La France replonge dans l'incertitude politique, huit mois seulement après l'entrée en fonction du gouvernement de François Bayrou qui, comme son prédécesseur Michel Barnier, risque de tomber faute d’avoir pu faire adopter un budget pour la France, malgré la dramatisation des enjeux et le "danger immédiat", selon lui, posé par "la dépendance à la dette" massive.
Un vote de confiance décisif le 8 septembre
Confronté au rejet de son plan d'économies budgétaires de près de 44 milliards d'euros d'économies, critiqué aussi bien par les partis d'opposition que par l'opinion, ainsi qu'à des appels à bloquer le pays le 10 septembre, le Premier ministre a brandi son va-tout lundi.
À sa demande, le président Emmanuel Macron va ainsi convoquer une session parlementaire extraordinaire le 8 septembre, au cours de laquelle Bayrou sollicitera le jour même la confiance de l'Assemblée nationale sur une déclaration de politique générale.
Mais du Rassemblement national (extrême droite) à La France insoumise (gauche), en passant par les écologistes et les communistes, tous ont promis de voter contre la confiance, condamnant presque à coup sûr le gouvernement.
Mardi, François Bayrou a enjoint les oppositions à "réfléchir" à leur décision sur le vote de confiance du 8 septembre, et à renoncer aux "réflexes spontanés" qui les poussent à faire tomber son gouvernement.
Emmanuel Macron, de son côté, a assuré ne pas "souhaiter" une nouvelle dissolution, mais ne se "privera pas a priori d'un pouvoir constitutionnel", a indiqué son entourage à RMC.
"Il nous met dans la merde"
"François Bayrou a fait le choix de partir. Dans les conditions de majorité actuelles, il sait qu'il ne peut obtenir un vote de confiance des oppositions. C'est une autodissolution", a jugé, dans le quotidien Le Monde, le patron du Parti socialiste, Olivier Faure.
Paul Vannier, député LFI du Val-d'Oise, a estimé au micro de BFMTV que "François Bayrou, c'est de l'histoire ancienne". "Le chaos est devant nous, c'est M. Bayrou. Le chaos prendra fin, pour partie, le 8 septembre", a-t-il déclaré, ajoutant que le Premier ministre "est condamné" et "le sait".
Même au sein du camp gouvernemental, la décision interroge. "On ne met pas les oppositions dans la merde, mais le Premier ministre nous met dans la merde", a déclaré un ministre issu des LR à BFMTV.
"Quand il nous a prévenus juste avant sa conférence de presse, on pensait qu’il avait pris cette décision avec l'assurance que les oppositions s'abstiendraient pour le vote de la confiance", s'est étonné ce ministre.
"Comme d'habitude, il décide de tout, tout seul, sans écouter personne, quitte à aller à la catastrophe nucléaire. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?", s'est agacé l'un de ses collègues.
Pour Mathieu Gallard, directeur de recherche à l'Institut de sondage Ipsos, la décision de François Bayrou "semble être un hara-kiri".
"Il a cherché à provoquer un choc dans la population et le système politique français pour les obliger à faire face à la gravité de la crise de la dette du pays, mais il n'a peut-être changé que la date de sa propre exécution", a affirmé à l'AFP Mujtaba Rahman, directeur Europe au cabinet d'analyse Eurasia Group.
La dette publique française représente désormais près de 114% du PIB, soit la troisième plus élevée de la zone euro derrière la Grèce et l'Italie.