MOYEN-ORIENT
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Iran: quel est le but réel d’Israël ?
Pourquoi Netanyahu parle-t-il d’un changement de régime en Iran ? Donald Trump va-t-il lancer une opération militaire américaine ? Quelle stratégie a poussé Benyamin Netanyahu à attaquer l’Iran le 13 juin dernier ? Mise à jour le 20 juin 2025
Iran: quel est le but réel d’Israël ?
Le président américain Trump et le Premier ministre israélien Netanyahu lors d'une réunion à la Maison Blanche, le 4 février 2025 / Reuters
19 juin 2025

L’attaque de l’Iran aurait été actée après les avertissements du directeur de l’AEIA en début de semaine au sujet de l’Iran. Selon un rapport diffusé par l’Agence internationale de l’énergie atomique, l’Iran ne respecte pas ses obligations nucléaires de l’accord de 2015. 
Rafaël Grossi, directeur général de l'agence, a déclaré que le stock croissant d'uranium hautement enrichi de l'Iran et les questions non résolues concernant son programme demeuraient des problèmes graves. 

Après le rapport de l’AEIA, le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu a lancé des attaques multiples dans la nuit de jeudi à vendredi en invoquant que l’Iran a de quoi produire 9 bombes atomiques et que le pays allait produire des armes de destruction massive. Le Premier ministre invoque une menace supposée de la part de l’Iran pour justifier ses attaques contre Téhéran. Toutefois, dans une déclaration à CNN mercredi, le directeur de l’AEIA, a affirmé qu’il n’y a aucune preuve que l’Iran travaille à une bombe nucléaire.

Cette rhétorique vise à convaincre les opinions publiques occidentales et israéliennes. Ce discours, largement repris par les plus hautes sphères à Washington et en Europe, a conduit les pays du G7 à leur refus de voir Téhéran se doter d’une arme nucléaire. 

Israël lance, “au nom de sa sécurité”, sa doctrine de guerre “préventive”, jugée totalement illégal dans le droit international. Cela, alors même que l’enrichissement d’uranium par l’Iran ne constitue pas une preuve de possession d’une bombe atomique, et que agences de renseignement américain estiment que Téhéran ne possède pas cette capacité.

La même rhétorique que pour l’Irak

Rappelez-vous l’Irak en 2003: les États-Unis, avec le soutien des services secrets israéliens, ont accusé le gouvernement de Saddam Hussein de produire des armes de destruction massive. Une accusation qui s’est révélée fausse par la suite. L’invasion du pays a alors été justifiée par la nécessité de renverser “un dictateur, d’instaurer la démocratie et de libérer les Irakiens”.

La même mécanique et la même rhétorique se mettent en place en quelques jours au sujet de l’Iran. Lors d’une interview sur Fox News, le Premier ministre israélien a déclaré: “Le gouvernement à Téhéran est faible, et si on leur en donne la possibilité, 80% des Iraniens jetteraient ces religieux criminels dehors”. Un argument identique avait déjà été avancé par ce même Netanyahu en 2003 pour justifier l'invasion de l’Irak.

Les frappes israéliennes peuvent-elles faire tomber le régime iranien ? Kevan Gafaïti, spécialiste de l'Iran, enseignant à Sciences Po Paris et chercheur au Centre Thucydide de l'Université Panthéon-Assas explique à TRT Français que l’idée est séduisante pour les Occidentaux mais peu réaliste. Il ajoute que ce genre de projet a plongé la Lybie et l’Irak dans le chaos: “Tuer le guide suprême, Ali Khamenei ne ferait pas tomber le régime, la République islamique prévoit le remplacement du guide suprême. Israël insinue que le régime pourrait changer avec une sorte de révolte interne mais en réalité les Iraniens, même divisés, sont aujourd’hui réunis contre Israël. En situation de guerre, on se rallie derrière le chef d'État, l’Iran ne fait pas exception à cette règle.”

Hasni Abidi, directeur du Centre d'études et de recherche sur le monde arabe et méditerranéen (CERMAM) de Genève a souligné, dans une interview accordée à TRT Français, la gravité de la situation.

“Nous assistons à un changement de doctrine qui est significatif de la part des Etats-Unis. Les Américains et les Israéliens ont dépassé l’objectif d'un simple affaiblissement des capacités nucléaires des Iraniens pour les forcer à des négociations. On entend l’idée d’un changement de régime ce qui n'a jamais été à l'ordre du jour ni pour les Américains, ni pour les Israéliens”.

Le spécialiste souligne que ce conflit est inédite en raison de l'évolution constante de ses objectifs, ce qui la rend d’autant plus inquiétante.

Benyamin Netanyahu a évoqué, dès le premier jour des frappes sur Téhéran, son intention de changer la face du Moyen-Orient. “C’est un objectif qui n’a pas été prévu, où va s'arrêter cette guerre ?”, s’interroge l’universitaire genevois. “C’est cette ambiguïté, ces variations qui rendent cette guerre inédite et qui posent le défi le plus important depuis la seconde guerre mondiale”.

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Sans doute poussés par la diaspora iranienne proche des Républicains, les Etats-Unis semblent également séduits par l’idée de faire tomber le régime actuel en Iran. Reza Pahlavi, résident aux Etats-Unis et fils en exil du Shah d’Iran a même offert ses services. Le chercheur Kevan Gafaïti n’est pas convaincu par cette idée. “L’offre de service de Reza Pahlavi, le fils du dernier Shah d’Iran, me semble illusoire. Dans le pays, il y a une rupture marquée avec l’ancien régime d’autant que Reza Pahlavi a soutenu les récentes attaques israéliennes. Aux Etats-Unis la diaspora iranienne pousse cette idée auprès de l’administration Trump, mais cette hypothèse est peu crédible et n’est pas perçue comme crédible par les Iraniens.”

Le réveil d’un rêve sioniste ?

En Israël cette nouvelle guerre réveille en tout cas des rêves d’expansion. Dans une conférence tenue le jeudi 12 juin, Amichai Eliyahu, ministre israélien de l’Héritage, a appelé à une guerre générale : “Nous voulons la Cisjordanie, nous voulons la Syrie, nous voulons le Liban, nous voulons Gaza”. Un discours qui n’est pas nouveau dans les rangs de l’aile religieuse israélienne, souvent relayé par les partis religieux ou d’extrême-droite. Aujourd’hui le rêve du “Grand Israël” semble, aux yeux de certains, plus atteignable que jamais.
Benyamin Netanyahu pourrait -il suivre cette voie ? Hasni Abidi, le chercheur genevois estime que “c'est un scénario à prendre au sérieux car la dimension religieuse est importante dans le gouvernement israélien mais aussi au sein du gouvernement américain. Vous avez vu l'ambassadeur américain (Mike Huckabee, ambassadeur en Israël baptiste et ancien prédicateur) qui demande au président américain de n'écouter personne si ce n’est la voix de Dieu”.

Si l’universitaire souligne le role que peut jouer cette dimension religieuse dans les prises de décision, il insiste surtout sur la multiplication des fronts qui permet à Netanyahu de rester au pouvoir. “Plusieurs gouvernements le menaçaient de sanctions avec ce qui se passe à Gaza. Sur le plan interne, des manifestations demandaient son départ, avec cette nouvelle guerre, il est assuré de rester en place“, a expliqué Abidi.

Par ailleurs, des tensions opposent Benyamin Netanyahu  à l’Agence de sécurité intérieure d’Israël tandis que les critiques se multiplient au sein même de la Knesset, le Parlement israélien.

L’ouverture d’un nouveau front permet au Premier ministre de se repositionner au sein de la communauté occidentale, qui continue d’affirmer “le droit d'Israël à se défendre” alors que ce dernier a attaqué l’Iran, ce qui constitue une violation du droit international.

On assiste donc à un véritable retournement de situation politique pour Netanyahu, qui pourrait, avec le soutien indéfectible des Américains, être tenté de faire avancer son projet sioniste au-delà de Gaza et la Cisjordanie. 

Hasni Abidi ne croit pas pour autant à une invasion de l’Iran. Il estime toutefois que “l’Etat d’Israël va vouloir renforcer sa mainmise sur la Syrie, le Liban et l’Irak”.

SOURCE:TRT français et agences
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