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Gaza: des dons défiscalisés en France financent la recherche militaire israélienne
L’université Technion de Haïfa, impliquée dans le développement de technologies militaires et la formation de soldats israéliens, bénéficie de financements publics français grâce aux dons défiscalisés via son association satellite, Technion France.
Gaza: des dons défiscalisés en France financent la recherche militaire israélienne
Le président français Emmanuel Macron aux cotés de Netanyahu lors d’une conférence de presse conjointe à Jérusalem, le 24 octobre 2023. / Reuters
il y a 9 heures

Alors que l’offensive israélienne à Gaza continue de faire des milliers de victimes civiles et de ravager une grande partie du territoire, un dispositif fiscal français offre la possibilité à certains contribuables de contribuer, indirectement, au financement de la machine de guerre israélienne.

Selon des nouvelles révélations de Blast, des dons à l’endroit de Technion France, association satellite d’une université israélienne au cœur du complexe militaro-industriel, sont déductibles des impôts.

Le Technion – Israel Institute of Technology de Haïfa, est l’une des plus anciennes et prestigieuses universités israéliennes.

Si l’institution se présente comme un haut lieu d’innovation dans les domaines de la médecine, des sciences de l’ingénieur et des nouvelles technologies, son rôle dans la recherche militaire est tout aussi déterminant.

Dès les années 1970, des figures de l’appareil militaire israélien comme Amos Horev, général ayant participé à la guerre de 1948, ont dirigé l’établissement. Le mélange entre enseignement universitaire et recherche de défense est depuis une constante.

Le Technion héberge notamment l’Advanced Defense Research Institute (ADRI), créé en 2017, qui organise des concours de recherche spécifiquement dédiés aux technologies militaires : missiles furtifs, systèmes de guidage, drones de reconnaissance ou armés.

L’université a également contribué au développement de technologies déjà déployées sur le terrain, comme la version télécommandée du bulldozer blindé D9, utilisé à Gaza pour détruire des habitations palestiniennes.

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Formation de soldats

Au-delà de la recherche, le Technion participe directement à la formation des cadres de Tsahal. 

Son programme Brakim forme des ingénieurs issus de la réserve académique, c’est-à-dire des étudiants qui choisissent de retarder leur service militaire pour suivre une formation scientifique de haut niveau, avant d’intégrer l’armée israélienne dans des postes stratégiques.

D’autres formations existent, comme les cours d’ingénierie des systèmes destinés spécifiquement aux officiers israéliens, financés par le ministère de la Défense et par des mécènes privés.

Cette imbrication rend le Technion incontournable pour comprendre l’articulation entre recherche civile et militaire en Israël.

Dons défiscalisés

Le Technion a bâti un réseau de 16 associations satellites dans le monde pour collecter des dons. 

La plus importante est l’American Society for Technion (ATS), qui a transféré 68 millions de dollars en 2022-2023. En tout, les filiales du Technion ont envoyé près de 94 millions d’euros vers Haïfa cette année-là.

En France, l’association Technion France affiche sa mission dans les termes suivants : “soutenir la recherche, les étudiants et les infrastructures du Technion”. 

Ses dons sont déductibles de l’impôt sur le revenu à hauteur de 66 %, et jusqu’à 75 % pour l’impôt sur la fortune immobilière (IFI).

Autrement dit, une part significative des sommes collectées par Technion France provient de fonds publics, via le mécanisme de défiscalisation. 

Ces sommes, une fois intégrées au budget global de l’université, participent au financement des programmes civils, mais aussi militaires, y compris les bourses d’études accordées à des étudiants réservistes de l’armée israélienne.

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Si le ministère de l’Économie rappelle que les dons à une armée étrangère ne sont pas éligibles à la défiscalisation, il refuse de se prononcer sur le cas particulier de Technion France, et ne prend toujours aucune mesure malgré les faits avérés de financement de l’armée israélienne.

L’enjeu dépasse également la fiscalité. Le Technion cherche à multiplier les collaborations internationales pour contrer les effets du boycott académique. 

Depuis les années 2000, le mouvement BDS appelle en effet à rompre les partenariats avec les universités israéliennes, sur le modèle du boycott de l’Afrique du Sud sous l’apartheid.

Malgré ces pressions, le Technion a intégré le consortium EuroTeQ, qui regroupe plusieurs institutions européennes prestigieuses, dont HEC Paris et l’École Polytechnique.

En 2019, l’Université Paris-Saclay a signé un partenariat renforcé avec l’établissement de Haïfa, visant notamment l’intelligence artificielle et l’ingénierie.

Ces coopérations sont financées en partie par l’Union européenne, via le programme Horizon Europe. Bien que ces projets ne portent pas officiellement sur des technologies militaires, des juristes estiment qu’ils posent question au regard du droit international.

En Europe, plusieurs établissements prennent leurs distances. En mai 2024, l’Université de Gand (Belgique) a annoncé mettre fin à toute coopération avec les universités israéliennes.

Selon des groupes de travail anti-boycott mis en place par les présidents d’universités israéliennes, 750 cas de boycott ont été recensés depuis 2024, incluant des projets de recherche annulés, partenariats interrompus, échanges suspendus.

En France, le boycott académique reste marginal. Mais pour certains juristes, les universités françaises devraient réévaluer leurs partenariats afin de s’assurer qu’ils ne soutiennent pas la recherche militaire ou la colonisation, illégale au regard du droit international.

Mais la participation indirecte des contribuables français au financement du Technion, et donc à la recherche militaire israélienne, risque d’alimenter de nouvelles controverses à mesure que les violences se poursuivent à Gaza.

SOURCE:TRT Français
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