Par Pauline Odhiambo
Le point de rupture dans la santé mentale de Samuel Kiprono est survenu un après-midi étouffant à Nairobi, lorsqu'il a finalement confié ses pensées suicidaires à la personne en qui il avait le plus confiance : son pasteur.
Mais au lieu de compassion, il a été confronté à une condamnation empreinte de peur.
« Il m'a dit que je n'étais pas déprimé mais possédé par des démons. Nous avons prié ensemble et il m'a donné des versets bibliques à lire, ce qui m'a aidé dans une certaine mesure. Bien que ses intentions aient été bienveillantes, ma dépression a persisté », raconte cet expert-comptable de 28 ans à TRT Afrika.
Son expérience reflète la réalité de millions d'Africains confrontés à des troubles de santé mentale.
Souffrir en silence
En Afrique subsaharienne, quatre personnes sur cinq souffrant de troubles mentaux ne reçoivent aucun traitement—un écart dévastateur qui brise des familles et détruit des vies.
« Ma schizophrénie m'a rendue paria », admet Fatoumata Diallo, une technicienne en onglerie de 26 ans à Dakar. « Ils m'appelaient 'la folle' et me cachaient des visiteurs. L'hôpital m'a juste donné des pilules—pas de thérapie, pas de dignité. »
La plupart des services de santé mentale en Afrique sont financés directement par les patients et leurs proches. Pour les ménages à faibles revenus et d'autres groupes vulnérables, le coût de ces soins essentiels peut entraîner des difficultés financières.
Mais l'Organisation mondiale de la santé (OMS) a tendu une bouée de sauvetage à ceux qui souffrent en silence, en lançant de nouvelles directives transformatrices pour réformer les soins de santé mentale à travers le continent.
Directives de l’OMS
Le nouveau plan de l'OMS s'attaque directement à ces défaillances systémiques, appelant à des réformes urgentes. Lancé le 25 mars 2025, le plan exige la fin immédiate des pratiques abusives telles que l'enchaînement des patients et leur confinement forcé.
Au lieu de cela, le plan préconise un passage à des soins communautaires empreints de compassion, remplaçant l'ère des asiles isolants et dépassés.
De manière cruciale, il plaide également pour un investissement substantiel dans les effectifs de santé mentale afin de garantir un personnel et une formation adéquats, ainsi que des mesures de traitement abordables dans les communautés à faibles revenus.
Bien que la feuille de route soit claire, des défis subsistent.
De nombreux pays africains consacrent moins de 1 % de leur budget de santé à la santé mentale. Mais le Dr Michelle Funk, responsable des politiques de santé mentale à l'OMS, insiste sur le fait que des progrès sont possibles. « Il ne s'agit pas seulement d'argent—il s'agit de volonté politique et de réformes intelligentes. »
Un élément clé du nouveau plan est que les survivants de crises de santé mentale doivent jouer un rôle central dans la conception des services destinés à les soutenir.
« Ce qui m'a sauvé, ce n'était pas seulement les médicaments, mais enfin trouver des gens qui comprenaient », dit-elle. « Les travailleurs sociaux m'ont appris que je n'étais ni possédée ni maudite—j'étais malade, et la guérison était possible. Aujourd'hui, je dirige un groupe de soutien pour aider d'autres à retrouver leur chemin. »
Systèmes humains
De nombreux experts en santé mentale et autres professionnels concernés à travers l'Afrique ont accueilli favorablement les nouvelles directives de l'OMS.
« Pendant des générations, nous avons traité la maladie mentale comme de la sorcellerie ou une faiblesse. Je ne compte plus le nombre de patients que j'ai traités et qui ont été stigmatisés à cause de cela », explique le Dr Amina Abubakar, psychiatre basée à Lagos. « Ces directives de l'OMS nous offrent enfin un plan pour construire des systèmes humains et efficaces qui donnent de l'espoir aux patients, au lieu de les rejeter. »
Une nouvelle génération de leaders religieux travaille également à démanteler les idées fausses dangereuses sur la santé mentale. Ce changement intervient alors que l'OMS avertit que la crise de la santé mentale en Afrique est aggravée par des interventions spirituelles bien intentionnées mais mal orientées.
Certaines organisations religieuses en Afrique collaborent désormais avec des professionnels de la santé mentale pour aider les personnes concernées.
« Sauver des vies est le travail le plus sacré de tous. En tant que membres du clergé, nous devons reconnaître quand les gens ont besoin de plus que de prières », déclare le pasteur Joseph Mugisha, qui dirige une église en Ouganda, à TRT Afrika. « La guérison peut être à la fois médicale et spirituelle, mais quand quelqu'un dit qu'il veut mourir, c'est une urgence médicale qui doit être traitée comme telle. »
Pour des survivants comme Samuel, ces changements sont arrivés trop tard mais donnent de l'espoir à d'autres.
« Peut-être que maintenant, » dit-il doucement, « quand quelqu'un dira qu'il souffre, il recevra à la fois des prières et une aide appropriée. »