Après des taxes douanières salées, 39%, Washington met à nouveau dans l’embarras le gouvernement helvétique. Le contrat d’achat des F-35 signé en 2022 n’est pas à prix fixe. Washington a prévenu Berne que l’inflation, la hausse des prix des matières premières et la hausse du prix de l’énergie entraînaient une hausse de la facture finale. Le surcoût pourrait varier entre 1,7 milliard de dollars et 5 milliards de dollars. Le département de la Défense suisse assure pourtant qu’une telle clause était bien prévue dans le contrat d’achat.
La crise politique est tangible, l’achat des F-35 ayant toujours été un choix critiqué. Les Verts et le Parti Socialiste ont sommé mercredi 13 août le Conseil fédéral de renoncer à l'achat des F-35A. Balthasar Glättli, conseiller national vert a proposé la suspension des paiements liés à l’acquisition du F-35 et a demandé une expertise de l’Office fédéral de la justice sur les dépassements de coûts du F-35. Ces deux propositions ont été rejetées. Dans son avant-propos, le conseiller national argumente que les Etats-Unis ne sont plus un partenaire fiable et que la Suisse devrait se tourner vers ses alliés européens.
Les socialistes réclament également l’annulation du contrat signé. Selon Pierre-Alain Fridez, conseiller national suisse, “les F-35 ne sont pas seulement un désastre financier, ils rendent la Suisse également dépendante pour des décennies des Etats-Unis, devenus imprévisibles, en matière de politique de sécurité”.
La relation spéciale entre Berne et Washington, un mythe ?
La droite est embarrassée devant ce nouvel accroc à la relation spéciale avec Washington mais soutient toujours l’achat de l'avion de chasse américain.
Pour l'instant, le gouvernement suisse maintient sa commande. Selon le Conseil fédéral, la Suisse ne peut pas imposer de prix fixe.
Cette nouvelle crise politique autour des F-35 est loin d’être anodine. Elle met en lumière la relation dite “privilégiée” que la Suisse entretient avec les États-Unis – ou du moins l’idée que Berne s’en fait – une perception aujourd’hui ébranlée par les récentes décisions de l’administration Trump.
Roger Nordmann, ancien conseiller national socialiste estime que cette relation spéciale avec Washington est un fantasme. “Les institutions suisses de 1848 sont inspirées des institutions américaines, c’est sans doute la source de cette idée mais les Etats-Unis ont toujours été durs avec la Suisse”.
Il énumère les dossiers dans lesquels la Suisse a dû plier comme l'épisode des fonds juifs, la fin exigée du secret bancaire, la lutte contre l’évasion fiscale. “Cette fois-ci, la Suisse n’a rien à se reprocher, c’est l’arbitraire total”, dit-il.
Les Suisses ne veulent pas des F 35
Un sondage réalisé par la société Leewas en avril 2025 montre que deux tiers des Suisses sont contre cette acquisition. Une pétition lancée par l’Alliance contre le F-35 a déjà recueilli 42 500 signatures.
Les partis de gauche souhaitent une annulation du contrat des F-35 et un rapprochement avec l’Union européenne soit par l’achat d’avions européens, soit par une coopération avec la défense européenne. “Nos partenaires économiques sont les Européens, notre point faible c’est la défense aérienne. En tant que petit pays, cela fait sens de coopérer avec nos voisins en matière de protection“, argumente Roger Nordmann.
En 2021, la Suisse a commandé 36 avions de chasse américains pour renouveler sa flotte, le coût de l’opération avoisine les 7 milliards de dollars. Le F35 est plus cher que le Rafale français mais Berne s’est justifié en soulignant que le F35 équipe plusieurs autres pays européens.