FRANCE
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Affaire Pélussin: Bayrou rattrapé par un nouveau scandale d’abus sexuel dans un établissement privé
Déjà gravement discrédité par l’affaire Bétharram, dont il connaissait les faits sans jamais intervenir, Bayrou se retrouve à nouveau éclaboussé par un autre scandale de pédocriminalité, survenu vingt ans plus tôt au collège Saint-Jean de Pélussin
Affaire Pélussin: Bayrou rattrapé par un nouveau scandale d’abus sexuel dans un établissement privé
À l’époque ministre de l’Éducation nationale, François Bayrou n’avait pas réagi aux signalements concernant les violences sur mineurs. / Reuters
2 juillet 2025

La commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire, créée à la suite du scandale de l’école Notre-Dame-de-Bétharram où des abus ont été perpétrés pendant des décennies, dévoile ses conclusions ce mercredi, après quatre mois d’auditions. 

Le rapport dénonce un phénomène systémique touchant des centaines d’établissements en France, notamment dans les écoles privées sous contrat, insuffisamment contrôlées par l’État.

Les députés recommandent la mise en place d’un fonds d’indemnisation pour les victimes, une surveillance plus fréquente des internats et l’interdiction explicite des châtiments corporels dans le code de l’Éducation.

Le rapport pointe également la responsabilité de François Bayrou, alors ministre de l’Éducation et président du département des Pyrénées-Atlantiques, qui aurait été informé des plaintes mais n’aurait pas agi. 

Devant la commission, Bayrou a nié toute connaissance des faits, ce qui a poussé le député Paul Vannier à l’accuser de mensonge, alors que plusieurs enquêtes prouvent que le Premier ministre actuel était bel et bien au courant des scandales de violences dans l’école Notre-Dame-de-Bétharram.

Les députés insistent enfin sur l’omerta institutionnelle et sur une défaillance collective de l’État depuis les années 1950.

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Saint-Jean de Pélussin

Un autre dossier oublié refait surface dans le rapport de la commission d'enquête parlementaire sur les violences faites dans les écoles. 

À l’époque ministre de l’Éducation nationale, François Bayrou n’avait pas réagi aux signalements d’enseignantes confrontées à des violences systémiques sur mineurs. Trente ans plus tard, les documents et témoignages continuent de s’accumuler.

Selon les informations recueillies par Mediapart, la commission d’enquête parlementaire consacre, dans son rapport final publié ce mercredi, plusieurs pages à un autre scandale survenu entre 1995 et 1997 au collège Saint-Jean de Pélussin, un établissement privé sous contrat de la Loire géré par les frères maristes.

Ce qui n’était qu’un dossier enfoui refait surface avec fracas. En cause : encore une fois, le silence et l’inaction de François Bayrou, alors ministre de l’Éducation nationale (1993-1997), aujourd’hui Premier ministre.

La commission a reçu in extremis des documents accablants et des témoignages directs d’enseignantes de l’époque. Ils révèlent une série de signalements ignorés par le ministère, malgré des faits de pédocriminalité, de violences physiques et d’humiliations signalés avec insistance.

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Un directeur pédocriminel

Tout commence en février 1995, lorsqu’une enseignante d’histoire-géographie du collège, Marie-Dominique Chavas, est alertée par une surveillante via la cuisinière : un élève dit avoir subi des gestes inappropriés de la part du directeur de l’internat, le frère Jean Vernet. 

Avec sa collègue Élisa Beyssac-Vinay, professeure d’arts plastiques, elle lance immédiatement l’alerte. Après une séquence pédagogique sur la maltraitance destinée à libérer la parole des élèves, un flot de témoignages afflue. 

Des dizaines d’enfants évoquent des attouchements, des examens médicaux suspects, des gestes déplacés. Vernet, sans diplôme de santé, était pourtant seul responsable de l’infirmerie de l’internat. Alertée, la gendarmerie ouvre une enquête.

Le directeur est placé en détention provisoire, puis condamné à 30 mois de prison, dont 12 avec sursis, pour des agressions sexuelles sur mineurs de moins de 15 ans, garçons et filles confondus. 

Il n’exprimera jamais de remords. Une fois libre, les maristes le réintègrent comme agent d’entretien, avant qu’il ne disparaisse dans une maison de retraite de la congrégation.

Les signalements ne visent pas seulement Jean Vernet. Les enfants dénoncent également deux enseignants (un professeur de mathématiques, aujourd’hui décédé, et un professeur de sport resté jusqu’à sa retraite en 2018) et trois surveillants. 

Les accusations concernent des gifles, coups, humiliations racistes, et même la perforation d’un tympan.

Malgré ces éléments, aucun de ces adultes n’est suspendu, ni inquiété par une enquête administrative. L’un des surveillants mis en cause est même chargé de la cellule d’écoute censée accompagner les élèves. Or, ce même surveillant avait tu les confidences d’élèves victimes de Vernet un an avant que le scandale n’éclate.

Les témoignages recueillis par Mediapart confirment l’ampleur des maltraitances :

“On accusait tout le monde, c’était devenu une chasse aux sorcières”, relativise aujourd’hui un des surveillants, qui admet pourtant avoir donné des gifles. L’un des enseignants reconnaît que “c’était une autre époque”, tout en évoquant une “responsabilité collective”.

Le silence complice de Bayrou

Face à l’immobilisme institutionnel, Élisa Beyssac-Vinay et Marie-Dominique Chavas multiplient les courriers : au rectorat, au procureur, puis directement au ministre de l’Éducation, François Bayrou. 

Le 23 juin 1996, elles lui écrivent, l’alertant sur de nouvelles violences physiques impliquant plusieurs adultes : “Des enfants sont en danger, nous sommes menacées, nous ne pouvons rester dans cet état”. 

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Mais tout comme dans l’affaire Bétharram, le courrier reste sans réponse de la part de François Bayrou.

En janvier 1997, elles s’adressent au président Jacques Chirac, déplorant “l’inertie” de l’Éducation nationale. Cette fois, l’Élysée réagit : le dossier est transféré à François Bayrou, avec la mention d’”accusations graves”. 

Mais aucune inspection officielle n’a été déclenchée par le ministère. Seule une mission régionale est envoyée en février 1997 par le rectorat, sous la pression d’un reportage télévisé d’Envoyé spécial.

À Pélussin, cette inspection déclenche une manifestation de soutien aux adultes accusés, réunissant 600 personnes. L'enquête judiciaire sera finalement classée sans suite à l’été 1997.

Au terme de son passage rue de Grenelle, François Bayrou laisse un bilan scandaleux sur les violences en milieu scolaire. En mai 1996, il signe une première circulaire sur la violence à l’école, centrée sur la délinquance juvénile. 

Juste avant son départ en juin 1997, une seconde circulaire évoque la prévention des mauvais traitements, mais sans jamais parler de viol, d’agression sexuelle, ni d’inceste.

Pour justifier son attentisme, François Bayrou invoque à l’époque la présomption d’innocence et la nécessité de “prudence” dans ses déclarations publiques. “Des mots peuvent tuer”, déclarait-il en 1997. 

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En 2025, interrogé à nouveau sur les internats religieux, il affirme encore avoir “découvert un continent noir” lors du scandale Bétharram. Une affirmation contredite par les nombreux documents prouvant qu’il avait déjà été alerté dès 1995 à Pélussin.

Avec l’arrivée de Ségolène Royal au ministère de l’Éducation en 1997, les deux enseignantes relancent leurs alertes. Cette fois, elles sont entendues.

Royal signe une nouvelle circulaire qui emploie enfin le terme de “pédophilie”, et affirme que “la parole de l’enfant qui a trop longtemps été étouffée doit être entendue”. 

Une commission parlementaire sur les droits des enfants est lancée, mais ne convoque jamais François Bayrou.

Dans son rapport, la commission parlementaire rend hommage à l’”extrême lucidité” des deux lanceuses d’alerte de Pélussin. Elles, de leur côté, attendent toujours un mea culpa de l’actuel Premier ministre, mais sans réponse.

Ce silence complice interroge, d’autant plus que François Bayrou, maire de Pau, est originaire de la région où le scandale a éclaté et entretient des liens avec les acteurs locaux de l’enseignement catholique et certaines structures éducatives privées sous contrat.

Mais au lieu de révéler ces scandales d’abus sexuels au grand jour et d’engager une procédure judiciaire, il a utilisé son autorité au sein du ministère de l’Éducation nationale, ainsi que sa proximité avec les acteurs locaux, pour étouffer l’affaire.

SOURCE:TRT français et agences
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