“Les détails du deal, ce sont 600 milliards de dollars pour investir dans absolument ce que JE veux. N’importe quoi. Je peux faire absolument n’importe quoi avec.”
C’est la teneur d’une interview donnée ce mercredi par Donald Trump à la chaîne CNBC.
Une déclaration qui discrédite encore plus un accord déjà largement critiqué par les Européens. Donald Trump affirme que ces 600 milliards sont un don pour obtenir des taxes moins élevées. La méthode flirte avec le racket et elle remet en cause les termes présentés par la Commission européenne jusqu’à ce jour, et ouvre une phase de grande incertitude.
Selon Bruxelles, l’Union européenne a promis des investissements aux Etats-Unis à hauteur de 600 milliards mais le choix est laissé à la discrétion des sociétés.
Bruxelles avait pourtant, la veille, joué le jeu américain et annoncé mardi 5 août suspendre ses représailles aux droits de douane de Donald Trump, en raison de l’accord commercial noué entre les États-Unis et l’Union européenne (UE).

Un accord Etats-Unis-Europe flou
Le soulagement de voir un accord trouvé in extremis, fin juillet, a été remplacé par des incertitudes. Qui va être taxé ?, est la question.
70% des produits européens exportés le sont, pour le reste il y a un flou. Lors de la signature de l’accord, les deux parties ont annoncé une taxe de 15% mais les rodomontades de Donald Trump et les différences d’interprétation entre Bruxelles et Washington laissent planer le doute.
Le secteur pharmaceutique craint d’être laminé, ce qui concerne au premier chef la Belgique. Alors, lorsque le président Trump évoque une taxe de 100 %, voire 250 % ce mercredi, l'incertitude monte d’un cran.
Le secteur de l’acier ne sait pas toujours si tout ou partie de ses produits seront taxés à 15% ou plus.
La France demande, elle, une exemption pour les vins et spiritueux ; la taxe de 15% s’applique pour l’instant mais des discussions sont prévues pour l'automne. La ministre française de l'Agriculture, Annie Genevard, estime "probable" le taux de 0% pour les spiritueux. Bref, le flou règne et beaucoup de secteurs attendent des réponses.

Un accord commercial mort-né ?
Cecilia Malmström, l’ancienne Commissaire européenne au commerce estime dans une interview du média Le grand continent que ce n’est pas un bon accord. Elle insiste sur le fait que c’est une base de discussion pour un accord en bonne et due forme et regrette que les Européens aient capitulé et n’aient rien obtenu en échange.
“Pour l’instant, l’incertitude règne. La France affirme par exemple que le vin est exempté, la Commission dit que ce n’est pas le cas. L’incertitude persiste même sur des points essentiels. (...) Pour l’instant, il n’y a aucun accord juridiquement contraignant — pour le dire autrement et au risque d’insister : les termes de ce prétendu “deal” peuvent encore totalement changer, à tout moment”.
L’ancien commissaire européen au marché intérieur, Thierry Breton, a également jeté sa pierre. Dans les médias français il a insisté sur le fait que la présidente de la Commission n’a aucun mandat pour obliger les entreprises à acheter pour 750 milliards d’euros d’hydrocarbures américains. “Il y a ce ressenti, extrêmement douloureux pour 450 millions d’Européens, d’avoir le sentiment que l’Europe s’est faite un peu vassaliser”.
Devant son gouvernement, François Bayrou, le Premier ministre français, a parlé “d’humiliation” et a surtout souligné que la Commission européenne n’a aucun mandat pour promettre des investissements aux Etats-Unis.
Viktor Orban, lors de l’émission hongroise Warrior’s Hour, fin juillet, a dit tout le mal qu’il pensait de cet accord. “Ce n’est pas un accord que le président Donald Trump a conclu avec Ursula von der Leyen, c’est Trump qui a mangé von der Leyen au petit-déjeuner. Voilà ce qui s’est passé”. Orbán qualifie l’accord de véritable désastre économique. D’autres dirigeants ont été moins critiques sans pour autant considérer que le “deal” était à l'avantage des Européens.
Le milliardaire français Bernard Arnault a été l’une des rares voix à ne pas clouer au pilori l’accord de Turnberry. “Dans le contexte actuel, il s’agit d’un bon accord”, selon le patron de LVMH, le groupe français du luxe.
La balance commerciale des Etats-Unis est déficitaire pour les biens mais excédentaire pour les services. Les Gafam (sociétés de services numériques) sont très implantées en Europe, une taxe sur ces services pourrait donner à Bruxelles un moyen de pression mais la Commission a rangé cette arme sur l’étagère.
Ce flou ajouté à la “capitulation sans résistance” de la Commission européenne énervé maints chefs d’Etat. L’accord signé par la Commission doit être entériné par le Conseil européen, soit les dirigeants des 27 pays membres.