La ligne du gouvernement français n’a pas changé depuis octobre 2023. La France a officiellement indiqué qu’elle ne vendait pas d’armes à Israël. Le ministre des Armées, Sébastien Lecornu, dément depuis des mois toutes les accusations en ce sens.
Mais les données collectées par le collectif Progressive International (PI) disent le contraire. Les 10 ONG ont réussi à consulter les reçus et rapports des douanes israéliennes et de l’administration fiscale israélienne.
Ce rapport révèle que la France a livré de manière “régulière et continue” du matériel militaire à Israël depuis octobre 2023.
Selon ces documents, plus de 15 millions d’articles dans la catégorie “bombes, grenades, torpilles, mines, missiles et autres munitions de guerre”, pour une valeur de plus de 7 millions d’euros, 1868 articles dans la catégorie “pièces et accessoires de lance-roquettes, ainsi que des éléments déclarés dans la catégorie “grenades, lance-flammes, artillerie, fusils militaires et fusils de chasse”, d’une valeur de plus de 2 millions d’euros, ont été envoyés vers Israël depuis octobre 2023.
D’autres enquêtes parallèles confirment les informations publiées mardi. Une investigation récente menée par les médias The Ditch et Disclose a révélé l’expédition de 14 tonnes de cartouches pour mitrailleuses depuis le port de Fos-sur-Mer vers Haïfa le 5 juin. Ces cartouches, fabriquées
à Marseille dans l’usine Eurolinks, étaient destinées à Israeli Military Industries (IMI). Un bateau fait le voyage Fos-sur-Mer - Haïfa toutes les deux semaines.
"Nous documentons des millions de pièces d'artillerie expédiées semaine après semaine, mois après mois, de la France vers Israël" entre octobre 2023 et avril 2025, a déclaré à l'AFP David Adler, secrétaire général de PI, organisation basée à Genève. "Nous demandons des réponses concernant l'ampleur globale de ces cargaisons et l'étendue complète de l'engagement commercial et militaire français avec Israël".
Pas de pause dans les exportations de matériel militaire vers Israël
Des vols ont été repérés entre l’aéroport Charles-de-Gaulle et l’aéroport Ben Gourion de Tel Aviv pour des compagnies aériennes connues pour livrer des armes.
Mais il est impossible de vérifier si ces pièces sont effectivement utilisées par l'armée israélienne, ou déployées à Gaza, reconnaissent les auteurs du rapport.
Le ministre des Armées Sébastien Lecornu a soutenu à nouveau vendredi que la France ne vendait pas d'armes à Israël, à deux exceptions près: des "composants" destinés aux systèmes de défense israéliens comme le "Dôme de fer", qui protège le pays des attaques aériennes, et des éléments "réexportés".
"Est-ce que ce sont nos composants qui sont utilisés (par l'armée israélienne, ndlr) ou est-ce que ceux-ci sont expédiés (dans d'autres pays, ndlr) ? Nous ne pouvons pas accepter que le doute existe", a déclaré à l'AFP le député (LFI) Bastien Lachaud, membre de la Commission défense, dénonçant l'"opacité" de l'exécutif français. "Nous devons cesser tout transfert d'armes à un pays qui risque de commettre des crimes de guerre, des crimes de génocide".
Israël a commandé en 2023 pour 19,9 millions d'euros d’armes, un montant relativement stable après 25,6 millions d’euros en 2022 et 19,4 millions en 2021, selon le rapport annuel présenté au Parlement sur les exportations d'armement français.
En revanche, un second rapport fait état d'un bond des exportations de matériel électronique à destination d'Israël en 2023, pour 192 millions d'euros contre 34 millions en 2022. Ce matériel peut être utilisé aussi bien pour des fins civiles que militaires.
Selon une enquête menée par Disclose et publiée en juin 2024, le gouvernement français aurait permis la livraison à Israël d'équipements électroniques destinés à des drones suspectés de bombarder des civils à Gaza.
Disclose avait recensé au moins huit frappes mortelles, d’octobre 2023 à juin 2024, menées par des drones israéliens contre des civils ou des infrastructures à Gaza, en s'appuyant sur des rapports d'ONG et des déclarations de l'armée israélienne.
Israël est engagé dans une guerre génocidaire, la population de Gaza est poussée à la famine et les attaques aériennes israéliennes ont tué plus de 55 000 Palestiniens en 18 mois de guerre.