La question du député Laurent Panifous, président du petit groupe Liot, au Premier ministre François Bayrou mardi, a révélé l’anachronisme de la législation française qui, 177 ans après l’abolition de l’esclavage, maintient toujours le Code noir.
La question a surpris l’opinion publique française autant que le Premier ministre.
"Grâce à votre question, je découvre cette réalité juridique que j'ignorais absolument, et j'imagine tous ceux qui sont autour de nous, que le Code noir n'a pas été aboli en 1848 comme nous le croyons, après avoir été aboli pendant la Révolution française, puis rétabli par Napoléon", a répondu M. Bayrou.
Le chef du gouvernement a promis un texte au Parlement pour abolir formellement le Code noir qui réglementait l'esclavage dans les colonies. Il s'exprimait le 10 mai, à l’occasion de la “journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leur abolition”.
"Je prends l'engagement, au nom du gouvernement, qu'un texte actant l'abolition du Code noir sera présenté au Parlement et, je l'espère, voté à l'unanimité", a-t-il affirmé à l'Assemblée nationale.
"Si le Code noir n'a pas été aboli en 1848, il faut qu'il le soit. Il faut que nous ayons la volonté, la capacité, le choix de réhabilitation historique de réconcilier la République avec elle-même", a-t-il ajouté.
Il répondait au député Laurent Panifous, qui lui demandait l'abolition de cette ordonnance -édictée en 1685 par le roi Louis XIV- qui "régit la mise en esclavage d'êtres humains et le réduit au statut juridique de biens meubles".
"Si l'on peut croire que le décret de l'abolition de l'esclavage de 1848 a abrogé le Code noir, il n'en est rien. Aucun texte ne l'a formellement aboli", a souligné le député.
Qu’est-ce que le Code noir ?
Jean Baptiste Colbert, secrétaire d’État à la marine et aux colonies Louis XIV est l’auteur du Code noir en 1685. Cet instrument juridique régulait les rapports entre les maîtres, les esclaves et l'administration judiciaire dans les colonies françaises des Caraïbes et de l'océan Indien.
Les articles 14 et 44 les consacrent comme de simples objets. “Déclarons les esclaves des meubles, et ne peuvent posséder aucun bien” stipule l’article 14. Plus loin, l’article 44 dispose: “ Déclarons les esclaves être meubles et comme tels entrer dans la communauté”.
Le code était aussi destiné à maintenir les esclaves en captivité, en prévenant toute velléité de rébellion. “Défendons aux esclaves de porter aucune arme offensive”, précise l’article XV. Il était même interdit aux esclaves tout attroupement sous quelque prétexte que ce soit. Les contrevenants étaient exposés à des châtiments corporels comme “la découpe des oreilles, de jarret, les coups de corde et même la peine de mort”.
Le Premier ministre avait appelé, samedi, à ne pas se taire face à "l'histoire terrible et monstrueuse de l'esclavage", à l'occasion de la journée nationale -le 10 mai- des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions.
Il avait décrit "une histoire terrible et monstrueuse par ses dimensions comme par son objet: environ 4 millions de femmes, d'hommes et d'enfants ont connu l'esclavage de 1625 à 1848 dans les colonies françaises".
Le 10 mai est considéré en France comme la "Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leur abolition" depuis 2006.
La France est le premier État et demeure le seul qui, à ce jour, a déclaré la traite négrière et l'esclavage "crime contre l'humanité" . Elle est également le seul État à avoir décrété une journée nationale de commémoration, souligne le ministère français de l’Éducation nationale.
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