Une histoire bien connue se déroule en Afrique de l’Ouest depuis des décennies : des entreprises internationales extraient de l’or valant des milliards de dollars, tandis que les communautés locales en tirent peu de bénéfices.
Le Burkina Faso, sous la direction du capitaine Ibrahim Traoré, tente de renverser cette tendance avec une approche centré sur les intérêts nationaux.
Le pays possède certaines des plus grandes réserves d’or d’Afrique, mais la majorité des profits ont jusqu’à présent enrichi des actionnaires étrangers plutôt que de contribuer de manière significative aux économies locales et à la création d’emplois, selon les experts.
Depuis son arrivée au pouvoir lors d’un coup d’État en 2022, le gouvernement de Traoré a réécrit les lois minières, nationalisé certaines opérations et renégocié des contrats pour tirer davantage de revenus des entreprises minières.
Le dirigeant de 37 ans, actuellement le plus jeune chef d’État au monde, qualifie cela de "révolution".
"Tout gouvernement responsable doit contrôler ses ressources. Ce que (le président américain) Trump fait avec les tarifs commerciaux n’est pas différent de ce que Traoré fait pour son peuple. Les intérêts de l’État priment sur tout accord précédent, et cela ne fait pas exception pour le Burkina Faso", explique le professeur Kwesi Ning, analyste en sécurité dans la région de l’Afrique de l’Ouest, à TRT Afrika.
Les réactions venant de l’Occident ont été logiquement amères, surtout avec les prix de l’or atteignant des sommets cette année.
Le mois dernier, le chef du Commandement des États-Unis pour l’Afrique, le général Michael Langley, a accusé Traoré d’utiliser les réserves d’or du pays pour enrichir les dirigeants militaires au détriment des citoyens ordinaires. Il n’a fourni aucune preuve pour étayer cette affirmation.
Des réserves massives
L’Afrique de l’Ouest produit une quantité importante d’or. Le Ghana, le Mali et le Burkina Faso représentent ensemble près de 10 % de la production mondiale. Bien qu’il n’existe pas d’estimation précise des réserves d’or du Burkina Faso, le consensus parmi les experts du secteur est qu’il reste encore beaucoup à exploiter.
La production d’or du pays a diminué ces derniers temps, en lien avec l’escalade de la violence orchestrée par des groupes terroristes opérant à travers le Sahel. La production est passée de 64 tonnes en 2021 à 57 tonnes en 2023, selon un rapport du FMI publié l’année dernière.
Cependant, l’or représente 80 % des recettes d’exportation du Burkina Faso. Cette dépendance crée à la fois une vulnérabilité et une opportunité.
Les règles du jeu
Traoré vise à augmenter la participation de l’État dans l’exploitation minière et à créer davantage d’emplois pour le peuple burkinabè. Cela l’a mis en conflit avec les entreprises minières étrangères qui insistent sur le principe de la continuité de l’État, qui exige qu’un pays honore ses engagements commerciaux même en cas de changement de gouvernement ou de toute autre circonstance politique.
En juillet 2024, le Burkina Faso a adopté un nouveau code minier visant à augmenter les redevances du gouvernement sur les entreprises minières, à renforcer la supervision de l’État et à promouvoir une plus grande propriété locale, selon l’organisme des Nations Unies pour le commerce et le développement, la CNUCED.
Le gouvernement a également créé une société minière d’État appelée SOPAMIB, qui a pris le contrôle de deux mines d’or appartenant auparavant à une entreprise basée à Londres l’année dernière.
Le Premier ministre Jean Emmanuel Ouédraogo a déclaré en avril que le Burkina Faso prévoit de continuer à pousser pour un contrôle accru des ressources du pays.
Un test pour l’avenir
La stratégie a-t-elle déjà porté ses fruits ? Peut-être est-il encore trop tôt pour le dire, bien qu’il y ait quelques signes encourageants.
Cette semaine, la société australienne cotée en bourse West African Resources Ltd, qui possède et exploite trois projets miniers au Burkina Faso, a accepté d’augmenter la participation de l’État dans les projets de 10 % à 15 %.
"Renverser 60 ans de vol structurel de leurs ressources prendra plus de trois ans", dixit le professeur Ning.
"Il y a quelques signes d’amélioration que les Burkinabè ordinaires peuvent constater malgré l’insécurité et un environnement international hostile. La santé des enfants s’améliore, les prêts de la Banque africaine de développement sont utilisés de manière beaucoup plus efficace, et l’agriculture progresse."
Que le Burkina Faso réussisse ou non à faire fonctionner cette approche – et si, et quand, d’autres pays africains suivront cet exemple – déterminera comment le continent gérera ses richesses naturelles à l’avenir.
Les enjeux sont élevés, et le monde observe.