Une frappe israélienne a tué, mercredi, le directeur de l'hôpital indonésien, un établissement de santé privé du nord de la bande de Gaza, rapportent des responsables palestiniens et des témoins.
Marouane al-Sultan a été retrouvé mort dans son appartement de Gaza-ville après une frappe israélienne, aux côtés de sa femme, de ses filles et d'un de ses gendres, a dit à l'AFP un membre de la famille, Ahmed al-Sultan.

Sa dépouille a été conduite à l'hôpital al-Chifa, a precisé le directeur de cet établissement, Mohammed Abou Salmiya. "Son visage était méconnaissable, nous avons à peine pu l'identifier", a-t-il ajouté.
"Le meurtre du Dr Marouane al-Sultan et de sa famille est une violation flagrante des principes humanitaires et un acte d'une grave d'injustice qui doit être sanctionné", a dénoncé dans un communiqué l'ONG indonésienne Medical Emergency Rescue Committee, qui a ouvert en 2016 l'hôpital indonésien.
Un “crime horrible”, selon le Hamas
Le mouvement de résistance palestinien Hamas a condamné un "crime horrible" dans un communiqué publié peu après l'annonce par la Défense civile de Gaza d'un premier bilan faisant état de sept morts, dont le médecin, dans une frappe israélienne en début d'après-midi.
"La revendication selon laquelle des civils non impliqués ont été blessés à la suite de la frappe est en cours d'examen", a commenté l'armée, interrogée sur ces faits rapportés par la Défense civile.
Elle a affirmé avoir "frappé un terroriste clé" du Hamas "dans la zone de Gaza-ville" mercredi, sans plus de précision.
L'hôpital indonésien avait été, mi-mai, la cible d'une opération militaire israélienne. Le ministère de la Santé du gouvernement du Hamas à Gaza avait alors dénoncé la destruction délibérée des générateurs électriques de l'établissement.
Incertitude sur le sort du Dr Abu Safiya
Le sort d’un autre médecin palestinien suscite des interrogations. Enlevé en décembre 2024 par l'armée israélienne, l’on reste toujours sans nouvelles du Dr Abu Safiya, directeur de l’hôpital Kamal Adwan, dans le nord de Gaza. Son emprisonnement par les forces israéliennes depuis plus de 180 jours, suscite des craintes croissantes quant à sa survie. Sa famille s’inquiète également de sa santé physique et mentale.
Dans une interview accordée jeudi à NBC News, le cofondateur de MedGlobal, le Dr John Kahler, a déclaré avoir “très peur” qu'Abu Safiya ne “s'en sorte pas vivant” de détention. Il a ajouté que le médecin était “un ami, un héros, un mentor” qui, entre autres, avait contribué à la création de centres de stabilisation nutritionnelle dans la bande de Gaza.

Lors de ses visites à Gaza, Kahler a déclaré qu'il n'avait jamais eu aucune indication qu'Abu Safiya était lié au Hamas ou aucune suggestion que l’organisation opérait à l'intérieur de l'hôpital Kamal Adwan.
Détention arbitraire
Lundi, l'organisation, ainsi que 24 autres ONG, ont appelé à la fin de la détention arbitraire par Israël de travailleurs de la santé à Gaza et en Cisjordanie occupée, au moins 185 travailleurs de la santé palestiniens étant actuellement détenus dans les prisons israéliennes.
Parmi eux se trouvent des médecins, des infirmiers et d'autres professionnels de santé travaillant pour des organisations humanitaires, notamment des employés de MedGlobal et de Children Not Numbers, ont indiqué les organisations, ajoutant que “les conditions de vie de nombreuses personnes encore détenues demeurent inconnues. Nombre de ceux qui ont été libérés ont signalé de graves abus, et certains sont morts en détention.”
“Les autorités israéliennes ont violé à plusieurs reprises et de manière flagrante le droit international humanitaire en arrêtant et en attaquant à plusieurs reprises des professionnels de la santé”, indique la lettre des ONG.
Leur appel à la “libération immédiate et inconditionnelle” des professionnels de santé détenus intervient alors que l’inquiétude grandit pour la santé d’Abou Safiya, détenu depuis plus de six mois sans inculpation, selon ses collègues, sa famille et son équipe juridique.
Inquiétude
Le fils d'Abou Safiya, Elias Abou Safiya, a déclaré à NBC News qu'il était préoccupé par la santé physique et mentale de son père, qui, selon lui, était dans un état “difficile” selon les avocats, bien qu'il ait ajouté qu'ils n'avaient pas pu lui rendre visite depuis un certain temps.
L'armée israélienne a affirmé en janvier qu'Abou Safiya avait été impliqué “dans des activités terroristes ” et occupait “un rang“ au sein du Hamas qui, selon elle, avait fait de l'hôpital Kamal Adwan un bastion pendant la guerre.
En mars, un tribunal israélien a prolongé de six mois la détention d'Abou Safiya. Le jugement l'a qualifié de “combattant illégal”, terme fréquemment utilisé par Israël pour désigner les personnes enlevées à Gaza. Israël utilise cette loi depuis 2002 pour emprisonner des Palestiniens sans inculpation ni procès équitable. Depuis 2005, il cible spécifiquement les habitants de Gaza, les privant de leurs droits.
Mais selon le Centre Al Mezan pour les droits de l'Homme, aucune charge officielle n'avait été retenue contre le directeur de l'hôpital jeudi. Un porte-parole du Centre Al Mezan a déclaré jeudi qu'Abou Safiya était toujours détenu à la prison d'Ofer, en Cisjordanie occupée, où il était confronté à des conditions de détention désastreuses, une nourriture inadéquate et des cellules surpeuplées.
Qualifiant les accusations de “ridicules”, Kahler a déclaré que son collègue était un “médecin héroïque” dont “la boussole morale pointe directement vers le nord”.
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