À l’heure où les députés étudieront le projet de loi, l’intersyndicale appelle à une manifestation reliant le ministère de la Culture à l’Assemblée nationale.
Pour les détracteurs de cette réforme, elle reviendrait à un retour à la bonne vieille ORTF tant décriée sous le général de Gaulle et qui regroupait tous les médias publics sous le giron et le contrôle de l’Etat.
Rachida Dati veut en effet rassembler dans une holding France Télévisions, Radio France et l’INA, ce qui concerne des médias comme Ici (France Bleu), France Info, France 2, le Mouv’, France Musique ou encore France Culture. Cette holding serait baptisée France Médias.
La ministre de la Culture Rachida Dati assure qu’il ne s’agit pas de contrôler les journalistes mais de rendre l’audiovisuel public plus fort face à la concurrence du privé avec une politique centrée sur le numérique et une direction de l’information commune.

Une holding pour faire des économies ?
La question qui taraude tout le monde, c’est pour faire quoi ? Les syndicats ne sont pas convaincus par cette belle idée de se rassembler pour mieux faire face à la concurrence. La fin de la redevance publique a fragilisé le secteur public qui a vu ses fonds diminuer, ainsi Radio France et France Télévisions doivent travailler en 2025 avec des ressources amputées de 80 millions d’euros.
Les salariés font donc le lien entre ce projet et le désir d’imposer encore plus d’économies. Le soupçon est alimenté aussi par le fait que la ministre n’a pas rendu public le coût de cette holding, et son coût social.
Il faut ajouter que les médias publics se sont vus imposer de nombreuses économies et restructurations ces dernières années, en mutualisant les journaux entre les rédactions de France 3 ou en ne remplaçant plus systématiquement les journalistes en vacances par un CDD.
Enfin, même si le mot n’est plus prononcé par la ministre aujourd’hui, la fusion des sociétés de l’audiovisuel public semble bien dans le viseur, toujours accompagnée de cette novlangue libérale, “créer des synergies, réduire les coûts et mutualiser les moyens”. Rachida Dati critique l’audiovisuel public qui ne serait suivi que par des “vieux” et qui ne serait pas en mesure de concurrencer des plateformes comme Amazon ou Netflix.
Mais les arguments de la ministre sont faibles, rétorquent les anti-réforme. France Inter arrive en tête des audiences en France et est classée par Médiamétrie comme la première radio non musicale chez les jeunes.
Aussi, le développement de la plate-forme Francetv qui booste les audiences des téléfilms ou feuilletons, permet de regarder en différé tous les programmes des chaînes de Francetv, propose des films et donne accès aux programmes d’Arte, le tout gratuitement. Il s’agit également, selon Médiamétrie, de la première plateforme de streaming gratuit dans l’Hexagone en mars 2025.
La ministre semble aussi passer sous silence les bons résultats des podcasts de la maison Radio France avec France Inter en tête devant RMC au niveau national pour son nombre de téléchargements (janvier 2025). Radio France s’impose comme un acteur clé avec trois de ses antennes dans le Top 10 des radios les plus écoutées en différé.
Bagarre gauche-droite en vue
Face à l’insistance de la ministre Dati, certains finissent par considérer que Rachida Dati est portée par son ambition politique seule et que tout cela n’a finalement rien à voir avec l’efficacité de l'audiovisuel public. Certains soupçonnent Rachida Dati de vouloir se présenter aux municipales de Paris en 2026 avec, épinglée à son veston, une réforme votée et actée.
La ministre n’a obtenu que deux demi-journées pour l’examen de son texte, sachant qu’il faudra d’abord discuter de la motion préalable de rejet déposée par les groupes de gauche. Si elle est acceptée, le texte ira directement au Sénat et reviendra au Palais Bourbon pour une seconde lecture.
Le Rassemblement national pourrait jouer un rôle clé pour cette réforme, le parti de Marine Le Pen a inscrit la privatisation de l’audiovisuel public en cas d’arrivée au pouvoir en 2027 mais il s’est abstenu en commission parlementaire.

Plus problématique pour la ministre, le soutien du bloc central gouvernemental n’est pas acquis car le texte ne séduit pas tout le monde notamment sur le coût de cette réforme. En commission, Dati avait promis un coût nul alors que le regroupement des chaînes publiques sous l’entreprise unique France Télévisions entre 2009 et 2012 a coûté au moins une centaine de millions d'euros, se plaît à rappeler le journal Médiapart.
Cette réforme est un peu maudite depuis le début. Elle a été voulue par le chef de l’Etat, Emmanuel Macron en 2017. Il a cru que la tenace Rachida Dati pourrait porter cette loi et la faire passer mais il y a eu la dissolution de l’Assemblée, puis la motion de censure contre le gouvernement Barnier. Et deux ans après, l'idée de cette France Médias ne convainc toujours pas et ses détracteurs aiment à souligner que deux ministres de la Culture Roselyne Bachelot et Rima Abdul Malak ont exprimé leurs doutes sur cette réforme.