La présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet a reconnu, jeudi, avoir "eu tort" de "choisir" le terme de "soutien inconditionnel" de la France à Israël très rapidement après les attaques du 7 octobre.
Le 10 octobre 2023, Braun-Pivet avait assuré à Israël, "pays ami", depuis le perchoir où elle avait convoqué une minute de silence pour les victimes israéliennes, "au nom de la représentation nationale, notre totale solidarité et notre soutien inconditionnel", provoquant un tollé à gauche.
"Je vois bien que j'ai eu tort de choisir ce mot, parce qu'il ne reflétait pas ma pensée et il a été compris de telle sorte que ça ne correspond pas à ce que je voulais dire", a déclaré Yaël Braun-Pivet sur France Inter.
La présidente de l'Assemblée était la seule à avoir utilisé cette expression à ce niveau de l'État.
Favorable également à l’approche prônée par Macron, la présidente de l'Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, membre du camp présidentiel, a souhaité "avancer sur cette solution à deux États", mais avec "des garanties de sécurité pour les deux États".
“Les actes ne peuvent plus attendre”
Ce terme d'«inconditionnel» avait été vivement critiqué par La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon qui avait refusé de participer à la marche contre l'antisémitisme organisée par Yaël Braun-Pivet et le président du Sénat Gérard Larcher, jugeant que "les amis du soutien inconditionnel au massacre" avaient leur "rendez-vous".
“Yaël Braun-Pivet retire le –soutien inconditionnel– et Macron s’apprête à reconnaître l’État de Palestine. Il appelle à la fin du siège de Gaza. Un an et six mois après LFI, ces gens comprennent enfin que la solution politique est la seule possible”, a réagi le chef de file des Insoumis, Jean-Luc Mélenchon, dans un message sur X.
“A la fin, la position de LFI s’impose comme la seule issue concrète politique et humaine”, a-t-il ajouté.
"Seul un groupe avait refusé d'applaudir cette expression : le groupe de La France insoumise", a de son côté estimé le coordinateur de LFI, Manuel Bompard.
"Maintenant que les mots bougent, les actes ne peuvent plus attendre", a-t-il noté au lendemain de l'annonce par Emmanuel Macron d'une possible reconnaissance par la France d'un Etat palestinien au mois de juin.
Le chef de l'Etat pourrait franchir le pas à l'occasion d'une conférence des Nations unies destinée à favoriser la création d'un Etat palestinien, coprésidée par la France et l'Arabie saoudite, à New York.
L’impasse du “en même temps”
Il semble ainsi que ce rétropédalage de la présidente de l'Assemblée nationale, n’est pas un hasard dans une conjoncture où Emmanuel Macron tente, semble-t-il à première vue, de faire bouger les lignes à Gaza en agitant une possible reconnaissance d'un Etat palestinien.
Invité mercredi de l’émission C à vous sur France 5, Emmanuel Macron a en effet surpris : “On doit aller vers une reconnaissance [de l’État palestinien] et donc dans les prochains mois on ira [...] je le ferai parce que je pense qu’à un moment donné, ce sera juste” a lancé le président français, à son retour d’Egypte.
Ces mots semblent trancher avec des années de prudence diplomatique et de flou stratégique sur la question.
Pourtant, à peine quelques phrases plus tard, le chef de l’État nuance : “Je veux aussi participer à une dynamique collective, qui doit permettre à tous ceux qui défendent la Palestine de reconnaître à leur tour Israël, ce que plusieurs d’entre eux ne font pas”.
Macron semble ainsi lier la reconnaissance de la Palestine à une réciprocité : celle de la reconnaissance d’Israël par les pays arabes en retour.
Une reconnaissance conditionnelle donc, mais conditionnée à une “dynamique collective” aujourd’hui inexistante dans la région, et sans doute impossible à court terme.
D’un côté, depuis que le Parlement israélien a voté, à une écrasante majorité, contre toute perspective de solution à deux États, la position israélienne s’est encore durcie. Tant que Netanyahu reste au pouvoir, un changement de cap semble impossible du côté israélien.
De l’autre côté, aucun pays du monde arabe –ni l’Algérie, ni l’Irak, ni la Tunisie, ni le Koweït– ne s’engagera dans une normalisation sans contreparties tangibles en faveur des Palestiniens. Même l’Arabie saoudite, qu’on présentait comme étant tentée par une ouverture, a gelé ses démarches.
Emmanuel Macron le sait pertinemment mais pourquoi invoque-t-il une dynamique aussi improbable ?
Depuis le début de son mandat, le président français cultive une forme de diplomatie du “en même temps”. Entre soutien affiché à Israël, livraison d’armes, et absence d’appel au cessez-le-feu, la France a longtemps été critiquée pour sa politique de “zigzag” ou de “grand écart diplomatique” sur le dossier palestinien.
Une stratégie qui permet au président français de jouer les équilibristes, de retarder les décisions clivantes, mais d’ouvrir le dialogue avec toutes les parties tout en se maintenant sur le devant de la scène internationale, pour “vaincre sans péril et triompher sans gloire”.
Mais sur des sujets aussi profondément polarisés que le conflit israélo-palestinien, cette posture à double sens risque de se retourner contre lui.
Les pro-palestiniens regrettent déjà que cette possible reconnaissance soit non seulement si tardive mais surtout encadrée de tant de conditions qu’elle en perd déjà sa portée symbolique.
Or, après l’effet de surprise et l’espoir qu’a suscité cette déclaration dans l’opinion internationale, si le président français venait encore à tergiverser et renonçait finalement à une reconnaissance en juin, le coût pourrait être élevé en termes de crédibilité d’abord, mais aussi pour l’image de la France, déjà sérieusement entamée sur le dossier palestinien, qui risquerait de subir un nouveau revers.
En évoquant une équation qui repose sur une réciprocité impossible, Emmanuel Macron ne clarifie pas sa vision, il l’embrouille. Mais la diplomatie du “en même temps” fonctionne mal quand elle se heurte à une réalité aussi tranchée.
Au demeurant, la position française ne semble ni capable d’influencer la politique israélienne, ni de rassurer les opinions publiques arabes.
Il y a des moments où l’Histoire exige de choisir un cap. Ce moment est sans doute venu pour la France. Encore faudrait-il l’assumer pleinement.
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