La pétition contre la loi Duplomb, qui prévoit notamment la réintroduction sous conditions d’un pesticide interdit en France depuis 2018, a dépassé, aujourd’hui la barre des deux millions de signatures sur le site de l’Assemblée nationale française.
Le texte demande l’abrogation “immédiate” de la proposition du sénateur Les Républicains (LR), Laurent Duplomb. Le gouvernement refuse, pour l'instant, de revenir sur cette loi qui a été votée le 8 juillet dernier. Cette pétition n’oblige en rien le gouvernement à revenir sur une loi votée mais la pression populaire est là. Le président français s’est contenté de déclarer qu’il attend l'avis du conseil constitutionnel qui sera rendu le 7 août. Celui-ci doit se prononcer sur la compatibilité de la loi avec la préservation de l’environnement et le droit à la santé.
Citoyens contre élite politique
En filigrane, des observateurs de la vie politique en France font remarquer une rupture entre les aspirations des masses populaires et l'élite politique de droite. Mediapart parle ”d’une revanche citoyenne après le vote du texte à l’Assemblée nationale le 8 juillet – par 316 voix contre 223, à l’issue d’une procédure inédite ayant empêché le débat parlementaire”.
On se souvient que le 26 mai dernier, l’Assemblée nationale a voté une motion de rejet déposée par Julien Dive, député Les Républicains (LR) de l’Aisne. L’objectif était d'éviter le débat sur le fond pour que le texte aboutisse avec le moins de modifications possibles. Une telle astuce ouvrait la voie à la réintroduction des néonicotinoïdes, ces insecticides “tueurs d’abeille” interdits depuis 2018 – disposition clé de ce texte hautement controversé.
Le texte ainsi rejeté est renvoyé directement en commission mixte paritaire (CMP), la dernière étape du processus législatif où ne siègent plus que quatorze parlementaires, à huis clos, sur la base du texte .
Interrogé par Mediapart, le politiste Vincent Tiberj voit dans le succès de la pétition contre la loi Duplomb une démonstration de force de la démocratie citoyenne et de sa résistance à la droitisation de la vie politique.
“Il fut un temps où le système était structuré pour que la participation politique des citoyens ne passe plus que par le vote – ce que racontent très bien les politistes Alain Garrigou, Yves Deloye et Olivier Ihl, explique-t-il. C’était aussi une manière de contraindre les citoyens à n’être plus que des électeurs, et à se taire une fois que les urnes se sont prononcées”.
La perspective de la réintroduction de l'acétamipride interdit en France en 2018 mais autorisé en Europe suscite de vifs débats en France. Les producteurs de betteraves et de noisettes, sont favorables à la réintroduction du pesticide, soutenus par le syndicat majoritaire agricole FNSEA (La Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles). Ils estiment n’avoir aucune solution contre les ravageurs et soulignent une concurrence déloyale de leurs concurrents européens.
Les apiculteurs, de leur côté, considèrent ce pesticide comme “un tueur d’abeilles”. Ses effets sur la santé de l’homme sont aussi remis sur le devant de la scène, même si faute d’études crédibles, il est difficile d'évaluer sa dangerosité.
Face à la clameur populaire, est-ce que l'exécutif fermera les yeux? Emmanuel Macron a dit attendre la décision des sages du Conseil constitutionnel avant de s’exprimer sur la pétition.
“Il y aura un débat dans l’hémicycle, c’est ça que les Français veulent “, a déclaré Yaël Braun-Pivet, la présidente de l'Assemblée nationale française, avant d’ajouter que celui-ci “ne pourra en aucun cas revenir sur la loi votée”. De quoi cristalliser encore le choc entre les citoyens et l'élite politique au pouvoir en France.
Toutefois, expliquent des enseignants de droit, Emmanuel Macron peut refuser de promulguer la loi ou alors demander une deuxième délibération à l'Assemblée nationale.
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