L'histoire épique de la lutte de l'Afrique de l'Ouest pour la liberté ne serait pas complète sans Samory Touré.

Les livres d'histoire africains voient Samory à travers différents prismes, chacun portant une facette différente de sa personnalité.

Certains écrivains le désignent comme le "roi guerrier", reflétant la gloire de ses triomphes militaires.

D'autres le considèrent comme un "bâtisseur d'empire", reconnaissant sa remarquable capacité à forger des alliances et à établir des systèmes de gouvernance sur de vastes territoires.

Beaucoup l'appellent simplement un "héros", distillant son héritage complexe en l'impact fondamental qu'il a eu sur son peuple.

Pour vraiment saisir l'importance de Samory dans l'histoire de l'Afrique de l'Ouest, il faut comprendre comment ces différents aspects ont fusionné pour en faire un personnage d’une force singulière et transformatrice.

Genèse d'une légende

Les prouesses militaires de Samory Touré ne se limitaient pas à gagner des batailles ; elles sont devenues le bouclier qui a défendu l'autonomie de l'Afrique de l'Ouest.

Ses compétences de bâtisseur d'empire ne se limitaient pas à un processus d’accession au pouvoir ; elles ont démontré une vision alternative de la gouvernance africaine face aux ambitions coloniales.

Son héroïsme ne se limitait pas à la bravoure personnelle ; il incarnait l'esprit plus large de résistance qui inspirerait des générations dans leur lutte pour l'autodétermination en Afrique de l’Ouest.

Les 70 années qu'il a vécues - de 1830 à 1900 - ont été mouvementées, inspirantes et ont considérablement façonné l'histoire de l'Afrique de l'Ouest moderne.

Racines anti-impérialistes

Avant que les puissances coloniales ne tracent leurs frontières arbitraires à travers le continent, l'Afrique de l'Ouest était comme une vaste région interconnectée où les gens se déplaçaient librement entre les territoires.

C'est pendant cette période critique, dans les années 1800, que la France a commencé sa campagne agressive pour dominer la région, établissant ce qui deviendrait l'Afrique occidentale française.

Cet ancien bloc colonial englobait plusieurs nations modernes : le Sénégal, le Mali, la Guinée, le Bénin, le Burkina Faso, la Mauritanie, le Niger et la Côte d'Ivoire.

Alors que la France se frayait un chemin en Afrique de l'Ouest, Touré a dirigé des groupes de membres éminents de la communauté régionale qui ont opposé la première résistance.

Commerçant devenu guerrier

Né dans la région orientale de Kankan en actuelle Guinée, Samory a suivi les traces de son père et est devenu commerçant alors qu'il était encore adolescent.

Il a simultanément poursuivi une éducation islamique, intégrant les principes théologiques dans ses pratiques commerciales.

Sa vie a pris un tournant dramatique en 1853 lorsque le puissant clan Cissé a kidnappé sa mère lors de l'un des raids infâmes de l'époque contre les maisons à la recherche d'esclaves.

Dans un acte de sacrifice qui allait remodeler son destin, Samory s'est offert comme esclave personnel au chef du clan Cissé pour obtenir la libération de sa mère.

Sa mère a finalement été relevée du statut d'esclave, mais la trajectoire de sa vie a changé.

Pendant ses années d'esclavage, Touré s'est immergé dans l'étude du Coran tout en acquérant simultanément des compétences de combat sous la direction des chefs de clan locaux.

Après plus de sept ans d'esclavage, il est libéré, marquant le début de son émergence en tant que leader.

De retour dans sa communauté, il a rassemblé des volontaires du clan Camara, jetant les bases de ce qui allait devenir une force de combat redoutable.

Influence croissante

Pour les préparer aux missions ultérieures, Samory a transmis des compétences militaires aux habitants, complétant cela par une éducation islamique.

Son territoire allait, au fil du temps, croître de façon exponentielle, dépassant de grandes parties de la Guinée orientale.

Capitalisant sur son influence croissante, il a promu ses amis et parents à divers postes de direction dans son armée.

Le contrôle de Samory s'est étendu au Mali au nord de la Guinée et à la Sierra Leone, au Libéria et à la Côte d'Ivoire (selon les zones actuelles). Son armée a également augmenté en nombre.

Approvisionnement en armes

Au moment où les Français cherchaient à affirmer leur contrôle en Afrique de l'Ouest - et utilisaient la force pour arriver à leurs fins - l'armée de Samory comptait jusqu'à 65 000 soldats.

En raison de son influence et de la taille de l'armée qu'il commandait, Samory a réussi à importer des armes de la Sierra Leone voisine, alors sous domination britannique.

Il utilisera plus tard son autorité pour mettre en place une usine d'armes à feu, une initiative soutenue par des soldats britanniques et français mécontents.

Avec une grande armée derrière lui et une abondance de richesses à sa disposition, Samory a pris le contrôle de mines d'or près de la frontière de la Guinée avec la Sierra Leone.

Tout semblant prêt, Touré décida qu'il était temps de rétablir l'ancien ordre mondial.
Il voulait rétablir l'ancien royaume du Mali qui existait entre le début des années 1200 et la fin des années 1600.

Il savait qu'il ne réussirait pas dans cette mission sans inculquer une foi publique motivée par la religion dans sa mission. C'est alors qu'il a déployé des ressources considérables pour l'éducation islamique en Afrique de l'Ouest.

'Napoléon de l'Afrique'

Les efforts de Touré ont assuré la propagation rapide de l'islam en Guinée, en Côte d'Ivoire, au Mali, en Sierra Leone et au Libéria à la fin du 19e siècle.

En 1881, les Français étaient déterminés à démanteler son empire, mais ils ont sous-estimé sa puissance.

L'armée ‘ouest-africaine’ de Samory a combattu les troupes françaises et a remporté des batailles, lui valant l'épithète de "Napoléon de l'Afrique".

Défaites mais entêtées, ces troupes frapperont à nouveau à sa porte deux ans plus tard.
À cette époque, les plans étaient à un stade avancé pour que les frontières soient tracées à travers l'Afrique, ce qui a conduit à la Conférence de Berlin de 1884.

Cela signifiait que le pouvoir illimité de Samory en Afrique de l'Ouest serait bientôt mis en échec par les puissances coloniales.

Pendant environ deux ans, les combats qui ont suivi entre les troupes françaises et son armée ont fait de nombreuses victimes des deux côtés.

Les Français ont subi leur plus lourde perte dans la ville de Bure, au nord de la Sierra Leone, en 1885.

Accords et retraite

Les combats meurtriers ont abouti à la signature de trois accords avec les autorités françaises en 1886.

Dans l'un des accords, il a accepté de céder le contrôle du territoire sierra-léonais et a également cédé le Niger peu de temps après.

En 1891, les soldats français qui ont reçu des renforts attaquent l'armée de Samory, la forçant à quitter les territoires les plus importants de son pays natal, la Guinée. La capitale, Conakry, est par conséquent passée sous contrôle français.

Samory se retirera par la suite de la partie nord de la Côte d'Ivoire voisine, puis du Libéria.

Troupes affaiblies

Les troupes françaises ont poursuivi leur avancée dans les territoires contrôlés par Samory à la fin des années 1890.

Le 1er mai 1898, Samory et son armée ont pris position dans les forêts libériennes pour résister à une nouvelle offensive française. Cette fois, la famine et la désertion ont affaibli ses troupes.

Quatre mois plus tard, les autorités françaises ont capturé Samory et l'ont envoyé en exil au Gabon, où il est mort en juin 1900.

Son héritage de résistance s'est perpétué à travers son arrière-petit-fils, Ahmed Sékou Touré, qui a joué un rôle essentiel dans le mouvement d'indépendance de la Guinée et est devenu le premier président du pays.