Le dossier intitulé “LFI, le parti de l’étranger”, visant directement les députés et collaborateurs de la France Insoumise, s’apparente, sous prétexte d’investigation, à une opération de fichage politique.
Les syndiqués CGT des collaborateurs parlementaires (CGT CP) du groupe LFI à l’Assemblée nationale ont dénoncé avec vigueur cette enquête à charge et mettent en garde que cette action est susceptible de mettre en danger la carrière, la réputation et l’employabilité de salariés.

Le 15 mars marque la journée internationale de la lutte contre l’islamophobie. Une mobilisation qui divise en France compte tenu d’un passé et présent marqués par une défiance d’une partie des élites envers l’Islam.
Dangereux fichage de la gauche française
Dans ce dossier, on retrouve les poncifs habituels de l’extrême droite, entre obsession du "séparatisme", et accusation d”antisémitisme” et de “racisme”, reposant sur une inversion accusatoire usée jusqu’à la corde ces dernières années dans les cercles identitaires.
Mais le média d'extrême droite franchit une nouvelle étape en dressant une cartographie numérique des collaborateurs parlementaires insoumis, détaillant leur identité, leur photo, leur parcours professionnel et leur lieu de travail.
Selon les informations communiquées, plus de 500 noms et entités sont ainsi répertoriés, constituant une véritable base de données politiques, soit une sorte de Canary Mission à la française, une plateforme américaine controversée qui fiche les étudiants pro-palestiniens et militants de gauche sur les campus et financée pour partie par des fonds israéliens.

"Je vais le dire simplement, gentiment et sans haine, mais je vais le dire car c’est ce que tout le monde pense ce soir en voyant les images de l’Aïd : il y a beaucoup trop de musulmans en France", a écrit la présidente de Némésis, Alice Cordier.
À l’instar de cette dernière, Frontières semble vouloir dissuader, isoler et fragiliser les personnes engagées auprès des députés insoumis en les exposant publiquement.
Dans leur tribune, les syndiqués à la CGT des collaborateurs parlementaires dénoncent une entreprise qui “n’a de journalistique que le nom”, accusant Frontières d’alimenter une rhétorique d’extrême droite héritée de Charles Maurras, fondée sur le fantasme de “l’ennemi intérieur”.
“Les propos calomnieux et diffamants servent un objectif politique clair : reprendre le mythe pétainiste de l’ennemi de l’intérieur”, écrivent-ils.
Ils dénoncent un climat délétère où des informations sensibles, comme les lieux de travail à l’Assemblée ou en circonscription, peuvent être exploitées par des groupuscules néonazis pour cibler les personnes exposées.
Ce danger est renforcé par la culture du cyberharcèlement que maîtrise l’extrême droite sur les réseaux sociaux.
“Nous sommes des salariés, pas des cibles”
Les syndicats rappellent que les collaborateurs parlementaires sont avant tout des travailleurs et des travailleuses, des salariés contractuels, qui n’ont pas les moyens ni le statut juridique de personnalités publiques.
Ils ne peuvent ainsi pas répondre médiatiquement aux attaques ni engager facilement des procédures judiciaires, et alertent sur les conséquences professionnelles et personnelles de cette publication : menaces sur la carrière, atteintes à la réputation, isolement, risques pour la santé mentale.

Charismatiques et inventifs, les influenceurs d’extrême droite exercent une fascination croissante sur la jeunesse française.
Ils évoquent également des risques concrets pour la sécurité de celles et ceux qui exercent en circonscription, parfois seuls dans des permanences.
Face à ce qu’ils considèrent comme une attaque frontale contre leurs droits fondamentaux, les signataires de la tribune formulent plusieurs demandes urgentes, comme la garantie de leur liberté d’expression, la mise en place de mesures de sécurité par l’Assemblée nationale, tant à Paris qu’en circonscriptions, le retrait de l’accréditation de Frontières à l’Assemblée nationale et une protection fonctionnelle dans le cadre de leur mission professionnelle.
Cette publication n’en est pas à son coup d’essai. En février dernier, Frontières a publié une liste d’avocats spécialisés dans la défense des sans papiers, en précisant leurs noms, leurs lieux de résidence et mêmes leurs photos. Trois avocats avaient porté plainte.