Ces journalistes palestiniens, pigistes pour l’agence depuis plusieurs années, vivent dans des conditions de précarité extrême, sans accès suffisant à la nourriture, à l’eau, aux soins, ni aux moyens de transport.
Depuis 2024, l’AFP n’a plus de journalistes permanents à Gaza. L’agence continue néanmoins à couvrir les événements sur place grâce à une équipe locale composée d’une pigiste texte, de trois photographes et de six vidéastes pigistes.
Ils font partie des très rares journalistes encore présents sur le terrain pour documenter les conséquences de la guerre israélienne, alors que la bande de Gaza reste totalement fermée aux médias internationaux depuis près de deux ans.
Privés de toute assistance logistique extérieure, ces reporters travaillent dans des conditions identiques à celles de la population gazaouie : pénuries alimentaires, destructions massives, coupures d’eau, risques de bombardements, absence de carburant et d’abris.

“Je n’ai plus la force”
Parmi ces journalistes figure Bashar, 30 ans, collaborateur de l’AFP depuis 2010. Il a d’abord été fixeur, puis photographe pigiste, avant de devenir principal photographe de l’agence dans l’enclave.
Le 19 juillet, il a posté un message poignant sur Facebook : “Je n’ai plus la force de travailler pour les médias. Mon corps est maigre et je ne peux plus travailler”.
Installé depuis plusieurs mois avec sa mère, ses frères et sœurs et quelques cousins dans les ruines de leur maison à Gaza, Bashar vit sans mobilier, sans eau courante, sans ressources.
Dimanche 20 juillet, il a rapporté que son frère aîné était “tombé, à cause de la faim”. Bashar lui-même connaît des épisodes de maladies intestinales sévères, liées à l’eau contaminée.
Malgré le salaire que leur verse l’AFP, les journalistes n’ont plus les moyens d’acheter quoi que ce soit, les prix ayant flambé ou les biens ayant disparu. Les rares commerçants qui acceptent encore des transactions en ligne imposent des commissions atteignant 40 %.
L’AFP n’a plus les ressources pour fournir un véhicule à son équipe sur place, ni l’essence pour les faire rouler.
Toute circulation motorisée est de toute façon dangereuse, les voitures étant fréquemment prises pour cible par l’aviation israélienne. Les reporters se déplacent donc à pied ou, dans certains cas, en charrette tirée par un âne.
“Jamais le souvenir de mourir de faim”
Ahlam, une autre journaliste de l’AFP basée dans le sud de Gaza, témoigne également des conditions terribles dans l’enclave : “À chaque fois que je quitte la tente pour couvrir un événement, réaliser une interview ou documenter un fait, je ne sais pas si je reviendrai vivante”.
Son principal obstacle, dit-elle, est désormais le manque total de nourriture et d’eau potable.
La SDJ souligne que ces journalistes, jeunes pour la plupart, sont physiquement épuisés, affamés, mais continuent malgré tout à envoyer des images, des vidéos, des récits du terrain.
“Leurs appels au secours, déchirants, sont désormais quotidiens”, écrivent les auteurs du communiqué.
Ces derniers jours, la SDJ affirme avoir reçu des messages de plus en plus brefs, exprimant surtout la fatigue, la faim, la peur de ne pas survivre. Le dimanche 20 juillet, Bashar a confié : “Pour la première fois, je me sens vaincu. (…) Je souhaiterais que M. Macron puisse m’aider à sortir de cet enfer”.
Ahlam, de son côté, insiste sur la nécessité de continuer à travailler : “Résister n’est pas un choix : c’est une nécessité”.
Face à cette situation jugée intenable, la SDJ de l’AFP lance un appel pressant aux autorités françaises, aux Nations unies, aux ONG et à la communauté internationale pour qu’une aide humanitaire urgente soit apportée à ces journalistes.
“Nous risquons d’apprendre leur mort à tout moment, et cela nous est insupportable. (...) , conclut le communiqué de la SDJ.
La France demande l'accès à Gaza
Par ailleurs, la France demande que "la presse libre et indépendante puisse accéder à Gaza pour montrer" ce qu'il se passe dans le territoire en danger de famine après 21 mois de guerre, a déclaré mardi le ministre français des Affaires étrangères Jean-Noël Barrot.
"Nous avons l'espoir de pouvoir faire sortir quelques collaborateurs de journalistes dans les prochaines semaines", a ajouté le ministre sur France Inter, interrogé sur le cas de plusieurs collaborateurs de l'AFP sur place qui se trouvent dans "une situation effroyable" selon la direction de l'agence.
"Nous y consacrons beaucoup d'efforts et beaucoup d'énergie", a dit le ministre, qui s'exprimait depuis Kiev où il est en déplacement.

L'ONU et des ONG font régulièrement état d'un risque de famine dans le territoire palestinien assiégé par Israël après plus de 21 mois de guerre israélienne.
M. Barrot a également dit que la France condamne "avec la plus grande fermeté" la "déplorable" extension de l'offensive israélienne à Gaza lancée lundi, "qui va aggraver une situation déjà catastrophique".
"Il n'y a plus aucune justification aux opérations militaires de l'armée israélienne à Gaza. C'est une offensive qui va aggraver une situation déjà catastrophique qui va provoquer de nouveaux déplacements forcés de populations que nous condamnons avec la plus grande fermeté", a-t-il dit.
La France appelle au "cessez le feu immédiat, à la libération de tous les otages du Hamas, qui doit être désormais désarmé, et à l'accès sans aucune entrave de l'aide humanitaire à Gaza", a ajouté le ministre.
L'armée israélienne a étendu lundi son offensive dans un nouveau secteur de la bande de Gaza, à Deir al-Balah, dans le centre du territoire palestinien, et entend agir dans des zones où elle n'était jamais allé au cours des 21 mois de guerre contre le Hamas, sommant les habitants d'évacuer les lieux.