Une plainte exceptionnelle à plusieurs égards. C’est un collectif d’ONG africaines de cinq pays (Togo, Guinée, Ghana, Cameroun et Côte d’Ivoire) qui a déposé mardi une plainte contre le groupe français Bolloré.
La plainte a été déposée au parquet financier de Paris pour “blanchiment” et “recel” envers le groupe Bolloré.
Cette plainte vise Vincent Bolloré et son fils, Cyrille Bolloré, successeur de son père à la tête du groupe depuis 2019. Le collectif d’ONG réclame la restitution de fonds issus d’activités présumées illicites commises par le groupe Bolloré dans ses activités portuaires en Afrique.

L’homme d’affaires français, Vincent Bolloré, aurait frauduleusement soutenu les campagnes présidentielles de Faure Gnassingbé au Togo et d'Alpha Condé en Guinée en 2010, en échange de contrats.
Bolloré a bâti sa richesses sur les ports africains
Le groupe Bolloré a bâti sa richesse sur les ports africains. La branche logistique en Afrique employait plus de 20 000 personnes dans plus de 20 pays sur le continent africain et possédait notamment un réseau de 16 concessions portuaires, des entrepôts et des hubs routiers et ferroviaires.
En 2022, les activités de la filiale Bolloré Africa Logistics, qui gérait les principales concessions portuaires des cinq États de l’Ouest africain, ont été vendues pour 5,7 milliards d’euros.
Pour le collectif Restitution pour l’Afrique, cet argent est une richesse acquise de manière illégale notamment à coups de corruption. La plainte déposée fait 57 pages et pointe méthodiquement une série d’enquêtes ou de scandales qui dessinent, selon les avocats des plaignants, une “méthode Bolloré”.

L’homme d'affaires Vincent Bolloré est en passe de prendre le contrôle de la télévision payante en Afrique, suscitant des interrogations au regard de son penchant connu pour l’extrême droite.
Par exemple, la plainte cite un rapport de la commission nationale anti-corruption du Cameroun qui évoque 60 millions d'euros de redevances et d'amendes collectées par le groupe Bolloré dans le cadre de ses concessions à Douala et Kribi, et que le groupe aurait "retenus" au lieu de les reverser à l'Etat, ou encore en 2003, l'attribution du terminal à conteneurs d'Abidjan par le président Laurent Gbagbo de gré à gré pour 15 ans qui avait également suscité l'indignation de l'opposition ivoirienne.
“Nous avons, avec ces associations, collecté énormément d’informations sur de potentiels délits qui revêtent un caractère systémique de détournements et de corruption en vue de mettre en place des opérations économiques dans ces pays africains, et qui aboutissent selon notre analyse au blanchiment de ces capitaux en Europe”, a déclaré Me Antoine Vey, avocat au barreau de Paris
Le président du collectif Jean-Jacques Lumumba, militant anti-corruption, résume ainsi le but de la plainte pour les ONG. "Cibler l'argent sale qui a été perçu par le corrupteur et le restituer aux peuples africains qui ont été lésés". Cet argent, dit-il, "c'est moins d'hôpitaux, moins d'écoles, moins de routes, moins de projets d'infrastructures. Et c'est un avenir qu'on est en train d'enlever à nos jeunes".
Dans le cas des ports de Lomé (Togo) et Conakry (Guinée), la justice française avait déjà été saisie en 2013. Elle soupçonne le groupe Bolloré d'avoir utilisé les activités de conseil politique de sa filiale Euro RSCG (devenue Havas) pour aider les campagnes présidentielles 2010 de Faure Gnassingbé et Alpha Condé, au bénéfice d'une filiale phare de l'époque, Bolloré Africa Logistics.