Nous sommes à Loumbila, à une vingtaine de kilomètres de Ouagadougou au “Musée de l’eau”. Le patron des lieux n’est autre que Alassane Samoura, sociologue et anthropologue qui a travaillé pendant 25 ans sur des projets hydrauliques.
Il dit avoir une vision sociologique et anthropologique des questions d’eau. Au fil du temps, il y a ajouté d’autres aspects qui sont culturels, cosmogoniques, politiques, historiques, économiques.
« On va appeler ça la dimension holistique de l’eau », lâche-t-il tout sourire. Pour lui, l’eau vit dans les religion, dans l’art, en tant que plaisir délice, en tant que source d’inspiration, en tant que symbolique de création et de recréation, de valorisation de la femme.
Son musée existe depuis déjà deux décennies. Il l’a créé en 2005 pour combler un vide. "On va dire un vide culturel. Parce que dans toutes les langues du monde, l’eau c’est la vie. Que tu sois en Colorado ou à Kidal, toutes les populations du monde sont unanimes à reconnaître que l’eau est la vie. Il y a beaucoup de choses dans cette reconnaissance qui manquent", déplore le patron des lieux.
Patrimoine physique et patrimoine immatériel
"C’est tout ce qui va aider à transporter l’eau, à prélever l’eau. On va les appeler des ustensiles, des récipients de collecte de l’eau ou de transport de l’eau. La calebasse, la puisette, le gobelet, le canaris… on va les appeler en d’autres termes le patrimoine matériel de l’eau", explique Samoura.
Il poursuit qu’il y a aussi le vide du patrimoine immatériel. Il s’agit de tous les chants, les récits, les contes, sur l’eau. "On n’en parle pas. Ce sont des choses que j’essaye de faire ressortir. Il y a des chansons populaires, universelles sur l’eau qu’il faut valoriser. Cela participe à la valorisation de l’eau en tant que vie", affirme Alassane Samoura.
La troisième dimension selon lui, c’est la dimension naturelle de l’eau. "C’est-à-dire les cours d’eau, les récits, les rivières, les lacs, les marigots, qu’il faut valoriser. Voilà comment j’ai conçu le musée de l’eau", explique-t-il.
Samoura nous fait entrer à l’intérieur de son musée. Ce passionné des questions d’eau a essayé de développer plusieurs espaces qu’il appelle « vitrines ». La première vitrine valorise les savoirs ancestraux. C’est-à-dire comment on cherchait l’eau dans le temps, y a 50 ans, y a 100 ans, 150 ans, 200 ans. Comment nos ancêtres ont cherché l’eau?
Diverses vitrines pour montrer divers aspects
Il y a la vitrine « eau et femme » qui va aider à faire connaître les usages que la femme fait de l’eau, la vaisselle, la cuisine, le bain… Mais Samoura précise que c’est un espace qui valorise la femme non pas en termes de surpoids de travail mais de montrer que la femme est à la base de tous les travaux qu’elle mène avec l’eau.
Autre étape : la vitrine des pompes. Ici, il y a 47 modèles de pompes dont le plus ancien date de 1932. Une image de cette pompe est d’ailleurs imprimée sur nos pièces de monnaie de 10 f CFA.
C’est une forme de consommation de la colonisation sous d’autres formes. L’église en 1932 a fait introduire ces pompes pour sa mission de socialisation ou d’évangélisation pour être auprès des communautés. Ces pompes ont contribué à soulager les populations mais aussi ont joué un grand rôle dans la colonisation ou l’évangélisation.
Toutes les 47 pompes ont une géographie et une histoire, car il n’y a pas de pompes neutres, insiste-t-il.
Enfin la dernière vitrine, la vitrine des droits humains.
Ici, Alassane Samoura essaie de montrer que l’eau est un droit pour les populations burkinabè parce que dans les constitutions de beaucoup de pays d’Afrique, maintenant, insiste-t-il, l’eau devient un droit.
"Tous les humains doivent avoir accès à l’eau. C’est le rôle régalien de l’État de donner de l’eau aux populations. On n’est pas seulement un musée de collecte ou d’exposition mais on est aussi un musée de plaidoyer et de changement de comportement. On est un musée de dénonciation pour que les gens comprennent qu’un musée ce n’est pas seulement pour exposer. Il faut aller au-delà de l’exposition et faire un combat pour la question de l’eau", explique-t-il.
Le musée de l’eau est beaucoup fréquenté par les élèves et les étudiants. "Nous les recevons beaucoup plus en période de pré-vacances. Ils viennent au nombre de 400, 500 par mois avec les encadreurs pour visiter le musée", confie Alassane Samoura ajoutant qu’il y a de plus en plus des familles qui commencent à visiter le musée.
Faibles pluies et faibles réseaux hydrographiques
"On est un pays sec. Les pluviométries varient entre 400 et 1200mm. Il pleut donc rarement. La saison pluvieuse ne dépasse pas trois mois et pendant les trois mois, les pluies qui tombent sont irrégulières et ne touchent pas aussi tout le territoire. Ce qui fait que le pays a des soucis hydrologiques", déplore Alassane Samoura qui pointe du doigt le manque de grands fleuves et de grands lacs.
"On est un pays très désertique. On n’a pas de littoral. On n’a pas accès à la mer. Ne pas avoir accès à la mer n’est pas grave mais si on avait de grands fleuves comme le Niger, le Sénégal, cela pouvait aider la population à accéder à l’eau pour mener beaucoup d’activités", reconnaît-t-il.
Le patron du musée de l’eau affirme que l’eau potable n’est pas un acquis au Burkina Faso.
"Même dans les grandes villes on a des coupures d’eau. Et c’est une régression", dit-il et de reconnaître qu’il y a des efforts qui se font parce que l’Etat a compris que s’il veut mener une bonne politique de gouvernance, il faut permettre aux populations d’avoir accès à l’eau potable parce que les crises d’eaux sont impardonnables.
Retour à Ouaga où nous rencontrons une organisation bénévole qui a une parfaite connaissance de cette situation.
Quelques progrès malgré le stress hydrique
Hassimi Sanogo préside de l’association Sauvons l’environnement l’Eau Potable et l’Assainissement pour Tous (SEEPAT) créée en 2013 pour répondre justement aux besoins pressants du Burkina Faso en matière d’environnement, d’accès à l’eau potable et à l’assainissement.
Les actions de l’association ont favorisé l’amélioration des conditions d’accès à l’eau potable et à l’assainissement à plus de 60 000 personnes dans la région des Hauts-Bassin, deuxième plus grande région du pays.
Mais le contexte est difficile car le Burkina Faso est confronté à un stress hydrique lié à des raisons comme le réchauffement climatique, la surexploitation des ressources, le gaspillage de l’eau, la pollution et le dérèglement de l’écosystème.
"Beaucoup de cours d’eaux ont tari et cela est dû à l’ensablement et au réchauffement climatique", souligne Hassimi Sanogo qui appelle le pays à mener des actions fortes pour préserver de manière durable la ressource en eau. "Le gouvernement est sur la bonne voie. Il va falloir associer tous les différents acteurs et insister sur la formation et la sensibilisation de ceux qui exploitent ces ressources."
Au Burkina Faso, beaucoup d’efforts ont été fait parce que "le taux d’accès à l’eau potable a considérablement évolué. On est à près de 80%", signale Hassimi Sanogo qui indique également qu’il y a des zones où l’accès à l’eau potable demeure compliqué.
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