Kamel Madouri a été nommé en août dernier lors d’un vaste remaniement dans lequel 19 ministres avaient été changés. Ce haut fonctionnaire était chargé de relancer l'économie du pays mais depuis des semaines la présidence critiquait les résultats de son exécutif.
L’inflation a plombé le budget des ménages même si elle ralentit aujourd’hui. Les pénuries de pain, notamment dans les boulangeries subventionnées, ont fait monter l’insatisfaction populaire. Le président a donc pris sa décision et limogé son Premier ministre.
Sarra Zaafrani Zenzri, une haute fonctionnaire ingénieure en génie civil, est à la tête du ministère de l'Équipement depuis 2021. Elle a succédé immédiatement au Premier ministre sortant tandis que le reste du gouvernement a été maintenu, selon un communiqué de la présidence.
Lors d'une réunion diffusée sur la page Facebook de la présidence tunisienne, Kaïs Saïed a appelé Sara Zaafarani à "mieux coordonner l'action gouvernementale et surmonter les obstacles pour répondre aux attentes du peuple tunisien".
Mme Zaafrani, 62 ans, qui parle arabe, français, anglais et allemand, est la deuxième femme à diriger le gouvernement en Tunisie après Najla Bouden, qui avait été Première ministre d'octobre 2021 à août 2023.
Un limogeage dans une atmosphère tendue
La tâche qui attend Sara Zaafarani est immense. La Tunisie connaît de graves difficultés économiques et financières, ainsi qu’une grave crise économique. La croissance est poussive (0,4% en 2024), le taux de chômage est de 16% et la dette s’affiche à environ 80% de son Produit intérieur brut (PIB).
Le taux d'inflation était de 7% pour toute l'année 2024 contre 9,3% en 2023, selon l’Indice des prix à la consommation pour décembre 2024, publié lundi par l’Institut national de la statistique.
Le président Saïed a rompu il y a plus d’un an des négociations entamées avec le Fonds monétaire international qui avait proposé un prêt de 2 milliards de dollars en échange d’une série de réformes, notamment dans les subventions étatiques aux produits énergétiques.
L’Algérie aide le pays en envoyant notamment des hydrocarbures à prix d’ami.
Ces difficultés économiques s’accompagnent d’une crise politique.
Ces derniers mois, de nombreux militants des droits de l’Homme, opposants politiques mais aussi hommes d’affaires, ou avocats ont été arrêtés.
À l'été 2021, le limogeage du Premier ministre et le gel du Parlement par le président Kais Saied avaient été qualifiés de "coup d'Etat" par les ONG tunisiennes et étrangères qui avaient dénoncé une régression des droits et des libertés en Tunisie. Le président a changé la constitution pour créer un système ultra-présidentiel.
M. Saied a été réélu le 6 octobre 2024 à une écrasante majorité des voix (plus de 90%) dans un scrutin marqué par une très faible participation.