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Kenya : plusieurs personnes toujours portées disparues, un an après les manifestations anti-taxes
Des groupes de défense des droits affirment que des dizaines de personnes arrêtées par les forces de sécurité sont toujours portées disparues et qu'il y a eu peu de progrès dans les enquêtes.
Kenya : plusieurs personnes toujours portées disparues, un an après les manifestations anti-taxes
Les manifestations de 2024 ont été les plus importantes au Kenya depuis de nombreuses années. / Reuters
9 juin 2025

Susan Wangari n’arrive plus à compter les morgues, hôpitaux et postes de police qu'elle a visités à la recherche de son fils, disparu au plus fort des manifestations de masse au Kenya en juin dernier.

Elle a vu Emmanuel Mukuria, 24 ans, pour la dernière fois le matin du 25 juin 2024, le jour où des milliers de jeunes Kényans ont envahi les rues de Nairobi et pris d'assaut le parlement pour protester contre les hausses d'impôts prévues et contre la corruption.

“Ce serait mieux si mon fils était mort ; au moins, je pourrais visiter sa tombe”, a-t-elle confié à l'AFP.

Les organisations de défense des droits humains affirment qu'au moins 60 personnes ont été tuées lors des manifestations de juin et juillet, et plus de 80 auraient été enlevées par les forces de sécurité depuis, avec des dizaines toujours portées disparues.

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Les amis de Mukuria disent qu'il a été arrêté pendant les manifestations dans le centre-ville, où il travaillait comme receveur de minibus.

“Nous n'avons pas de paix dans cette maison”, a confié sa mère, âgée de 50 ans, à l'agence AFP lors d'une visite dans son logement d'une seule pièce dans le bidonville de Kasarani.

“Je dors légèrement la nuit au cas où il viendrait frapper à ma fenêtre comme il le faisait toujours”, a-t-elle ajouté.

Des dizaines de personnes toujours portées disparues

“Chaque fois que nous entendons que des corps ont été retrouvés quelque part, nous sommes anxieux de savoir de qui il s'agit.”

Deux hommes lui ont dit qu'ils partageaient une cellule avec Mukuria, mais ils ont trop peur de parler publiquement de leur expérience.

L'un d'eux n'a été libéré qu'en février, ce qui lui donne l'espoir que son fils est encore en vie.

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“Ils m'ont dit qu'ils avaient été battus et interrogés sur les manifestations. On leur demandait qui les avait payés pour y participer”, a expliqué Wangari.

Le mois dernier, le président William Ruto, reconnaissant clairement que les forces de sécurité avaient participé aux enlèvements présumés, a déclaré que toutes les personnes arrêtées lors des manifestations avaient été “rendues à leurs familles”.

La police avait à plusieurs reprises nié toute implication dans les enlèvements présumés.

Les organisations de défense des droits humains affirment que des dizaines de personnes sont toujours portées disparues et que la police a montré peu de progrès dans l'enquête sur ces disparitions, malgré les déclarations de Ruto selon lesquelles un “mécanisme de responsabilité” avait été mis en place.

Interrogé par l'AFP, le bureau du président a signalé que la police “s'occupait du dossier”, tandis qu'un porte-parole de la police a renvoyé l'AFP au bureau du président.

“Justice retardée”

Le porte-parole de la police a indiqué qu'ils n'avaient aucune information sur le cas de Mukuria. Un officier en charge au poste de police où Wangari a signalé sa disparition a indiqué que l'affaire était toujours en cours d'enquête.

De nombreuses autres familles sont encore confrontées aux conséquences de la violence.

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Rex Masai, 29 ans, a été le premier à mourir lors des manifestations, abattu dans le centre-ville le 20 juin.

L'enquête sur sa mort traîne encore.

“Nous espérons le meilleur, mais nous ne sommes pas près de connaître la vérité”, a expliqué la mère de Masai, Gillian Munyao, à l'AFP dans sa maison, où une photo de son fils aux dreadlocks est accrochée au mur.

Elle a trouvé son fils gisant sans vie dans une mare de sang dans une clinique où il avait été emmené ce jour-là.

Le procureur de l'État a expliqué qu'un manque de témoins retarde les progrès dans l'affaire.

Un témoin potentiel a refusé de se manifester par crainte que la police ne le fasse “disparaitre de force”, a expliqué Munyao.

Des funérailles innombrables

Hussein Khalid, responsable du groupe de défense des droits Vocal Africa, a blâmé un “manque de coopération des autorités”.

“Quand vous obtenez des preuves, le problème malheureux est que vous devez les remettre à la police elle-même”, a-t-il affirmé.

Il a perdu le compte du nombre de funérailles auxquelles il a assisté après les manifestations, les estimant entre 20 et 30.

“Était-il nécessaire de déchaîner une telle force brutale contre de jeunes Kényans innocents ?” a-t-il demandé.

Les politiciens ont montré peu d'intérêt pour leur responsabilité ou pour tirer des leçons des troubles.

“Des gens ont été tués, nous avons exprimé notre sympathie, nous sommes passés à autre chose”, a indiqué Bashir Abdullahi, membre de la coalition au pouvoir, au parlement lors d'un débat sur les manifestations le mois dernier.

Mais pour les familles des victimes, la quête de justice “signifie beaucoup”, a rappelé le père de Masai, Chrispin Odawa.

“La blessure ne guérira jamais”, a-t-il affirmé.

SOURCE:AFP
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