Au lendemain des bombardements américains sur trois sites nucléaires iraniens le 19 juin dernier, des pays leaders de l’Union européenne comme la France et l’Allemagne semblent ballottés entre leur soutien à Israël et la nécessité de respecter et de préserver le droit international.
Un pays comme la France s’est dit préoccupé après les dernières frappes américaines sur les sites nucléaires iraniens, exhortant "les parties à la retenue pour éviter toute escalade susceptible de conduire à une extension du conflit", selon un message du chef de la diplomatie française. Il a précisé que Paris "n'a ni participé à ces frappes, ni à leur planification".
Une réaction qui contraste avec l’absence de condamnation formelle d’Israël qui, le 13 juin dernier, avait bombardé l’Iran, outrepassant les règles du droit international.
“La France réaffirme le droit d'Israël à se protéger et à assurer sa sécurité“, avait déclaré vendredi 13 juin Emmanuel Macron après les frappes israéliennes en Iran, rappelant avoir “plusieurs fois condamné” le programme nucléaire iranien.
“Pour ne pas mettre en péril la stabilité de toute la région, j'appelle les parties à la plus grande retenue et à la désescalade”, avait ajouté sur le réseau X le président français.
Dans la même lancée, l’Allemagne s’est abstenue de toute condamnation d'Israël, le pays agresseur, préférant plutôt mettre à l'index l’Iran.
“Mais l’Iran doit agir d’urgence pour y parvenir. Il doit prendre des mesures de confiance vérifiables, notamment en prouvant que ses dirigeants ne cherchent pas à acquérir l’arme nucléaire. Il n’est jamais trop tard pour revenir à la table des négociations avec des intentions sincères”, avait insisté le ministre allemand des Affaires étrangères, Johann Wadephul.
Quelques jours plus tard au sommet du G7 au Canada, le chancelier allemand sur un ton peu diplomatique a assuré qu'Israël faisait “le sale boulot” de l’Occident en bombardant les sites nucléaires iraniens. Faisant l'éloge de Tel-Aviv, il a souligné que ce pays a eu le “courage” de bombarder les sites nucléaires iraniens.
Du reste, lundi 23 juin Friedrich Merz n’a pas hésité à apporter son franc soutien à l'attaque américaine.
“Il n’y a encore aucune raison de critiquer ce qui a été fait par les États-Unis ce week-end dernier. Oui, ce n’est pas sans risque, mais laisser les choses en l’état n’était pas non plus une option”, a déclaré le chancelier lors d’une conférence à Berlin.
Consensus contre l’Iran
Il y a comme un consensus parmi les pays européens et les occidentaux en général. Derrière les appels au “dialogue et à la retenue”, il y a comme une volonté de déposséder l’Iran de tout potentiel nucléaire.
Téhéran, signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et soumis aux inspections régulières de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), est présenté comme une menace nucléaire “imminente”.
Israël, la puissance nucléaire au Moyen-Orient qui n’a jamais signé le TNP ni ouvert ses installations aux inspecteurs internationaux, n’est nullement inquiété.
Lorsque la cheffe de la diplomatie de l'Union européenne (UE), Kaja Kallas, appelle "toutes les parties à faire un pas en arrière, à revenir à la table des négociations et à éviter toute escalade supplémentaire", il y a comme une consécration du double standard.
Le secrétaire général de l’Otan au cours d’une conférence de presse ce lundi a résumé toute la vision de l’Europe et de l’occident vis-à- vis de l’Iran.
“Les alliés se sont mis d’accord depuis longtemps pour dire que l’Iran ne doit pas développer d’armes nucléaires. Les alliés ont à plusieurs reprises exhorté l’Iran à respecter les obligations qui lui incombent en vertu du traité de non-prolifération”, a affirmé Mark Rutte devant la presse ce lundi à la Haye.
Des propos qui en disent long sur un consensus occidentale sur la question.
Comment expliquer que l’Iran, signataire du Traité de non-prolifération nucléaire (TNP) et soumis aux inspections régulières de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) soit montré du doigt ? Beaucoup d’observateurs n’arrivent pas a comprendre que Teheran soit désigné comme la menace nucléaire “imminente” tandis qu’Israël, puissance nucléaire de facto qui n’a jamais signé le TNP ni ouvert ses installations aux inspecteurs internationaux, bénéficie d’un blanc-seing absolu.
“Israël, une menace existentielle pour l’Iran”
Dans un entretien au média indien en ligne The Wire, Avi Shlaim, professeur émérite d'histoire à Oxford, a insisté sur l’injustice en vigueur contre l'Iran et pris le contrepied du narratif de Netanyahu, soulignant qu'Israël est une “menace existentielle” pour I’Iran.
En substance, l’historien israélo-britannique affirme que l'Iran ne représente pas “une menace existentielle pour Israël, mais une menace stratégique”. “L'Iran n'a jamais attaqué un voisin, contrairement à Israël qui l'a fait à plusieurs reprises. L'Iran a signé le traité, contrairement à Israël”, insiste-t-il.
“L'Iran, poursuit-il, autorise les inspections de l'Agence internationale de l'énergie atomique. Israël ne le fait pas. L'Iran ne possède pas d'armes nucléaires, tandis qu'Israël en possède entre 75 et 400 ”, avant de conclure: “Israël représente donc une menace existentielle pour l'Iran”.
Les européens, visiblement, ne le perçoivent pas de cette façon.
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