Le président syrien Ahmed al-Charaa a annoncé que les dirigeants locaux et les notables de Soueida seraient désormais responsables de la sécurité de la ville.
Cette décision intervient après plusieurs jours de combats intenses entre milices druzes et groupes tribaux bédouins, qui ont fait au moins 30 morts et près de 100 blessés, selon le ministère syrien de l’Intérieur.
Dans une allocution télévisée jeudi, M. Charaa a déclaré que cette décision avait été prise "sur la base de l’intérêt national suprême" et a souligné que l’État restait responsable de la protection du peuple druze, le décrivant comme "un élément fondamental du tissu social de la nation ".
Par ailleurs, l’armée syrienne s’est retirée de Soueida et un cessez-le-feu impliquant les milices locales a été conclu.
Les États-Unis ont confirmé que toutes les parties s’étaient engagées à prendre des mesures spécifiques pour apaiser la situation, bien que les détails restent flous.
Pourquoi est-ce important ?
Il s'agit d'un moment rare où Damas transfère officiellement les responsabilités sécuritaires aux acteurs locaux. Cette décision témoigne à la fois de la confiance dans la gouvernance communautaire et de la nécessité d'éviter un conflit plus profond, dans ce que de nombreux observateurs de la Syrie qualifient de numéro d'équilibriste diplomatique.
Cette annonce intervient quelques heures seulement après des frappes aériennes israéliennes visant le sud de la Syrie, notamment une attaque contre une base militaire syrienne et même près du palais présidentiel.
Selon des responsables syriens, au moins trois personnes ont été tuées et 34 autres blessées lors de ces frappes.
Alors qu'Israël prétendait agir pour protéger la communauté druze de la région, dont des membres vivent également en Israël, les responsables syriens affirment que ces frappes s'inscrivent dans une stratégie plus large visant à déstabiliser le pays, qui se remet tout juste de plusieurs années de guerre civile.
Walid Joumblatt, dirigeant druze et ancien président du Parti socialiste progressiste libanais, aurait également accusé Israël d'utiliser certaines personnalités druzes pour semer le trouble en Syrie sous couvert de protection de la communauté.
Malgré la montée des tensions, Al Charaa a salué les efforts de médiation des États-Unis, des États arabes et de la Turquie, affirmant que leur intervention avait empêché la violence de dégénérer en un conflit régional généralisé.
Il a accusé Israël de tenter de transformer la Syrie en "une arène de chaos sans fin ", mais a salué les médiateurs extérieurs et les efforts de la Syrie elle-même pour contrer cet objectif.
Contexte
Soueida, une ville à majorité druze du sud de la Syrie, a vu ses milices locales gérer leurs propres affaires pendant et après la guerre civile, qui s'est terminée par le renversement du régime de Bachar el-Assad en décembre 2024.
Les tensions ont récemment éclaté après que des membres de la tribu bédouine de Sweida auraient installé un poste de contrôle, agressé un druze et l'auraient volé.
Cet incident a déclenché un cycle de représailles violentes et d'enlèvements entre les deux communautés.
Bien que les forces gouvernementales aient été déployées pour stabiliser la région, des affrontements sporadiques ont persisté.
La décision de la Force nationale syrienne de se retirer et de laisser les notables et les factions locales prendre en charge le maintien de l'ordre dans la ville semble être une tentative calculée de désescalade.
Al Charaa a également profité de son discours pour annoncer une approche avant-gardiste, axée davantage sur "l'unité nationale " et la reconstruction.
Il a déclaré que la priorité de la Syrie était de se remettre d'années de guerre civile et d'effondrement économique, et non de se laisser entraîner dans de nouveaux conflits, notamment sous la pression de puissances étrangères comme Israël.
Que va-t-il se passer ?
La trêve à Soueida est fragile, mais semble tenir.
Selon le ministère syrien de l'Intérieur, le nouvel accord prévoit la réintégration complète de Soueida sous le contrôle de l'État, par le biais d'intermédiaires locaux.
Des notables religieux et d'éminentes personnalités druzes seront chargés du maintien de la paix et de la sécurité.
Washington, qui tente de renouer le dialogue diplomatique avec la Syrie, a qualifié l'accord de "percée ", le secrétaire d'État Marco Rubio affirmant que toutes les parties s'étaient "mises d'accord sur des mesures spécifiques " pour désamorcer la situation. Bien qu'il n'ait pas révélé quelles étaient ces mesures, il a clairement indiqué que les États-Unis attendaient de toutes les parties qu'elles honorent leurs engagements.