Le ministre de l’Intérieur Bruno Retailleau a présenté, lundi, depuis la préfecture des Hauts-de-Seine, les grandes lignes de sa stratégie pour lutter contre ce qu’il targue d’«entrisme» prétendu des Frères musulmans.
S’appuyant sur un rapport gouvernemental de 73 pages récemment remis, le ministre a estimé qu’il fallait une réponse coordonnée de l’État face à ce qu’il décrit comme une stratégie d’infiltration discrète dans différents secteurs de la société, à savoir le monde associatif, établissements scolaires et collectivités locales.
Parmi les principales mesures annoncées, le ministre a évoqué la désignation de Bertrand Chamoulaud, directeur du renseignement territorial, pour coordonner l’action du renseignement dans la lutte contre ce qu’il qualifie d’”islamisme”.

Cinq personnes ont été placées en garde à vue en France mardi, dans le cadre d’une enquête visant le CCIE (Collectif contre l’islamophobie en Europe) pour des faits présumés de “reconstitution d’association dissoute”.
Il a également confié à Pascale Léglise, directrice des Libertés publiques et des Affaires juridiques, un rôle de “parquet administratif”, chargé notamment de faciliter les procédures de dissolution des associations soupçonnées de contrevenir aux principes républicains.
Il a par ailleurs annoncé un renforcement des “Cellules de lutte contre l’islamisme et le repli communautaire” (CLIR) dans les départements les plus concernés. Enfin, il a proposé d’inscrire dans la Constitution une disposition affirmant que “nul ne peut se prévaloir de sa religion, de ses croyances ou de ses origines pour échapper à la règle commune”.
Bruno Retailleau a par ailleurs exprimé sa volonté de mieux encadrer les financements, estimant que l’analyse des circuits financiers permettrait de mettre en lumière des liens d’influence opaques, qui ne se révélerait qu’à travers les flux d’argent.
“Ils combattent les musulmans”
Revenant sur les précédentes dissolutions d’associations, le ministre a cité les cas du CCIF et de BarakaCity, affirmant que ces structures avaient réussi à transférer leurs avoirs à l’étranger avant leur dissolution – en Belgique pour le CCIF, à Londres pour BarakaCity –, ce qui, selon lui, souligne l’urgence d’adapter le régime de dévolution des biens.
Le fondateur de Barakacity, Idriss Sihamedi, a vivement réagi sur son compte X affirmant que BarakaCity avait été fondée en 2016 en Angleterre, avec l'approbation unanime du conseil d’administration lors d’une assemblée générale extraordinaire. Il a rappelé que, selon le mémoire en défense du ministère de l’Intérieur, rien n’empêchait l’association de poursuivre ses activités en Angleterre :
“Le ministère de l’Intérieur disait dans son mémoire en défense : « rien ne vous empêche de continuer votre activité en Angleterre ». Ils combattent l’islam et les musulmans et pensent n’avoir aucun adversaire médiatique, politiques ou idéologique.”
Sihamedi a affirmé que Bruno Retailleau ne parviendrait jamais “à faire plier quoi que ce soit”.
“Nous attendons simplement les premiers coups. Ensuite, chacun verra avec quelle intensité nous défendrons les intérêts des nôtres. Cette affaire éclatera à l’international. Ils ont sous-estimé la rage qui nous anime pour les bénéficiaires, et le mal causé à la communauté” a-t-il averti.
BarakaCity est une ONG humanitaire musulmane dont la première fondation en France remonte à 2008. Elle a mené des actions caritatives et humanitaires dans plusieurs pays en crise (Syrie, Palestine, Bangladesh).
À partir de 2015, l’association est placée sous surveillance par les autorités françaises, avant d’être plusieurs fois perquisitionnée jusqu’en octobre 2020, date à laquelle le gouvernement de l’époque dissout l’association, l’accusant de menacer l’ordre public.
Suite à cette décision, Sihamedi quitte la France pour la Turquie et affirme relancer légalement l’ONG depuis l’Angleterre, où elle poursuit ses activités à l’international.
En mai 2022, les actifs de l'association et ceux de son fondateur, ont fait l'objet d'une mesure de gel en France.
Quant au CCIE (Collectif contre l’islamophobie en Europe), cible d’attaques politiques menées par Bruno Retailleau, cinq personnes de l’association ont été placées en garde à vue en mi-mai, dans le cadre d’une enquête pour des faits présumés de “reconstitution d’association dissoute”.