TURQUIE
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15 Juillet: la nuit où le peuple a vaincu les chars en Turquie
À l’occasion du neuvième anniversaire du coup d’État manqué de 2016, la Turquie commémore une nuit de résistance, de sacrifice et de mobilisation citoyenne qui a changé le cours de son histoire.
15 Juillet: la nuit où le peuple a vaincu les chars en Turquie
Les manifestants remplissent les rues d'Istanbul dans la nuit du 15 juillet 2016 / AP
15 juillet 2025

 Cela fait neuf ans que des chars de l’armée ont traversé les ponts du détroit du Bosphore et que des avions de chasse ont tiré sur des civils turcs.

 Le 15 juillet marque l’anniversaire de cette tentative de putsch qui a laissé une empreinte indélébile dans la mémoire collective du pays, dans sa politique intérieure comme dans sa diplomatie.

 253 personnes, pour la plupart des civils, ont été tuées et plus de 2 000 blessées alors qu’elles faisaient face à un groupe de soldats rebelles fidèles au groupe terroriste FETO. Ils sont arrivés à bord de véhicules blindés, ouvrant le feu à la mitrailleuse sur leurs compatriotes.

Quiconque se trouvait à Istanbul, la plus grande ville du pays, connue pour ses palais ottomans et ses mosquées majestueuses, se souvient encore de la terreur provoquée par les F-16 volant à très basse altitude, franchissant le mur du son.

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Mais malgré la peur, des milliers de personnes sont descendues dans les rues des grandes villes, dont la capitale Ankara, pour défier les putschistes.

Quand il est devenu clair qu’un groupe de militaires cherchait à renverser un gouvernement démocratiquement élu, des dizaines de milliers de Turcs ont quitté leur domicile, vers minuit, pour protester contre la tentative de coup d’État.

Ils se sont battus dans des lieux stratégiques d’Istanbul et d’Ankara, affrontant les putschistes sur les ponts, devant le parlement et dans d’autres endroits symboliques. Les manifestants ont résisté avec les moyens du bord : pierres, poteaux de signalisation, et même leurs chaussures.

Des vidéos saisissantes prises par téléphone portable ont circulé sur les réseaux sociaux : un civil écrasé par un char alors qu’il tentait de le bloquer ; une femme abattue de sang-froid; des commandos de police, dont de nombreuses femmes, tuées en défendant leurs postes.

Les putschistes ont bombardé le bâtiment du parlement à Ankara et tenté d’assassiner le président Recep Tayyip Erdogan, qui a échappé de peu à ce que beaucoup considèrent comme une tentative d’assassinat ou d’enlèvement.

Dans les semaines qui ont suivi l’échec du coup, les procureurs turcs ont rassemblé des preuves confirmant que cette trahison avait été orchestrée par Fetullah Gulen, chef du groupe terroriste FETO. Gulen est décédé en 2024 aux États-Unis, où il vivait dans le confort et le privilège.

Un peuple transformé

La politique et l’histoire de la Turquie ont été marquées par de multiples coups d’État. Son premier chef de gouvernement élu démocratiquement, l’ancien Premier ministre Adnan Menderes, a été exécuté par les militaires en 1961, à la suite du premier putsch du pays.

Mais en 2016, l’armée faisait face à un peuple différent — un peuple qui s’était battu pour sa voix démocratique et en avait vu les résultats à travers la croissance économique, les infrastructures et les transports publics. La Turquie avait beaucoup à perdre dans la nuit du 15 juillet.

Pourtant, la détermination du pays face à l’adversité n’a pas été reconnue par certains de ses plus proches alliés — ces mêmes gouvernements qui commémorent volontiers l’homme au char de Tian’anmen ont choisi d’ignorer le sacrifice des civils turcs.

Les alliés occidentaux de la Turquie, y compris ses partenaires de l’OTAN, ont mis trop de temps à condamner le coup d’État — un fait que Joe Biden, alors vice-président des États-Unis, a lui-même reconnu lors de sa visite en Turquie un mois après la tentative.

Pour Ankara, qui jouait un rôle-clé dans la lutte contre Daech et qui avait accepté la lourde responsabilité d’accueillir des millions de réfugiés syriens, le silence international face au putsch raté a été vécu comme une trahison.

Dans les mois suivants, alors que les procureurs et les tribunaux turcs commençaient à juger les putschistes, certains parlementaires européens se sont inquiétés du respect des droits des accusés — ce qui a encore attisé la colère des autorités turques.

Les États-Unis, allié traditionnel de la Turquie depuis la Seconde Guerre mondiale, ont peu agi pour enquêter sur Gulen, qui a continué à vivre en Pennsylvanie jusqu’à sa mort, entouré d’un vaste réseau d’entreprises sans être inquiété.

Pourtant, la Turquie affirme avoir fourni à Washington toutes les preuves nécessaires pour engager des poursuites judiciaires contre le chef de FETO.

Malgré le manque de soutien de ses alliés occidentaux, le peuple turc a fait preuve d’une détermination remarquable pour défendre sa démocratie.

Que des millions de citoyens se lèvent ainsi, d’un seul élan, contre une faction militaire rebelle, a envoyé un message clair et retentissant : plus jamais ça.

Cet article a été initialement publié en 2021 et a été mis à jour pour en assurer l'exactitude et la pertinence.

SOURCE:TRT World
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