Livraisons d’armes: la France dénonce à Gaza ce qu’elle alimente en Israël
FRANCE
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Livraisons d’armes: la France dénonce à Gaza ce qu’elle alimente en IsraëlLes “nouvelles” révélations sur les livraisons d’armes à Israël ne choquent plus personne. Entre indignation humanitaire de façade et soutien militaire à Israël, la France a depuis longtemps habitué l’opinion publique à son cynisme diplomatique.
Après les attaques israéliennes sur l'Iran, Macron a reporté sa "reconnaissance" de la Palestine et proposé son soutien militaire à Tel Aviv. / Reuters
17 juin 2025

Livraisons “ininterrompues”

Au début de la semaine dernière, un rapport basé sur les données d’importation des douanes israéliennes révélait que la France avait livré des composants militaires à Israël de façon “ininterrompue” et massive pendant toute la durée du génocide à Gaza.

Si les autorités françaises ont longtemps démenti, des données collectées par 10 ONG qui ont réussi à consulter les reçus et rapports des douanes israéliennes et de l’administration fiscale israélienne, révèlent que la France a fourni de manière “régulière et continue” du matériel militaire à Israël depuis octobre 2023. 

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Selon ces documents, plus de 15 millions d’articles dans la catégorie “bombes, grenades, torpilles, mines, missiles et autres munitions de guerre”, pour une valeur de plus de 7 millions d’euros, 1 868 articles dans la catégorie “pièces et accessoires de lance-roquettes, ainsi que des éléments déclarés dans la catégorie “grenades, lance-flammes, artillerie, fusils militaires et fusils de chasse”, d’une valeur de plus de 2 millions d’euros, ont été envoyés vers Israël depuis octobre 2023.

Eurolinks à Fos-sur-mer 

D’autres enquêtes parallèles ont confirmé ces révélations. Une investigation récente menée par les médias The Ditch et Disclose a fait ressortir l’expédition de 14 tonnes de cartouches pour mitrailleuses depuis le port de Fos-sur-Mer vers Haïfa le 5 juin. 

Ces cartouches, fabriquées à Marseille dans l’usine Eurolinks, étaient destinées à Israeli Military Industries (IMI). Un bateau fait le voyage Fos-sur-Mer - Haïfa toutes les deux semaines.

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Des composants auraient été expédiés, fin octobre 2023, depuis le port de Marseille à destination d’IMI Systems, entreprise liée à la production d’armements pour les forces israéliennes. 

Selon Disclose, des envois similaires ont eu lieu récemment en avril et mai 2025. Le 4 juin, les dockers du port de Marseille-Fos ont annoncé avoir refusé de charger un conteneur destiné à Tel Aviv contenant, selon eux, des composants militaires fabriqués par Eurolinks. 

Des pièces pour Merkava au port d’Anvers

Toujours la semaine dernière, une enquête conjointe de la presse belge (De Morgen) et irlandaise (The Ditch) révélait que des pièces pour chars israéliens Merkava, fabriquées en France, étaient retenues au port d’Anvers

Il s'agissait de trois palettes de roulements à rouleaux coniques, fabriqués par la société américaine Timken, dans son usine de Colmar (Haut-Rhin). 

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Ces pièces étaient destinées à l’entreprise israélienne Ashot Ashkelon Industries, spécialisée dans les systèmes de transmission pour véhicules militaires. 

La société est notamment responsable de la fabrication des systèmes de transmission du char israélien Merkava, utilisés par l’armée israélienne. Les palettes ont quitté Colmar pour traverser la Belgique, en direction du port d’Anvers où elles devaient être chargées sur un porte-conteneurs de la compagnie MSC à destination du port israélien d’Ashdod.

La révélation de l’affaire par les médias avait provoqué le report du départ dudit navire à partir d’Anvers des composants destinés à l’armée israélienne. Les ONG ont appelé les travailleurs portuaires à bloquer cette cargaison, à l’image des actions menées par les dockers du port de Fos-sur-Mer.

Salon du Bourget

Toujours fidèle à son grand écart diplomatique, la France a d’abord invité les entreprises israéliennes à exposer au salon aéronautique du Bourget malgré les nombreux appels à leur interdiction, tout en affirmant, après coup, interdire l’accès aux stands israéliens d’”armes offensives” en les recouvrant de bâches noires.

Les stands d'Israel Aerospace Industries (IAI), Rafael, Uvision, Elbit et Aeronautics ont été ceints de vastes panneaux en tissu noir, les fermant de fait au premier jour du plus grand salon aéronautique du monde, organisé tous les deux ans.

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La situation dans la bande de Gaza, "moralement inacceptable", impose de marquer "réprobation" et "distance", a affirmé, lundi, le Premier ministre français, François Bayrou. 

"La France a tenu à manifester que les armements offensifs ne devaient pas être présents dans ce salon", a-t-il expliqué après avoir inauguré ce grand rendez-vous des industries de l'aviation et de la défense.

Mais toutes ces “nouvelles” révélations sur les livraisons d’armes à Israël, ainsi que ces gesticulations politiques au salon du Bourget ne choquent plus personne. Entre indignation humanitaire et soutien militaire à Israël, la France a tellement habitué l’opinion publique à son cynisme diplomatique et ce, depuis longtemps, qu’elle en devient la risée ; notamment de Trump qui a récemment accusé Macron de chercher à “faire sa publicité” et de ne “jamais rien comprendre”.

La France de Macron, fidèle à son “en même temps”, après avoir promis monts et merveilles sur la reconnaissance de l’Etat palestinien, s’est soudainement rétractée affirmant repousser sa dite “reconnaissance” aux calendes grecques, depuis les récentes frappes entre Israël et l’Iran.

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Paris qui appelait Tel Aviv à “cesser le massacre” à Gaza, a, cette fois-ci, proposé son soutien militaire à Tel Aviv, affirmant qu’Israël avait le “droit de se défendre” tandis que c’est bel et bien Israël qui a attaqué l’Iran et non l’inverse.

Cette stratégie du “en même temps” permet non seulement à la France de jouer les équilibristes, de retarder les décisions clivantes, mais aussi d’ouvrir le dialogue avec toutes les parties tout en se maintenant sur le devant de la scène internationale, pour “vaincre sans péril et triompher sans gloire”.

Néanmoins, sur des sujets aussi profondément polarisés que le conflit israélo-palestinien, cette posture équivoque risque de se retourner contre elle. Le grand écart diplomatique finit par provoquer des courbatures même chez les plus souples… et la France n’est plus aussi agile qu’elle le prétend.

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SOURCE:TRT Français
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