POLITIQUE
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France: cinq ans d'inéligibilité avec exécution immédiate pour Marine Le Pen
Reconnue coupable lundi de détournement de fonds publics par le tribunal correctionnel de Paris, la cheffe de file de l'extrême droite française, Marine Le Pen a été déclarée inéligible pour cinq ans avec exécution immédiate.
France: cinq ans d'inéligibilité avec exécution immédiate pour Marine Le Pen
Marine Le Pen arrivant au tribunal ce matin. / Reuters
31 mars 2025

Cette décision tenait en haleine la classe politique en France, depuis que l'accusation a requis fin novembre à l'encontre de Mme Le Pen, à la surprise générale, une peine de cinq ans d'inéligibilité "avec exécution provisoire", c'est-à-dire s'appliquant immédiatement, même en cas d'appel de l'intéressée.

Les juges ont suivi le réquisitoire du parquet. Conséquence, Mme Le Pen, 56 ans, ne pourra a priori  participer au prochain scrutin présidentiel prévu en 2027, où elle apparaît désormais favorite après trois tentatives infructueuses.

"Il s'agit de veiller à ce que les élus comme tous les justiciables ne bénéficient pas d'un régime de faveur", a déclaré la présidente du tribunal. Marine Le Pen a quitté la salle d'audience sans attendre de savoir quelle peine était prononcée contre elle, puis est partie du tribunal sans mot dire.

Ainsi, Marine Le Pen a été condamnée à une peine de quatre ans d’emprisonnement, dont deux ans ferme, aménageable avec un bracelet électronique, 100 000 euros d’amende et cinq ans d’inéligibilité, avec exécution provisoire.

Huit eurodéputés de son parti, le Rassemblement national (RN), ont également été reconnus coupables de détournement de fonds publics.

Le tribunal a estimé que le préjudice total était de 2,9 millions d'euros dans cette affaire où les eurodéputés RN ont fait "prendre en charge par le Parlement européen des personnes qui travaillaient en réalité pour le parti" d'extrême droite.

"Je lis ici et là que nous serions fébriles. Personnellement, je ne le suis pas", commentait dimanche la députée dans l'hebdomadaire La Tribune Dimanche. 

Bardella condamne un “jugement injuste”

Le vice-président du parti français d'extrême droite Rassemblement national (RN), Louis Aliot, a pour sa part été condamné à une peine de 18 mois de prison, dont six mois ferme, et trois ans d'inéligibilité, dans une affaire de détournement de fonds publics.

Le tribunal correctionnel de Paris n'a toutefois pas prononcé d'application immédiate de la peine d'inéligibilité contre M. Aliot, contrairement à la cheffe de file du parti Marine Le Pen, qui espérait se présenter à la présidentielle de 2027.

"Aujourd'hui, ce n'est pas seulement Marine Le Pen qui est injustement condamnée: c'est la démocratie française qui est exécutée", a dénoncé lundi le président du parti d'extrême droite français Rassemblement national, Jordan Bardella, après la condamnation à cinq ans d'inéligibilité avec effet immédiat de sa cheffe de file.

Le Kremlin dénonce une “violation des normes démocratiques”

Le Kremlin a déploré lundi une "violation des normes démocratiques", après la décision du tribunal de Paris qui a déclaré inéligible avec effet immédiat la cheffe de file d'extrême droite française Marine Le Pen, reconnue coupable de détournement de fonds publics.

"En effet, de plus en plus de capitales européennes empruntent la voie de la violation des normes démocratiques", a indiqué lundi le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, lors de son briefing quotidien, répondant à une question sur la condamnation de Mme Le Pen.

Il a également qualifié le jugement d'"affaire intérieure de la France".

"Nous ne voulons pas nous ingérer dans les affaires intérieures de la France, nous ne l'avons jamais fait", a assuré M. Peskov, malgré les affirmations de Paris de multiples campagnes de désinformation russes menées contre la France.

"Mais nos observations de ce qui se passe dans les capitales européennes montrent qu'on ne se gêne pas du tout là-bas pour dépasser le cadre de la démocratie lors d'un processus politique", a-t-il affirmé.

Marine Le Pen avait été reçu par Vladimir Poutine le 24 mars 2017 au Kremlin, quelques semaines avant le premier tour de la présidentielle de 2017, qu'elle avait perdue face à Emmanuel Macron.

La cheffe de file de l'extrême droite français a toutefois pris ses distances avec la Russie de Vladimir Poutine après le déclenchement de l'offensive russe contre l'Ukraine en 2022.

- Polir l'image du FN -

Marine Le Pen est donnée largement en tête du premier tour d'un prochain scrutin présidentiel, avec 34% à 37% des intentions de vote,  selon un sondage publié dimanche. Ce n'est cependant pas un gage de succès final car elle a déjà échoué en 2017 puis en 2022 au second tour face à l'actuel président Emmanuel Macron qui ne peut pas se représenter. 

Mais dans une Assemblée très fractionnée, elle dirige le groupe parlementaire le plus important, capable de faire tomber à tout moment le gouvernement. 

Mme Le Pen espère enfin récolter en 2027 les fruits d'une grosse décennie passée à polir l'image du parti fondé par son père Jean-Marie Le Pen, condamné pour propos racistes et antisémites, et décédé le 7 janvier.

Initialement nommée Front National, la formation a été rebaptisée Rassemblement national en 2018. 

Si la lutte contre l'immigration reste au cœur de son programme, Mme Le Pen a notamment renoncé à sortir de l'euro. 

Président du parti, Jordan Bardella a été la semaine dernière le premier dirigeant du RN invité par le gouvernement israélien, comme pour faire oublier les jeux de mots à consonance antisémite affectionnés par le "patriarche" Jean-Marie Le Pen.

Selon l'accusation, le Front national avait mis en place un "système organisé, systématisé" ayant permis entre 2004 et 2016 de faire du Parlement européen la "vache à lait" du parti, en utilisant les enveloppes de 21.000 euros par mois, auxquelles les députés européens ont droit, pour rémunérer des assistants parlementaires "fictifs". 

Le Parlement européen estime le préjudice à 4,5 millions d'euros.

- Un plan B comme Bardella? -

Pendant huit semaines à l'automne dernier, neuf anciens eurodéputés FN - dont Marine Le Pen - ont comparu avec 12 personnes soupçonnées d'avoir bénéficié d'emplois fictifs (recel), le trésorier et les experts-comptables du parti (complicité). 

Tout au long du procès, Mme Le Pen n'a cessé de clamer son innocence.

La peine d'inéligibilité est obligatoire pour le délit de détournement de fonds publics reproché à Mme Le Pen, mais la demande de son application immédiate a surpris.

Certains adversaires politiques du RN craignent qu'une telle décision soit incomprise par une large partie de l'opinion, et qu'elle ne fasse in fine le jeu du parti d'extrême droite.

Avec l'inéligibilité de Mme Le Pen, Jordan Bardella apparaît comme une alternative toute trouvée. L'ambitieux dirigeant de 29 ans bénéficie d'une large côte de sympathie qui serait, selon un récent sondage, légèrement supérieure, même, à celle de son mentor. .

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SOURCE:TRT français et agences
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