Le calvaire de Dana Al-Hajj, 11 ans, ne s’est pas terminé lorsque l’armée israélienne a détruit la maison familiale à Khan Younès ; son corps pâle et squelettique incarne les récits sinistres de chaque enfant palestinien de Gaza, témoignant de l’oppression inhumaine. Allongée, faible et silencieuse, aux côtés de sa mère dans une tente délabrée à Deir al-Balah, elle semble inerte, comme si la vie l’avait déjà quittée.
L’armée israélienne a détruit la maison de Dana il y a plusieurs mois, au cours d’une guerre qui dure maintenant depuis plus de 19 mois. Sa famille a été déplacée de Khan Younès et vit désormais dans un abri de fortune sur un sol de béton nu, sans aucune protection contre la chaleur estivale ou le froid hivernal.
“Elle était presque normale avant. Maintenant, elle ne reconnaît même plus la nourriture. Elle refuse les repas en conserve. Elle pleure toute la journée à cause de la faim, et je ne peux rien faire. Même le lait a disparu”, dit sa mère.
Le corps frêle de Dana incarne le traumatisme infligé à toute une génération d’enfants de Gaza. La guerre, combinée au blocus imposé par Israël et à la fermeture totale des points d’accès à l’aide humanitaire depuis début mars, a plongé Gaza dans une famine sans précédent.

“Nous n'avons pas d'exemple dans l'histoire moderne d'une population entière d'enfants nécessitant un soutien en matière de santé mentale”, a déclaré le porte-parole du Fonds des Nations unies pour l'enfance.
Urgence médicale
L’état de Dana nécessite un régime alimentaire médicalement encadré, des vitamines et des soins constants. Mais à Gaza aujourd’hui, même la nourriture de base est un luxe.
“Elle a besoin de nourriture naturelle, de compléments, de soins médicaux – ce n’est pas une demande de confort, c’est une nécessité vitale. Mais il n’y a rien. Nous avons tout perdu”, explique, désemparée, sa mère.
Selon le ministère de la Santé de Gaza, au moins 57 enfants sont morts de malnutrition et de complications associées. Le directeur de l’hôpital de campagne, Marwan Al-Hams, confirme que la plupart des enfants ne survivent aujourd’hui qu’avec un seul repas incomplet par jour, souvent sans eau potable ni nutriments essentiels.
Les familles font la queue pendant des heures devant les cuisines collectives, recevant souvent une maigre portion, individuelle, par foyer. Des mères comme celle de Dana essaient de faire durer un repas toute la journée, tout en regardant leurs enfants dépérir.
Le 20 novembre est la Journée internationale des droits de l’enfant. Que peut-on dire des enfants de Gaza ? 50.000 d’entre eux souffrent de malnutrition et 2.500 sont en train de mourir, faute de pouvoir être soignés.
“Elle dépérit”
Dana avait subi une opération au cerveau et montrait des signes de rétablissement avant la guerre. Mais la famine persistante a annulé tous les progrès.
“Elle ne peut même plus se tenir debout. Son corps n’est que des os. Il n’y a ni fruits, ni légumes, ni médicaments. Nous essayons simplement de survivre, mais ce n’est plus une vie”, déplore sa mère.
Les avions de chasse et les chars israéliens continuent d’attaquer Gaza, tandis que l’aide humanitaire reste bloquée à tous les points de passage. Samedi, la rapporteuse spéciale de l’ONU, Francesca Albanese, a qualifié la politique de famine imposée par Israël de crime de guerre, martelant : “Votre faim aujourd’hui est notre honte”.
“Nous voulons juste qu’elle vive”
Chaque jour qui passe augmente le risque de mort pour des enfants comme Dana. Israël refuse à 2,4 millions de Gazaouis l’accès à l’aide internationale.
“Nous ne demandons pas le luxe. Nous voulons juste une vie digne pour notre fille. Elle a besoin de nourriture, de traitement, de soins”, explique la mère de Dana.
Tandis que le monde regarde, elle lance un dernier appel désespéré :
“Ouvrez les points de passage. Sauvez ma fille avant qu’il ne soit trop tard”.
Depuis le 2 mars, Israël maintient fermés les points de passage de Gaza à l’aide alimentaire, médicale et humanitaire, aggravant une crise déjà dramatique, selon des rapports gouvernementaux, de défense des droits humains et internationaux.
Près de 52 800 Palestiniens ont été tués à Gaza dans l’offensive israélienne brutale depuis octobre 2023, la plupart étant des femmes et des enfants.
La Cour pénale internationale a émis, en novembre dernier, des mandats d’arrêt contre le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense Yoav Gallant pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité à Gaza.
Israël fait également l’objet d’une plainte pour génocide devant la Cour internationale de Justice pour sa guerre dans l’enclave.