TURQUIE
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Transformation numérique et verte dans l’énergie: efficacité accrue mais nouvelles vulnérabilités
Dans la course aux réseaux intelligents et décarbonés, peut-on gagner en efficacité sans sacrifier sécurité et stabilité ?
Transformation numérique et verte dans l’énergie: efficacité accrue mais nouvelles vulnérabilités
Dans la course aux réseaux intelligents et décarbonés, peut-on gagner en efficacité sans sacrifier sécurité et stabilité ? / AA
6 septembre 2025

La transition vers des réseaux électriques intelligents, alimentés par les énergies renouvelables, transforme en profondeur le secteur mondial de l’énergie. Mais elle comporte aussi des risques accrus, tels que les coupures massives, les cyberattaques et une dépendance grandissante aux nouvelles technologies, alerte un rapport récent de l’Académie nationale du renseignement de Turquie.

Publié vendredi et intitulé “Sécurité énergétique et transformation numérique-verte : la transition vers des réseaux intelligents et sans carbone”, le document souligne que, si les technologies intelligentes et les réseaux décarbonés offrent un potentiel majeur pour réduire la dépendance aux énergies fossiles et décarboner les économies, ils poussent également les systèmes électriques traditionnels dans leurs retranchements.

“La fiabilité des réseaux électriques n’est plus garantie. À mesure que la part des renouvelables augmente et que la numérisation progresse, assurer la stabilité devient l’un des grands défis de notre époque”, affirme le rapport.

Une alerte retentissante

Les vulnérabilités de cette transformation sont apparues de façon spectaculaire le 28 avril 2025, lorsqu’une gigantesque panne d’électricité partie d’Espagne s’est propagée au Portugal et à la France, plongeant des millions de personnes dans le noir pendant près de dix heures.

L’effet domino a paralysé métros, aéroports et gares. Les systèmes de paiement se sont effondrés, les hôpitaux ont dû limiter leurs services aux seules urgences et plusieurs régions ont décrété l’état d’urgence.

Les analystes ont mis en avant un facteur clé : la part des énergies renouvelables dans le réseau espagnol avait atteint 78 %, bien au-dessus du seuil recommandé de 70 %. L’insuffisance des capacités de réserve a amplifié la fragilité du système et déclenché la panne généralisée.

“Ce blackout est un avertissement. Sans stratégies de protection mises à jour et infrastructures résilientes, le risque d’effondrement systémique continuera de croître” souligne le rapport.

Entre promesses et menaces

Les réseaux intelligents — intégrant intelligence artificielle, Internet des objets (IoT) et analyses de données en temps réel — sont au cœur de la révolution numérique et verte. En équilibrant l’offre et la demande, en anticipant les besoins de consommation et en améliorant l’efficacité énergétique, ils promettent un système électrique plus durable et adaptable.

Mais “intelligent” ne rime pas forcément avec “sécurisé”, avertit le rapport.
Une intégration numérique plus poussée expose davantage aux cyberattaques, à l’injection de fausses données et aux malwares capables de paralyser des régions entières.

Pour contrer ces risques, le rapport recommande l’usage de la détection d’anomalies pilotée par l’intelligence artificielle, des communications chiffrées et de l’authentification multifactorielle pour les opérations critiques du réseau.

Avec le réchauffement climatique, les événements météorologiques extrêmes — ouragans, inondations, sécheresses prolongées — accentuent les menaces énergétiques. Les sources renouvelables comme le solaire et l’éolien, essentielles à la décarbonation, demeurent intermittentes et dépendantes de la météo. Pour stabiliser l’approvisionnement lors de pics soudains de demande, plusieurs pays réactivent désormais des centrales nucléaires comme capacité de réserve d’urgence — un choix controversé mais jugé pragmatique.

Nouvelles technologies, nouvelles dépendances

La transition numérique et verte engendre aussi une vague de dépendances technologiques. Le rapport met en lumière la dépendance accrue aux systèmes de contrôle pilotés par l’IA, aux dispositifs avancés de stockage d’énergie et aux électroniques de puissance dites grid-forming — dont une part importante est produite à l’étranger.

“L’indépendance énergétique dépasse désormais la seule question des combustibles. Sans développer de technologies domestiques, les nations risquent de remplacer une dépendance par une autre” souligne l’analyse.

Les régions où la part des renouvelables est élevée doivent faire face à des défis croissants pour équilibrer une offre fluctuante avec la demande. L’étude insiste sur l’importance des solutions de stockage à grande échelle, en soulignant la supériorité des centrales hydroélectriques de pompage-turbinage par rapport aux batteries chimiques. Ces installations se révèlent particulièrement efficaces pour atténuer la fameuse courbe du canard, lorsque la demande grimpe brutalement après le coucher du soleil, alors que la production solaire s’effondre.

Une stratégie de défense multiple

L’analyse appelle à une stratégie de défense globale pour protéger les systèmes énergétiques à l’ère du numérique et du vert. Elle met en avant la nécessité de moderniser les infrastructures vieillissantes, en rénovant centrales, postes électriques et systèmes d’automatisation. Le renforcement des compétences des opérateurs de réseau est également jugé essentiel, notamment via des formations en cybersécurité, en gestion de crise en temps réel et en optimisation des systèmes.

Le rapport souligne aussi l’importance d’élargir la coopération internationale, grâce au partage de renseignements sur les cybermenaces et à l’élaboration de mécanismes de réponse coordonnés. Toutefois, il prévient que ces mesures doivent impérativement s’accompagner d’innovations nationales.

“La coopération régionale est essentielle”, insiste-t-il, “mais l’indépendance stratégique exige des technologies locales”

Une transition fragile

La transformation numérique et verte représente l’un des bouleversements d’infrastructure les plus ambitieux de l’histoire moderne. Mais à mesure que les réseaux deviennent plus intelligents et interconnectés, ils se fragilisent également.

“L’avenir de la sécurité énergétique dépendra de la recherche d’un équilibre. Des réseaux intelligents, durables et résilients ne sont pas une option : ils sont une nécessité” affirme le rapport. 

Des pannes massives aux cyberattaques, en passant par les nouvelles dépendances technologiques, le rapport de l’Académie nationale du renseignement de Turquie rappelle que la sécurité énergétique du XXIe siècle repose sur des infrastructures résilientes, une innovation domestique et une coopération internationale.

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