Le président français Emmanuel Macron a averti mardi que toute tentative de renversement du pouvoir en Iran par la guerre entraînerait le "chaos" dans le pays et appelé à revenir à la "table des discussions" pour conjurer la menace iranienne dans la région.
"La plus grande des erreurs aujourd'hui, c'est de chercher par la voie militaire à faire un changement de régime en Iran, parce que ce sera là le chaos", a-t-il déclaré devant la presse au deuxième jour d'un sommet du G7 à Kananaskis (Canada).
Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, qui a lancé vendredi une vaste campagne de frappes aériennes contre l'Iran, évoque désormais ouvertement un possible effondrement du pouvoir iranien, sans exclure d'aller jusqu'à viser le guide suprême.
Donald Trump a aussi dit mardi qu'il ne comptait pas tuer le guide suprême iranien "pour le moment" mais que les Etats-Unis savaient "exactement" où il se cache.
"Est ce que quelqu'un pense que ce qui a été fait en 2003 en Irak (..) ce qui a été fait en Libye la décennie précédente était une bonne idée? Non !", a martelé Emmanuel Macron en référence à deux interventions militaires impliquant les Américains et l'Otan.
"Non aux frappes sur les infrastructures énergétiques, non aux frappes contre les populations civiles et non aux actions militaires qui conduiraient à un changement de régime parce que personne ne sait dire ce qui vient après", a-t-il insisté.
De la fermeté chiraquienne à l'ambiguïté macronienne
Emmanuel Macron a beau condamner les erreurs du passé en Irak et en Libye, pourtant c’est lui même qui a proposé, dès le début des frappes israéliennes sur l’Iran, son soutien militaire à Tel Aviv, affirmant qu’Israël avait le “droit de se protéger” et “assurer sa sécurité”, alors même que c’est bel et bien Israël qui a attaqué l’Iran et non l’inverse.
Cette ambiguïté typiquement macronienne contraste fortement avec la posture de l’ancien président français Jacques Chirac - dont Emmanuel Macron semble parfois s’inspirer- qui s’était fermement opposé à l’invasion de l'Irak par les Etats-Unis.
En 2003, face à la volonté des États-Unis de renverser Saddam Hussein sous prétexte de la détention d’armes de destruction massive — jamais trouvées au passage, Jacques Chirac avait choisi la voie de l’indépendance diplomatique.
Soutenu par l’opinion publique française, il oppose un veto à la résolution autorisant une intervention militaire au Conseil de sécurité de l’ONU. Ce moment reste toujours gravé dans les mémoires comme un symbole de souveraineté et d’indépendance face à la logique guerrière de Washington.
Le discours de son Premier ministre Dominique de Villepin, à l’ONU, le 14 février 2003, incarnait cette posture d’indépendance, à contre-courant des discours dominants des puissances dominantes :
“Nous n’acceptons pas l’idée d’une guerre pour demain. […] Dans ce temple des Nations unies, nous sommes les gardiens d’un idéal, nous sommes les gardiens d’une conscience”.
Ce “non” n’était pas un refus d’agir face à une supposée menace, mais une affirmation du droit international et de la nécessité du multilatéralisme, qui traduisait aussi une certaine fidélité à l’héritage souverainiste du gaullisme, à l’indépendance de la France, sa capacité à dire “non” aux grandes puissances et à incarner une troisième voie.
Vingt-deux ans séparent deux styles de diplomatie française : celle, franche et assumée, d’un Jacques Chirac contre la guerre en Irak, et celle, ambiguë, d’un Emmanuel Macron qui ménage la chèvre et le chou entre soutien à Israël et appels à la retenue face à l’Iran.
Résultat : comme en témoigne les déclarations de Trump qui a récemment accusé Macron de chercher à “faire sa publicité” et de ne “jamais rien comprendre”, la France perd sa crédibilité et apparaît inaudible sur la scène internationale, incapable de peser sur le cours des événements au Moyen-Orient, ni de convaincre ses partenaires arabes, ni de faire pression sur Israël.
Emmanuel Macron qui voulait, après Sarkozy et Hollande, renouer avec la tradition des grands monarques de la cinquième République, allant jusqu’à singer Jacques Chirac dans une représentation embarrassante lors de sa visite à Jérusalem, devrait cesser d’essayer de sauver les apparences pour renouer réellement avec un certain courage politique et diplomatique de ses prédécesseurs.
Or “Un chef c’est fait pour cheffer” disait Chirac. Mais n’est pas chef qui veut.