Au moment où Israël se montre déterminé à mettre en oeuvre son nouveau plan d’occupation dans le territoire palestinien assiégé, six journalistes, dont cinq employés de la chaîne qatarie Al Jazeera parmi lesquels l'un de ses principaux correspondants sur place, ont été tués pendant la nuit de dimanche à lundi dans une frappe israélienne sur une tente où ils étaient installés à Gaza-ville, devant l'hôpital al-Chifa.
Les cinq hommes sont les correspondants Anas al-Sharif et Mohammed Qreiqeh, ainsi que deux cameramen, Ibrahim Zaher et Mohammed Noufal, et un assistant, Moamen Aliwa.
Un journaliste pigiste, Mohammed Al-Khaldi, qui collaborait occasionnellement avec des médias locaux, a lui succombé à ses blessures, selon le directeur de l'hôpital.
Le Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme a condamné "le meurtre par l'armée israélienne de six journalistes palestiniens", qu'il a qualifié de "grave violation du droit humanitaire international".

L'UE a également condamné "le meurtre" de journalistes d'Al Jazeera.
Reporters sans frontières a dénoncé un "assassinat revendiqué". "Anas al-Sharif, l'un des journalistes les plus célèbres de Gaza, était la voix de la souffrance imposée par Israël aux Palestiniens de Gaza".
La Chine a également condamné Israël, pour le ciblage des journalistes, indiquant qu’elle pleurait la mort des reporters palestiniens.
“Nous pleurons les correspondants qui ont tragiquement perdu la vie dans ce conflit”, a déclaré le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères, Lin Jian, lors d’une conférence de presse à Pékin.
“La Chine s’oppose à toute action portant atteinte aux civils et condamne les actes violents visant les correspondants”, a-t-il ajouté, selon la transcription officielle diffusée par le ministère.
Il a également affirmé que Pékin “exhorte Israël à cesser immédiatement son opération militaire à Gaza, à rétablir pleinement l’accès aux fournitures humanitaires, à éviter une crise humanitaire d’une plus grande ampleur”, tout en appelant à une désescalade dans l’enclave.
L’Allemagne, allié d’Israël, a de son côté qualifié d’”épouvantable”, les meurtres des journalistes.
“Nous avons appris avec consternation la mort de ces journalistes. Je veux affirmer très clairement : nous condamnons le meurtre de journalistes. Celui-ci est absolument inadmissible au regard du droit international humanitaire”, a déclaré le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Josef Hinterseher, lors d’un point presse à Berlin.
Depuis le début de la guerre, plus de 200 journalistes ont été tués dans des frappes israéliennes à Gaza, un chiffre “absolument inacceptable”, selon le ministre.
"Faire taire"
Les funérailles ont eu lieu lundi dans la ville de Gaza. Des dizaines d'hommes, certains en pleurs, ont porté en terre les corps des six hommes au cimetière Cheikh Redouane.
Sur le site de l'attaque, un mur blanc criblé d'éclats, des matelas souillés et des ventilateurs tordus par les flammes témoignaient de la frappe sur la tente de plastique bleu, dont il ne restait plus rien ou presque à l'exception de sa structure en métal.
Al Jazeera a condamné "une tentative désespérée de faire taire les voix qui dénoncent l'occupation" israélienne. Selon la chaîne, dix de ses correspondants ont été tués par l'armée israélienne à Gaza depuis le début de son offensive génocidaire, le 7 octobre 2023.
Lundi soir, le personnel d'Al Jazeera s'est réuni pour un hommage au siège de la chaîne à Doha. Parmi eux, le chef du bureau de la chaîne à Gaza, Wael al-Dahdouh, dont l’épouse et les enfants ont été tués dans des frappes israéliennes, et le cameraman Fadi Al Wahidi, paralysé après avoir reçu une balle dans le cou.
"Chaque fois que nous perdons une personne bien-aimée et un collègue, nous perdons une partie de cette famille de journalistes. C'est quelque chose de très difficile et très douloureux", s’est confié Wael al-Dahdouh.
Le chef de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (Unrwa), Philippe Lazzarini, s'est dit "horrifié". "L'armée israélienne continue de réduire au silence les voix qui rapportent les atrocités commises à Gaza", a-t-il dit.
Selon RSF, près de 200 journalistes ont été tués depuis le début de la guerre.
Les journalistes "ne doivent jamais être ciblés en temps de guerre", a estimé le Comité pour la protection des journalistes (CPJ).
"Ceci est mon testament"
Un texte écrit en avril a été publié lundi sur le compte X d'Al-Sharif, où il appelle à "ne pas oublier Gaza". "Ceci est mon testament et mon dernier message. Si ces mots vous parviennent, sachez qu'Israël a réussi à me tuer et à faire taire ma voix".
La diffusion d'Al Jazeera a été interdite en Israël et ses bureaux locaux fermés en mai 2024.
Les journalistes étrangers ne sont pas autorisés à entrer à Gaza depuis le début de la guerre. Les médias internationaux s'appuient sur des journalistes locaux, qui ont payé un lourd tribut au conflit.
La guerre israélienne à Gaza a déjà tué 61.499 Palestiniens, selon les données du ministère de la Santé de l’enclave assiégée, jugées fiables par l'ONU.