans le cas d'Aminata, des soins spécialisés pendant sa deuxième grossesse lui ont permis de donner naissance à une petite fille en bonne santé.
« Je veux que chaque femme atteinte de drépanocytose sache que la maternité ne doit pas être une condamnation à mort », dit-elle. « Avec les bons soins, nous pouvons survivre et prospérer. »