La France a réagi avec fermeté, en dénonçant “le meurtre d’Odeh Hathalin et toutes les violences délibérées perpétrées par des colons extrémistes”, qualifiées pour la première fois d’”actes de terrorisme” par le ministere français des Affaires étrangères.
Paris réagissait à l’assassinat intervenu le 28 juillet du militant palestinien pacifique Odeh Hathalin, enseignant palestinien de 31 ans, père de trois enfants et militant non-violent, tué à bout portant par un colon israélien, dans le sud de la Cisjordanie occupée.
Le drame s’est produit dans le hameau palestinien de Oum El Kheir quand Odeh Hathalin s’était interposé pour tenter de stopper un bulldozer conduit par des colons qui endommageait des terres.
Connu pour son engagement pacifique, Odeh Hathalin avait collaboré à plusieurs articles pour le média israélo-palestinien +972 Magazine, et participé au tournage du documentaire No Other Land, couronné par un Oscar en 2025.
Le tireur a été identifié comme Yinon Levi, un colon israélien faisant l’objet de sanctions de la part de l’Union européenne, du Royaume-Uni et, jusqu’en février dernier, des États-Unis.

La France hausse le ton
La France a également rappelé les attaques récentes contre les villages de Kafr Malik et Taybeh qui a de nouveau été pris pour cible par des colons dans la nuit du 28 juillet.
Depuis que le président français Emmanuel Macron a annoncé que la France reconnaîtrait l’Etat de Palestine en septembre, la France ne cesse de s’attirer les foudres non seulement d’Israël, mais également de ses relais en France.
La décision française "récompense la terreur", avait fustigé le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, après l’annonce. "Soyons clairs: les Palestiniens ne cherchent pas à obtenir un État aux côtés d'Israël, ils cherchent un État à la place d'Israël", a-t-il martelé.
Proche allié d'Israël, les Etats-Unis ont "fermement" rejeté le projet français, évoquant une décision "imprudente" qui fait reculer la paix. "C'est un camouflet pour les victimes du 7 octobre", a déclaré le secrétaire d'Etat américain Marco Rubio.
Du côté des soutiens inconditionnels d’Israël en France, même discours.
Le président du Rassemblement national (extrême droite), Jordan Bardella, a déploré une "décision précipitée", qui accordera au Hamas "une légitimité institutionnelle et internationale inespérée".
"Reconnaître aujourd’hui un État palestinien, c’est reconnaître un État Hamas et donc un État terroriste. Il n’y a, dans ce geste, aucune fidélité à l’histoire de la France, bien au contraire, et encore moins un gage de paix pour Israël", a écrit de son côté la députée RN Marine Le Pen sur X.
Depuis la tribune des Nations unies, le ministre français, a aussi vivement dénoncé les massacres israéliens à Gaza :
“Dévastée par la guerre, Gaza est désormais un mouroir où les corps portent les stigmates de la famine et les esprits gangrénés par la terreur” a-t-il lancé.
Il a également dénoncé, dans des termes particulièrement forts, les violences commises par les colons israéliens en Cisjordanie — une prise de position qui surprend, compte tenu de la politique de grand écart longtemps reprochée à la diplomatie française :
“Des colons extrémistes qui, de colline en colline, arrachent les oliviers, brûlent les récoltes et chassent, l’arme au poing, les Palestiniens de leurs terres — avec la complicité coupable des autorités israéliennes”
Pour conclure, Jean-Noël Barrot a rappelé que le conflit israélo-palestinien ne saurait être résolu par la force et réaffirmé que la seule issue viable reste la solution politique à deux États, seule à même de répondre aux aspirations légitimes des deux peuples à vivre en paix.
Pourquoi ce revirement ?
Cette décision, symboliquement forte, semble avant tout motivée par l’urgence de la situation à Gaza où les bombardements israéliens font quotidiennement des centaines de victimes civiles.
Le président français avait initialement prévu de faire cette annonce en juin, lors d'une réunion à New York, mais celle-ci avait été reportée en raison de l'escalade entre Israël et l’Iran.
Si cette reconnaissance ne changera pas directement la situation des Palestiniens, en n’entraînant ni cessez-le-feu immédiat ni création d’un État, elle vise à renforcer la pression diplomatique sur Israël, notamment contre les projets d’annexion de la Cisjordanie ou d’expulsion de Palestiniens de Gaza.
Paris espère aussi que cette reconnaissance aura un effet d'entraînement, notamment auprès de grandes puissances comme le Royaume-Uni, le Canada ou le Japon.
Ce qui semble avoir fait son effet car le Premier ministre britannique Keir Starmer, a récemment affirmé que Londres pourrait prochainement reconnaître l’Etat de Palestine.
Du bon côté de l’histoire ?
La France espère aussi être du bon côté de l’histoire. La situation à Gaza devenant insoutenable, Emmanuel Macron semble avoir compris que la guerre israélienne va irrémédiablement se retourner contre Tel Aviv, alors que le Benyamin Netanyahu fait face à de graves accusations de génocide.
En outre, au moment où des collectifs d’avocats portent plainte contre la France pour complicité de génocide, Emmanuel Macron semble tenter par cette reconnaissance de faire oublier et se dédouaner du soutien passé qu’il a accordé à Israël pendant son carnage à Gaza.
En ce sens, il renoue également avec une tradition française. De la Déclaration de Venise (1979) sous Valéry Giscard d’Estaing à l'appel de François Mitterrand à la Knesset en 1982, jusqu’au vote favorable à l’admission de la Palestine à l’UNESCO en 2011 sous Nicolas Sarkozy, Emmanuel Macron semble également tenter de s’inscrire donc dans cette continuité historique, afin de redorer son blason avant la fin de son deuxième quinquennat.